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David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Coeurs transis ou coeurs brisés, en un clic fixez sa cote.
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L’ŒIL SUR LE MONDE
Si David Fincher est entré si vite au panthéon des réalisateurs cultes, c’est parce qu’il a prouvé qu’il n’est pas besoin de se montrer ennuyeux dans la forme pour passionner sur le fond. Le style Fincher, immédiatement identifiable, se décline en trois actes : des effets visuels époustouflants, une direction d’acteurs impeccable et une analyse mordante du monde contemporain. Car aussi soignés soient-ils au niveau de la forme, les films de Fincher sont aussi et surtout des films à messages. A la fois chic et choc, son regard dissèque les peurs et les névroses de l’homme urbain, sa misère morale, sa solitude, sa paranoïa et sa difficulté à communiquer.
Une telle maîtrise du visuel, cela ne s’invente pas. David Fincher est quasiment tombé dans la marmite de l’image quand il était petit. Très tôt passionné de dessin, de films et d’effets spéciaux, il tourne à 8 ans ses premiers films avec une caméra 8mm dans le cadre de sa famille. A 18 ans, il sollicite un job auprès d’un voisin, George Lucas… Et décroche une place dans la prestigieuse société Industrial, Light and Magic. Il travaille quatre ans durant avec ILM, participant à la conception de films aussi mythiques que Le retour du Jedi, L’histoire sans fin et Indiana Jones et la dernière croisade.
Renforcé par son expérience chez ILM, Fincher se tourne ensuite vers la publicité et les clips musicaux. Il se fait vite remarquer grâce à un spot publicitaire de prévention contre le cancer qui montre un fœtus fumant une cigarette. En 1987, il fonde même sa propre maison de production, Propaganda films. Fincher s’impose dans le milieu comme un surdoué de l’image en signant les clips des plus grands du moment : Madonna (dont le légendaire Vogue), Michael Jackson, George Michael, Aerosmith, les Rolling Stones, Sting, Billy Idol, Nine Inch Nails.
A la recherche de nouveaux talents, la Fox le contacte et lui propose de diriger le troisième volet de la saga Alien. Fincher prend donc le relais de Ridley Scott et de James Cameron et mais il sort de cette expérience écoeuré. En effet, Alien 3 (1992), bénéficie d’un budget colossal mais on ne laisse à son jeune réalisateur aucune liberté de mouvements. Il est bridé, contraint de se soumette aux exigences de la production. Déçu, frustré, il retourne aux vidéo clips.
Trois ans après l’épisode Alien 3, la lecture du scénario d’un serial killer movie basé sur les sept péchés capitaux relance son enthousiasme. Fincher décide de retenter sa chance au cinéma, bien décidé cette fois à se battre pour obtenir son indépendance artistique. Car pour Fincher, il n’existe pas plusieurs façons de tourner une scène mais une seule, la bonne : toutes les autres sont mauvaises. Fincher est perfectionniste et refuse les concessions. Il fait appel à New Line Cinema qui lui donne carte blanche. Intensément sombre, visuellement brillant, Se7en (1995) sort sur les écrans comme une bombe et s’impose immédiatement comme une référence absolue en matière de thriller. Applaudit par la critique et le public, mille fois copié, jamais égalé, Se7en marque également la première collaboration de Fincher avec Brad Pitt qui deviendra son acteur fétiche.
Hissé au rang de réalisateur incontournable grâce au succès de Se7en et fort de sa renommée internationale, Fincher réalise The game (1997), thriller manipulateur dans lequel il jette un regard encore plus sombre et désabusé sur le monde contemporain. Echec commercial et critique à sa sortie, le film deviendra culte quelques années plus tard… Alors qu’il travaille sur le montage final de The Game, Fincher entend parler du roman d’un jeune allumé à la réputation sulfureuse, Chuck Palahniuk. Emballé, Fincher achète les droits avant la Fox, qui lui porte également un grand intérêt, et leur revend en négociant en même temps sa liberté artistique. Belle revanche pour Fincher…Avec un budget confortable, l’assurance de pouvoir mener son film comme il l’entend, Fincher se lance donc dans l’adaptation d’un film audacieux et provocateur pour lequel il retrouve Brad Pitt et engage un acteur en pleine ascension, Edward Norton. Lorsqu’il montre Fight Club aux dirigeants de la Fox, ceux-ci prennent peur et repoussent sa sortie, initialement prévue pour juillet, à octobre 1999. Une fois dans les salles, le film provoque la controverse, opposant les critiques en deux camps radicaux : ceux qui l’adorent et ceux qui le haïssent. Qualifié de « génial » par les uns, de « navet » par les autres, ce formidable coup de poing à la société de consommation ne laisse personne indifférent. Côté public, Fight Club ne remporte pas un franc succès immédiatement mais bénéficie d’une prestigieuse deuxième vie en DVD. Il devient même culte à 200%.
Après Fight Club, Fincher signe Panic Room (2002). Huis clos paranoïaque d’une facture plus classique, le film n’en est pas moins une véritable œuvre personnelle qui décortique à nouveau les failles du monde urbain, toujours avec cette virtuosité visuelle propre au réalisateur. Après Panic Room, Fincher se fait plus discret sur nos écrans mais multiplie les projets, dont M : I : III qu’il abandonne pour divergences artistiques avec Tom Cruise. On doit attendre 2007 pour le voir revenir sur le devant de la scène avec Zodiac. Sélectionné pour le festival de Cannes, ce thriller relate l’histoire vraie de l’un des plus célèbres tueurs en série des Etats-Unis. Avec son approche quasi documentaire et son style très éloigné de ses précédents opus, Zodiac crée la surprise et obtient d’excellentes critiques.
L’Etrange Histoire de Benjamin Button, son troisième film avec Brad Pitt, confirme s’il en est besoin son goût pour le challenge technique. Au menu, reconstitution de décors historiques et rajeunissement des visages. Hélas, sous le vernis visuel scintillant rien ne brille et rien ne respire. Benjamin Button ne dépasse jamais le statut de joujou ultra high tech servi par un discours et des personnages lisses, désincarnés et insipides. D’ailleurs, s’il part favori aux Oscar avec treize nominations, l’Académie ne lui en accorde finalement que trois, tous techniques… Heureusement, passée cette parenthèse, le cinéaste revient au monde contemporain et à davantage de sens. Avec The Social Network, il replace l’homme (a)social au cœur de ses préoccupations et met en exergue le paradoxe le plus intéressant de la création de Facebook. Réseau des réseaux, tout n’est que réseau. C’est donc l’histoire d’un mec qui va donner à son époque l’outil de communication qui correspond le plus à son mode de fonctionnement. Un mec extraordinairement esseulé qui, ironiquement, va concevoir la titanesque usine d’amis qu’on connaît.
Karine
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