David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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ECCE NANNI, OU LE CHAOS TRANQUILLE





C'est une fois sa scolarité terminée que Nanni Moretti décide de devenir réalisateur. En 1973, il réalise ses deux premiers courts-métrages - Pâté de bourgeois et La défaite - où déjà, il commence à mêler questions intimes et réflexions politiques. Tel Hitchcock, ce passionné de cinéma à la particularité de jouer dans la plupart de ces réalisations. Moretti ne s’arrêtera pas là : réalisateur et acteur, il est également producteur (Sacher films, du nom d’une pâtisserie autrichienne), scénariste, exploitant de salle (le Nuovo Sacher, à Rome), directeur de festival et citoyen engagé… Chez lui tout se mêle : son amour du sport et ses questions intimes, son regard grave sur le monde et son envie de s’en moquer. Dans ses films, il y a du Woody Allen, avec cette volonté de passer toutes ses interrogations sur le divan et par le monologue, mélangé un néo-réalisme plus romanesque que celui de ses maîtres italiens.

Autarcique

En 1976, il réalise son premier long-métrage, Je suis un autarcirque, ce qui veut tout dire de la part de ce misanthrope où il pose les fondements de son œuvre : un regard critique et ironique de la politique. Dès 1978, alors jeune prodige italien, il entre dans la cour des grands avec Ecce Bombo qui évoque les rapports conflictuels d’un étudiant. Le film est sélectionné au festival de Cannes. Depuis il en sera l’un de ses abonnés.

En effet, presque tous ses longs-métrages de fiction ont été sélectionnés pour la compétition : en 1994 il revient sur la croisette qu'il aime tant, avec Journal Intime où il expose son combat contre la maladie de Hodgkin, une forme de cancer dont il était victime à l'époque. Prix de la mise en scène introspective. Avec Aprile, en 1998, il communique sa joie de voir la gauche victorieuse aux élections. Une parenthèse enchantée dans 20 ans de Berlusconisme où il croise son enthousiasme d’être père : l’espoir d’un monde nouveau. Mais c’est avec une oeuvre bouleversante et mature sur le deuil, La chambre du fils, qu’il décroche la Palme d'or à Cannes en 2001. L’Italie sombre vers sa déchéance. Vinrent ensuite Le Caïman (2003), film métaphorique et charge virulente anti-Berlusconi, en pleine campagne législatives, et Habemus papam (2011), film parabolique sur le Pape et la liberté individuelle. Membre du jury pour la 50ème édition, sous la présidence d'Isabelle Adjani, le voici, 15 ans plus tard, propulsé Président du jury cannois. La consécration. Il est sans aucun doute le cinéaste italien le plus connu et le plus respecté de la planète cinéphilique alors que le cinéma italien s’est effondré sous la pression cathodique (comprendre des émissions kitschs, vulgaires et décérébrées) et l’absence de financement solide pour des films d’auteurs.

Anticonformiste

Moretti est un homme sincère et franc. Il aime la singularité et déteste le conformisme. Né au début des années 50 dans l’Italie alpine, près de la frontière autrichienne, le jeune Giovanni est issu d’une famille d’enseignants. La seule vraie richesse pour un progressiste comme lui. Fan de ciné (et de water-polo) durant son adolescence, il ne capitulera jamais face à cette obsession. Grand prix du jury à Venise en 1981 (Sogni d’oro) et Ours d’argent à Berlin en 1986 (La messe est finie), Moretti est rapidement devenu l’arbre glorieux d’un cinéma italien dont tous les arbres avaient été coupés à la tronçonneuse par des spectateurs ingrats et des politiciens incultes. Professeur, curé ou militant communiste amnésique (Palombella Rossa, 1989), il construit une filmographie où toute la sociologie italienne – religion, institution, politique, … - est décrite avec empathie et sarcasme.

Finalement, sans le déclin du communisme et l’apogée de la droite dure, sans tous ces paramètres qui ont conduit l’Italie à perdre sa culture et ses valeurs au profit de l’argent, de l’ignorance, du vulgaire et du superficiel, Moretti aurait-il été Moretti ? Tout son cinéma s’est fondé sur sa vie personnelle ou ses tourments (la maladie, le deuil), mais l’essentiel de sa réputation, de son image s’est construit sur son positionnement idéologique. Sans Berlusconi, il n’aurait pas été un opposant si virulent, un résistant si hargneux, et méritant. En devenant la figure anti-Berlusconi aux yeux du monde, son exact opposé en tout, Moretti a bâti une partie de sa légende, quitte à ce que l’on oublie son cinéma.

Chroniques d'une mort annoncée

Avec 11 films au compteur en 35 ans, le réalisateur a ponctué sa carrière en jouant les comédiens ailleurs. Chez les Tavianni, Calopresti, Luchetti. Et récemment dans Caos Calmo, de Grimaldi, rôle qui semblait taillé pour lui. Chroniqueur de cette Europe en décomposition et de cette bourgeoisie en quête d’un nouveau sens à sa vie, il est une référence du cinéma européen, sans jamais s’épargner au passage. Il est son premier criitique. On pourrait même le croire maniaco-dépressif. Rigoureux, exigeant, perfectionniste, Moretti est, pourtant, l’un des rares à ne s’imposer aucune règle, variant les styles et les tons à chacun de ses films. Il ne s’interdit aucune ambition, passant de récits dramatiques puissants à des comédies grinçantes ou des films sobres et sombres. A la fois artisan et chef d’orchestre, soucieux des mots et ouvert à l’improvisation, il puise dans sa propre vie, quitte à être parfois narcissique, le matériau de son inspiration. Timide ou réservé, selon, engagé et exposé, provocateur et réfléchi, farouchement indépendant, érudit, son nombrilisme s’est estompé au fil des ans, préférant filmer le Monde que lui-même. Parfois avec moins de grâce.

Son cinéma ne laisse pas indifférent, et lui-même aime se laisser surprendre. Son goût pour la solitude (inadapté aux montées des marches cannoises) – « Moins on est, mieux on se porte » - est contredit par son envie de sauver son pays de désastres politiques, quitte à prendre un porte-voix sur une estrade au milieu d’une foule de romains.

Il est finalement un cinéaste de l’errance. Vagabondant d’une obsession à l’autre, en quête d’une liberté absolue, d’un bonheur utopique, à l’instar de son Pape (Michel Piccoli) qui fuit le Vatican et ses cérémoniaux pour déambuler dans Rome et se mettre à l’abri dans un théâtre.
Charismatique, il peut être autoritaire. Son caractère bien trempé est cependant atténué par son profond respect de la démocratie, de l’échange. Souvent, il apparaît comme un être subissant son destin, alors qu’il le combat avec détermination. Mais il affronte les aléas en solitaire. En scooter dans Rome ou en jogging sur les quais du port d’Ancone. Ses personnages se ressourcent au travers de balades « autistes ».

Et pourtant, Moretti est bien italien. Il est aussi chaleureux que généreux. Gourmand de cinéma – capable dans les dialogues de ses films de se moquer de Heat de Michael Mann ou de respecter Matrix Relaoded – il est cérébral et curieux, fervent héritier des conversations cinéphiliques d’antan et relativiste (le sport a autant d’importance à ses yeux, il y en a dans chacune de ses œuvres). Pas snob pour un euro. Homme courtois et partageur, amoureux de la vie et de cette ville ouverte qu’est Rome, Moretti aime « se faire du mal » mais ne recherche que le bien, de tous.

cynthia, vincy


 
 
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