David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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COMEDIEN DE L'INNOCENCE

Le livre Bye Bye Bahia



La quarantaine, Denis Podalydès n'est pas une star, à peine une vedette. Il bénéficie d'une certaine notoriété. Mais surtout d'une image. De la belle qualité. Le comédien aimé des lecteurs de Télérama, de ses confrères du théâtre, des cinéphiles qui le reconnaissent au détour d'un rôle, même si personne ne se précipite pour le voir, lui, en salles. Le cadet des Podalydès inspire donc une forme de respect professionnel indéniable - dont il faudrait déjà se méfier - et une adhésion relative d'un public. C'est assez normal : s'il recherche bien une chose, c'est de vouloir être aimable. Bien élevé (pensez Versailles, y a pire pour manger ses pots blédina), l'air gentil (la maladresse est toujours touchante) Montres homme, il va avoir l'audace énorme de quitter le carcan familial pour des cours d'art dramatique. Son père n'avait qu'à pas être fou de sa caméra super huit... Avec son frère, ils montent vite des spectacles, parodient des critiques de Télérama (ze bible dans ce genre de familles), décorent leur chambre en Barnum de variété télévisée. Dieu seul le voit : un saltimbanque dans la lignée. Il avait hérité du rôle de drôle, créatif et aimant le verbe.

En 1996, la trentaine déjà un peu sonnée, Denis triomphe sur les planches avec André le Magnifique. Son professeur de Conservatoire, Jean-Pierre Miquelk, désormais directeur de la prestigieuse Comédie Française, le fait entrer dans la maison. Il deviendra le 505 ème sociétaire honoraire en 2000, trois ans après son arrivée Place Colette. Ca assoit une réputation. D'autant que ses prestations, en parallèle avec la génération montante des Torreton et Putzulu, sont applaudies par la critique, jusqu'à le mener à un Molière pour son Revizor dont il sauvait la mise en scène kitchissime.
Du côté des cinéphiles, cela coïncidera avec son envol. Les années 90 lui offriront une multitude de petits rôles à la télévision et au cinéma et même des pièces filmées (Les Fourberies de Scapin, Le Misanthrope). Des comédies d'auteur, des personnages secondaires. Il navigue dans les univers décalés de Deville, Bonitzer, Dubroux, Desplechin, Ducastel et Martineau... Un cinéma chic, séduisant les médias parisiens et les spectateurs germanopratins.
Il est finalement davantage apprécié pour ses prestations chez son frère; le duo tient là une formule séduisante : l'un derrière, l'autre devant la caméra. Versailles rive gauche et sa prolongation Versailles Chantiers (Dieu seul me voit), du nom de deux des gares de leur ville d'enfance, jouent pleinement sur les préjugés à l'égard de cette cité désuète et aristo. En attendant Versailles Rive Droite. Cela lui permet surtout d'affirmer ses talents comiques... Les rôles vont donc s'étoffer. Surtout le cinéma va lui offrir quelques enjeux dramatiques. Lui qui a déjà tourné avec Marshall, Verneuil, Richet, Jolivet, Devers, et, hélas, souvent dans leurs mauvais films, va enfin croiser les bons cinéastes au bon moment.

En 1999, de Diane Kurys (Les enfants du siècle) à Robert Guédiguian (A l'attaque), en passant par le premier succès public de son frère, Liberté-Oléron, Denis Podalydès se laisse griser par ce léger vent qui souffle dans ses voiles. Si aucun des film n'est vraiment bon, ses performances, plus ou moins intenses, en font un personnage insolite dans le paysage : clown tragique ou poète illuminé, ni beau ni gueule, sorte de grand enfant, et en même temps charmeur gourmand. Il devient vite l'un des "plus grands comédiens français" (dixit Le Monde). Soit. Si les organes de propagande font consensus, il faut bien les croire. De son complexe de Versaillais et de sa passion pour le théâtre (née de sa révélation mystique : Jean-Louis Barrault dans Le Soulier de Satin), de son père grec pieds noir et de sa mère rocardienne, il en tire une contradiction qui enrichit son jeu. de même lorsque son frère le film, il le voit bien en clone, en autoportrait. Effort cinématographique oenaniste, pas loin de l'inceste... cela peut ennuyer ou dévoiler une crise d'inspiration, ou plutôt un esprit nombriliste et ombilical. Elégants, délirants, leurs films ressemblent finalement à la vie versaillaise, à une absence d'ouverture au monde réel. Puisqu'ils nous content Versailles ou des histoires à dormir debout, puisqu'ils ne sortent pas de l'enfance, il faut bien que le gauchiste Denis se frotte à d'autres mondes pour nous plaire. Lui qui voulait tant plaire : "J'aimais mes maîtres et mes camarades, j'avais envie d'être aimé d'eux. Mes plus grandes satisfactions, je les ai eues lors des récitations en classe."

Ces "inadaptés" de la vie doivent en effet affronter la dure réalité. Denis est courtois, modeste, tolérant, un peu décalé du monde moderne, pas forcément à l'aise pendant longtemps avec les filles. Il reste un fond de versaillais dans son attitude. Son métier lui permet de se lâcher. Véritable thérapie pour sortir de ses gongs. Pour aller aux devants des filles. Ordinaire d'apparence, malade en profondeur, ambitieux par dessus tout. Denis Podalydès va grandir, mûrir. Solitaire et romantique, allégés par des cheveux en moins et bizarrement jouant des rôles tristes, il évolue vers la tragi-mélancolie.
Inspecteur chez Beineix, mari dépassé chez Blanc (avec nomination aux César à la clef), auteur en verve chez Tavernier (clairement l'une de ses meilleures performances), et bien sûr blessé de guerre / gueule cassée chez Dupeyron dans l'excellent Chambre des Officiers, l'acteur devient un second rôle convaincant, solide, élevant souvent les scènes au delà de ce qui était attendu. Si aucun des films n'atteint le succès escompté, leur qualité permet à l'acteur de s'installer dans le paysage. Il alterne avec des films art et essai plus confidentiels comme Le Pont des Arts ou Vert Paradis, accepte des participations symboliques chez Bruni-Tedeschi ou Haneke, joue les narrateurs chez De Broca, ou s'immisce dans la comédie loufoque (Bienvenue en Suisse, en short et sandales). Mais Podalydès s'imposera définitivement avec le projet de son frère, tintinophile en diable, d'adapter les Gaston Leroux au cinéma. Denis endosse alors le costume de Rouletabille. Qui lui sied comme un gant. Succès populaire pour Le Mystère de la chambre jaune. Au point que la suite est mis en boîte deux ans plus tard et que Poda junior se voit intégrer Les Brigades du Tigre version ciné. Que cela lui va bien les films du début du XXième siècle; un côté suranné en phase avec ses origines versaillaises. Une France hors mode, les souvenirs comme moteur de création.
Mais le comédien ne peut se réduire à cela. Certes Rouletabille lui colle à la peau : innocence candide et adulte asexué, tempérament déterminé et allure ludique. Capable d'incarner Sartre pour la télé, de jouer Euripide ou Corneille à la salle Richelieu, de mettre en scène Cyrano à la Comédie Française, de s'amuser chez Valérie Lemercier (Palais Royal!) à la cour de Catherine Deneuve... Tout cela pour cacher les cauchemars, enfouir les drames personnels. Le suicide d'un jeune frère. le divorce des parents. Revenir en arrière? Au temps d'avant? A l'insouciance...

vincy


 
 
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