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David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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© Gaumont/Columbia TriStar Films
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Coeurs transis ou coeurs brisés, en un clic fixez sa cote.
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Votes : 8Cote : 10 %
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UN ROI DANS L'ARÊNE
La toute première projection matinale, en ce 2 février 1994, de la première édition du Festival de Gérarmer, ne pouvait prévoir la découverte majeure d’un cinéaste singulier qui allait marquer la nouvelle décennie du cinéma fantastique comme le fit un David Cronenberg autrefois. Un curieux petit film mexicain, récompensé à la précédente Semaine de la Critique à Cannes. Aux premiers abords ennuyeux, le métrage va subrepticement plonger ses spectateurs dans état de cauchemar éveillé, de ceux plus inquiétants encore lorsque aucun cliffhanger ne tente de vous en extraire, perpétuant au-delà du mot fin, au contraire, une hébétude vampirique. C’est dés lors à un instant qu’on se rendra compte que tel était bien le sujet, à travers cette histoire d’un vieil antiquaire découvrant son accroc au sang depuis qu’un mystérieux scarabée mécanique lui piquait le creux de la main… Annonçant l’un des fameux aller-retours semi-commerciaux de Guillermo si l’on songe Blade 2 qu’il allait signer plus tard.
Né en 1964 à Guadalajara, au Mexique, Guillermo Del Toro se passionne dès son plus jeune age au fantastique, plus particulièrement aux films de monstres des années 50 et au gothique exacerbé des fameuses productions Hammer. L’adaptation des Hauts des Hurlevents de William Wyler, avec Laurence Olivier, torturé et gothique, l’a chamboulé au point de vouloir devenir à son tour un chantre de ce climat mariant les fantômes au cauchemar des nuits venteuses. Il s'implique très tôt dans toutes les variantes narratives du genre, étudie le scénario, développe ses talents de dessinateur, réalise maints courts-métrages, émigre aux States et devient l'élève du plus talentueux des créateurs d'effets spéciaux et de maquillage de l'époque: Dick Smith. (L'exorciste, Starman, Little big man…) . Il crée bientôt sa propre compagnie d'effets spéciaux, Necropia, et se consacre pendant dix ans aux films des autres. Fou de cinoche, il fonde entre temps à Guadalajera une école de 7ème art, un Festival du Cinema Mexicain et écrit un bouquin sur Hitchcock. Faut bien passer le temps…
Tourné en 1993, Cronos a beau récolter une vingtaine de récompenses, devenir un film culte et alpaguer le bouche à oreille, Del Toro rame tel un Alain Bombard sur l'océan de la rentabilité cinématographique. Trois années passent et c'est l'heure, comme tout à chacun, de rencontrer Harvey Weinstein, patron de Miramax, le Claude Berri des Etats-Unis, celui qu'il vaut mieux toujours remercier aux récompenses… Cronos lui semble un peu difficile à distribuer ; Guillermo n'aurait-il rien d'autre dans ses escarcelles ? Le cinéaste lui tend quelques pages sur une obscure histoire de cafards mutants. " Argh ! T'es sûr ? " " Oui,oui… ".
Sur ce nouveau projet, les scénaristes défilent, certains crédités au générique, d'autres non. John Sayles, un vieux de la vieille de chez Roger Corman, simplifie l'intrigue, dépeint les personnages, "accompli un merveilleux travail" selon Del Toro. Sayles se retrouve néanmoins absent du générique. Idem de Steven Soderbergh. Son scénario avère : "qu'il n'a pas vraiment pondu ce que j'attendais de lui, dixit Del Toro.. C'était même radicalement différent, en contraste avec mon approche du film. Très étrange vraiment. Cela aurait pu donner un autre Mimic. Certainement pas le mien. Je n'ai rien utilisé de sa version au scénario. ". Tant mieux ? Tant pis ? Nous ne le saurons jamais. Quoiqu'il en soit, Mimic (dont il aura deux suites directement distribuées en vidéo) fera connaître le nom de Del Toro au grand public, malgré le fait que le cinéaste promet ad vitam un director’s cut à ses fans, frustré par les contraintes réputées et imposées par le kaïser de Miramax.…
Libre à nouveau, il cumule les projets, en avance certains alors que d'autres rejoignent les limbes des films mythologiques qui ne demeureront que sur son écran cérébral. L'un d'eux sort un temps du lot grâce à Martin Scorsese qui cherche à le produire : Mephisto's Bridge, "L'histoire d'un pacte entre un homme et le démon". En vain… pour l'heure.
Mais la culture " colonialo-ibérique " de Del Toro n'est pas sans faire tendre l’oreille et les yeux à un couple de fameux lutins producteurs hispaniques qui ont participé au tout nouvel essor du fantastique dans leur pays : Almodovar Pedro, et Agustin, le frérot. Hilares, les deux " gamins " ont déjà produit, outre ceux de Pedro, Action Mutante du gentiment désaxé Alex de la Iglésia, et sont prêts à remettre le couvert. Ainsi naquit L'échine du Diable. Pour se faire, Del Toro engage sa propre production mexicaine, Tequila Gang (nom d'une pratique alcoolisante qui consiste à verser directement Tequila et tonic dans la bouche d'un individu et de secouer violemment le tout - ce que l'homme pratique !) et le comédien principal de Cronos, Federico Luppi. L’idée de L’échine du Diable est venue à Del Toro en se rappelant les mots de son oncle, lui promettant de revenir le voir après sa mort. Son rapport avec le vieil homme est plus amical que familial, puisque ce fut celui qui l’initia aux salles du 7ème art. A douze ans, suite au décès de ce dernier, le petit Del Toro hérite de sa chambre, et c’est alors que toton tint sa promesse. Guillermo reconnut sa voix triste le poursuivant dans la pièce, lui fuyant à toutes jambes, avant de se rendre compte qu’un fantôme ne lui voulait pas forcément du mal. Ca vous forge néanmoins l’imaginaire d’un enfant ! Del Toro confiera plus tard que L’échine du Diable l’a réconcilié avec son âme…
Tel était l’état d’esprit à son sens nécessaire pour accepter et accomplir le film qu’on lui a proposé auparavant, une séquelle de « Blade », alias Wesley Snipes, le chasseur noir mi-mortel, mi-vampire. Car Guillermo Del Toro a déjà commencé à mettre en place sa stratégie de cinéaste, sans ne jamais pour autant se contredire : un film pour vous (les studios), un film pour moi (mon public). L’un lui permettant de s’offrir la liberté de concrétiser l’autre. Caressant depuis dix ans - en fait dès les premières parutions - l’adaptation de la fameuse B.D de Mike Mignola, Hellboy, Blade 2 va faire office de répétition générale et de tremplin au projet. D’abord grâce à Wesley Snipes, en tête du casting et à la production, qui l’incite à assumer ses audaces tandis que ce dernier veillera à la chorégraphie des combats (pour autant, Del Toro en tournera tous les plans, refusant l’idée même d’une seconde équipe). Puis en poussant dans le rôle d’un antagoniste majeur et inquiétant l’indescriptible Ron Perlman, déjà présent dans Cronos, dont la prestance et le physique sont une injure aux canons esthétiques hollywoodiens et moins encore une valeur commerciale. Car dans l’esprit de Guillermo, Perlman est d’ores est déjà son Hellboy… En résulte un véritable comic-book movie, assumé jusque dans ses détails, versant enfantin de « l’auteur » Del Toro, depuis toujours fasciné par cette contre-culture. Supérieur en tous points au premier, Blade 2 lui offre les coudées franches.
Et un budget ! Adaptation très fidèle des Graines de la violence, premier recueil des aventures du démon rouge déchu, Hellboy rechigne à utiliser les dernières révolutions en matières d’effets spéciaux numériques pour y préférer les monstres en caoutchouc, à l’image d’un Tim Burton amoureux des techniques à la Willis O’Brien ou Ray Harryhausen. Hybride, hors sentiers battus, souvent inclassable et volontairement bancal, Hellboy est un film à moyen budget qui, par sa conception respectant l’esprit artisanal, procure une joie immédiate, à l’image d’un enfant découvrant son premier train électrique à Noël pendant que les autres s’illuminent devant la dernière console à la mode. Et ça marche ! Le cœur de Del Toro fonctionne et fait battre ceux des autres, au point qu’on lui en propose aussitôt la suite. Qu’il accepte.
Mais souvenons-nous. Un film pour vous, un film pour moi. Se gardant bien de rappeller qu’Hellboy se situait au départ dans la seconde catégorie, Del Toro en profite pour ressortir du tiroir un vieux projet. En réalité la première mouture de L’échine du diable et déjà intitulé Le labyrinthe de Pan. Elle était parsemée de maintes créatures que le budget qu’on lui attribuait alors ne pouvait concrétiser à la hauteur de ses exigences. A la fois donc prolongation et variante de L’échine du diable, Le labyrinthe de Pan aborde à nouveau le fascisme espagnol à travers le prisme de l’horreur et du conte de fée. Au point de se voir sélectionné en compétition à Canne et accorder à un cinéaste de première ampleur, mais jusqu’alors snobé par son genre de prédilection, la place qu’il mérite (comme il en fut de David Cronenberg avant de devenir un jour président du Jury et habitué de la sélection !).
On pourra alors voir en Guillermo Del Toro un frère hispanique de Peter Jackson, au delà-même de leur physique d’ours mal rasé mais néanmoins adorable et passionné. Des fans de B.D, de joujoux, de cailloux et de hiboux. Mais de jeux vidéos surtout. Ainsi, Peter Jackson annoncé à la production, Del Toro pourrait se voir confié la portée à l’écran du fameux jeu Halo alors qu’ Hellboy est actuellement adapté sur consoles. Lui-même travaille actuellement avec Terminal Reality – responsable de la série vidéo-ludique BloodRayne – sur Sundown - où il sera question de survivre dans un futur apocalyptique à des hordes de zombies.
Et de songer à cet autre gros barbu enfantin qui jusqu’à la fin de ses jours chercha à concrétiser en vain ses rêves et auquel ceux-là mêmes semblent aujourd’hui rendre hommage… Si Orson Welles était aujourd’hui vivant, il y a bien longtemps qu’il nous aurait pondu un jeu vidéo, non ?
Arnaud-
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