David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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Impossible de dissocier le nom de George Romero aux créatures qu’il mit en scène pour la première fois en 1968 dans le film désormais culte La nuit des morts vivants. Impossible aussi de tracer l’œuvre de l’homme sans mettre à jour une pensée politique, anarchiste, sociale. En un mot une pensée humaniste brillant à travers le prisme de la mort.

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George Romero, c’est avant tout envers et contre tous, c’est un amoureux du fantastique, un féru de cinéma, un artisan ayant presque toujours œuvré en marge des grands studios afin de conserver sa liberté créatrice. Une liberté permettant de piocher à différentes époques dans son œuvre pour retomber sur les mêmes lignes de force, lignes veineuses sur fond de peau blanche tachant l’immaculé territoire américain. Car c’est de sa ville natale Pittsburgh, que Romero tourna la majorité de ses films sur des vivants en proie au retour non désiré des morts. Un petit coin de paradis pour attaquer l’enfer que l’Amérique s’efforce de cacher : son racisme patent, sa consommation frénétique, son dénigrement de l’individu, sa mise au ban des pauvres, l’exclusion des marginaux, l’enregistrement paranoïaque de la réalité, sa soif de guerre, etc, etc. Aux yeux de Romero les Etats-Unis se sont englués dans une barbarie moderne inacceptable, c’est pourquoi lui, modeste artiste, s’échine depuis plus de quarante ans à en pointer les extrémismes. Et Romero adaptant le propos de ses films à chaque époque, le dernier épisode en date des morts-vivants s’attaque à la mondialisation en prenant pour bouc émissaire l’addiction de l’humanité à l’image, et plus précisément à sa propre image. Depuis La nuit des morts-vivants jusqu’à Diary of the dead la violence humaine s’est transmuée en mode de vie et les moyens de communication sont devenus les derniers remparts d’une réalité tronquée. En 1968 les médias ne pouvaient relayer des informations collant au plus près du réel et en 2008 ils assument la désinformation comme système de communication désormais établi. Entre temps, l’homme aura mangé ses congénères (Zombie) et expérimenté sur eux diverses méthodes pour l’asservir (Le jour des morts-vivants).

Témoin au regard bien sombre ou homme engagé pour améliorer son espèce, Romero ne se justifie jamais dans ses partis pris, arguant qu’il suffit d’ouvrir les yeux pour se rendre compte de l’état du monde. Nous n’ouvrirons pas de fenêtre déjà grande ouverte en affirmant le génie de l’homme à avoir utilisé des morts pour parler des vivants, mais force est d’observer que la démarche est toujours pertinente au XXIème siècle. La virulence de ses attaques est d’ailleurs autorisée car balancée indirectement à la face du monde. C’est bien connu, le mort vivant n’existe pas, ce n’est qu’une créature parmi d’autres dans le bestiaire du fantastique, genre qui fut d’ailleurs longtemps le mal aimé du monde cinématographique. Et Romero ayant bien conscience de ce mépris fut alors un des premiers à en profiter pour l’utiliser à des fins politiques, tout comme à l’époque Tobe Hooper avec son Massacre à la tronçonneuse ou Carpenter un peu plus tard avec New York 1997. Aujourd’hui d’autres réalisateurs talentueux comme Guillermo Del Toro travaille le matériau du fantastique pour l’extraire de son socle et construire des paraboles sur l’Histoire et le Présent. Romero fait ainsi figure de référence, sa vision socio-politique du fantastique et ses paraboles inquiétantes se révélant à long terme inscrite dans une contemporanité immédiate. Revers de la médaille, sa saga des morts-vivants a eu tendance à éclipser ses autres réalisations, bien évidemment moins connues si ce n’est le fameux Creepshow réalisé en 1982, film à sketchs inégal dans la veine de la série Tales from the crypt. Ce sera son film le plus léger dans toute sa filmographie, Romero s’attachant à développer des thématiques plus dures telles que la folie religieuse, le handicap, la défiguration. Ce sont d’ailleurs les thèmes abordés qui font de lui un cinéaste majeur, celui-ci étant souvent plus à l’aise dans le traitement frontal d’un sujet que dans sa mise en scène, souvent académique et parfois un peu plate. Défaut qui sera toutefois démenti dans Martin (1977) et Incidents de parcours (1988), ovnis oscillant entre le drame et le fantastique, où l’horreur surgit au détour d’une réalité étouffante. A ce titre Incidents de parcours touche à la perfection, Romero construisant son récit comme un banal fait de société avant de le faire basculer dans l’horreur psychologique pure. Sans effusion de sang ni grandiloquence, seul un singe parvient à rendre inquiétante une pellicule portée par la souffrance de l’isolement. Et Romero de mettre à bas un chef d’œuvre à réhabiliter d’urgence. En revanche les années 90 furent une période de vache maigre pour le réalisateur : difficultés à monter ses projets, films inaboutis, bâclés (le très raté Deux yeux maléfiques). En manque d’inspiration lorsqu’il adapte La part des ténèbres (1992) de Stephen King, réflexion sur le schisme psychologique de l’écrivain qui, malgré quelques magnifiques séquences, semble alourdit par son incapacité à traduire à l’écran la verve du démiurge bigleux, il tombe dans le ridicule avec Bruiser (2000), film de serial killer défiguré à la mise en scène digne d’un téléfilm.

Contre toute attente mais sans surprise ce sera avec ses zombies préférés qu’il reviendra sur le devant de la scène en 2005 avec Land of the dead, prolongation de sa trilogie qu’il continue de développer avec Diary of the dead. Décidément, Romero restera en vie tant que ses zombies arpenteront le monde des vivants.

Denis


 
 
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