David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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ECARTS DE CONDUITE





Enfant de la balle (voir Jake) Maggie Gyllenhaal, new yorkaise de Los Angeles (ou l'inverse), passe ses étés à étudier les arts dramatiques à la Royal Academy. Par ailleurs, elle étudie la littérature et les religions orientales à l'Université de Colombia. De quoi former une féministe émancipée à l'instar de son rôle dans Mona Lisa Smile.
En 1992, la demoiselle devient fille à papa, alignant six films réalisés par son géniteur : Wonderland, A Dangerous Woman, Homegrown et plusieurs téléfilms. Elle coupera le cordon avec le déjanté John Waters en rebelle révoltée et trash dans Cecil B. Demented. De quoi s'offrir un bizutage honorable à Hollywood. L'univers légèrement barré du film lui donne accès à celui plus onirique mais non moins étrange du culte Donnie Darko, de Richard Kelly. Elle y retrouve son frère, Jake, pour y incarner sa ... soeur!
Maggie, en toute indépendance, choisit ses rôles (quitte à se fritter sur les tournages parfois). Justification : "Je suis de plus en plus intéressée par les rôles ont une vocation à changer le monde." Dérivé : "C'est ma responsabilité de voir ce qui peut changer et bouger à partir de ces mantras féministes de la vieille école." Solution : "Je semble avoir un peu de prédilection pour les films qui ont quelque chose de transgressifs." Libre et franc tireuse, la jeune femme, 1m75 (ce qui n'est pas petit pour une actrice), le visage singulier et séducteur, est pourtant fusionnelle avec sa famille. Quand Jake sort avec Kirsten Dunst, celle-ci est sa meilleure amie. Une rupture plus tard et elles ne se parlent plus. Peu importe, puisque Jake se fait un pote sur le tournage de Jarhead, l'acteur Peter Sarsgaard. Il devient le "boyfriend" de Maggie et même le papa de son premier enfant.
Pourtant après Donnie Darko, elle va s'affranchir et tailler sa propre route. En 2002, 25 ans seulement, elle rejoint le casting du film d'Adaptation, aux côtés de Meryl Streep et de Nicolas Cage. Un Spike Jonze consacré par la profession. La même année elle est invitée sur le premier film prometteur et brillant de George Clooney, Confessions d'un homme dangereux. Mais c'est un petit film indie qui va lui permettre de se faire une place dans les magazines et les palmarès de fin d'année. Maggie vole la vedette à James Spader dans La secrétaire. Les prix pleuvent. Les critiques la noient de compliments et de flatteries. Elle incarne un premier rôle, pour la première fois, et s'impose avec évidence. Avec cette interprétation de timide sado masochiste, à la fois naïve et sévère, la belle se voit récompenser. L'actrice a toujours une vision politique de ses films; aussi lorsqu'elle parle de La Secrétaire, elle évoque les possibilités libératrices de la soumission sexuelle.
Mais refusant de s'enfermer dans un genre, elle alterne les styles : amatrice de comédies musicales, elle joue le rôle central de Happy Endings, ou des oeuvres populaires plus anecdotiques et formatées comme 40 jours et 40 nuits, Le sourire de Mona Lisa, Ecarts de conduite (où elle retrouve Drew Barrymore). Souvent second-rôle, elle sait ce qu'elle apporte, une forme de lumière intérieure, de paix fragile, de nervosité contrôlée, de domination illusoire, de féminité suave et "smart".
La femme reste cependant moins connue que son frère. En Europe, Maggie Gyllenhaal ce n'est pas Kirsten Dunst. La plupart de ses films sont restés inédits en France (Sherrybaby devrait sortir prochainement) ou confidentiels. Sa liberté l'a conduite à persévérer sur les planches, à être fidèle aux défilés de mode, à profiter de sa jeunesse. Cependant, c'est surtout la personnalité engagée qui séduit les médias américains. Elle compte bien faire entendre sa voix. En 2003, lors d'un discours public à l'Université de Caroline du Nord, elle critique ouvertement l'industrie du film, et lors de la cérémonie des Oscars en 2003, elle porte un badge pour supporter l'organisation pacifiste Artists United to Win Without War, qui critique la décision du gouvernement de Washington d'avoir envahi l'Irak. Et elle récidive : en 2005, elle déclare courageusement à propos des attentats du 11 septembre : "Je pense que les États-Unis ont commis des actes répréhensibles et ont leur part de responsabilité." Il est donc peu étonnant de la retrouver dans deux films traitant du même sujet : The Great New Wonderful (sur l'après 11 Septembre), et World Trade Center, d'Oliver Stone au coeur même de la tragédie. Elle y joue l'épouse d'un des deux pompiers enseveli entre vie et mort. Emotion palpable malgré le navet qui l'entoure.
Femme quelconque (et mature) ou jeune fille délurée, elle enchaîne les films et ne refuse jamais les expériences. Un peu accro au joint dans un segment de Paris je t'aime version Assayas ou baby sitter irresponsable et un peu conne dans Monster House. Légère ou dramatique, Maggie Gyllenhaal assure ses arrières en étendant son registre, du polar (Criminal) à la fantaisie (Stranger than fiction). Si le cinéma reste une affaire de famille, pour la jeune femme c'est avant tout une histoire de devoirs. "Je veux des rôles qui bousculent les gens et les interrogent sur leur vie."
Elle n'oublie pas qu'elle est américaine. "Il y a un besoin, spécialement en ce moment en Amérique, d'être un brin provocateur." L'affiche de La secrétaire exhibait ainsi en pleine face son popotin cintré dans un tailleur. Chic et trash, comme elle.

ninteen, v.


 
 
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