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 (C)Ecran Noir
 1996-2000

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Les Rivières Pourpres est à l'origine un roman policier de Jean-Christophe Grangé. Sorti en janvier 1998, le livre a rencontré un succès phénoménal devenant rapidement un best-seller. Alain Goldman et sa société Légende Entreprise ont donc acheté les droits du roman et proposé à la Gaumont de produire l'adaptation de l'ouvrage.
Après avoir rencontré Jean Reno pour le rôle du commissaire Niémans, Alain Goldman a contacté Mathieu Kassovitz pour assurer la réalisation. Celui-ci convaincu de la richesse du script a donc accepté la mission : réaliser un Seven à la française. Son ami Vincent Cassel, le héros de La Haine, a accepté de tenir le rôle du second héros du film, le Lieutenant Max Kerkérian. Pour Fanny, le choix s'est arrêté sur la belle Nadia Farès, la révélation des Démons De Jésus de Bernie Bonvoisin...
Le tournage a été particulièrement difficile compte tenu des conditions climatiques de la haute montagne. Nadia Farès a dû notamment suivre un entraînement spécifique pour devenir à l'écran une guide de montagne réaliste.
Le film a tout pour être le succès français de cette rentrée : une histoire forte, un casting de choix, les meilleurs techniciens français- Bruno Coulais (Himalaya) à la musique, Thierry Arbogast à la photographie. De plus, la sortie du Pacte des Loups De Christophe Gans ayant été repoussée au début de l'année 2001, le film se retrouve sans réelle concurrence hormis les outsiders Tigre Et Dragon et Dancer In The Dark, à priori destiné à un public moins large.
Un Succès est de toute façon obligatoire. Alain Goldman doit effacer l'ardoise laissée par les piteux chiffres de Vatel de Roland Joffré. Mathieu Kassovitz, après le semi échec critique et public d'Assassin(s) espère redevenir le chef de file de la jeune génération française (Gaspard Noé, Jan Kounen etc...) et obtenir son passeport pour Hollywood. La projection des rushes au Marché du Film de Cannes a suffi pour vendre le film aux distributeurs étrangers. Les Rivières Pourpres est donc devenu le film français le plus attendu de cette fin de siècle.

Critique

Science sans conscience

« Nous Sommes Les Maîtres, Nous Sommes Les Esclaves, Nous Maîtrisons Les Rivières Pourpres »

L'ambition de Mathieu Kassovitz et d'Alain Goldman, le producteur, était simple : renouer avec le film de genre français et concurrencer les films américains sur leur propre terrain, l'action efficace.
Le pari est réussi : Les Rivières Pourpres est un bon thriller, brillamment mis en scène. Adapter un best-seller comme Les Rivières Pourpres, tenait pourtant de la gageuse : résumer 400 pages de tension en 1h 40 obligeait des coupes inévitables prenant le risque de décevoir les fans du bouquin. Ainsi on est directement plongé dans les pas de Pierre Niémans, Jean Reno, impressionnant de présence, sans la terrible scène d'ouverture du roman. Dommage.

Mathieu Kassovitz s'est cependant approprié avec succès cette oeuvre de commande. Sa mise en scène dénuée d'effets trop visibles est remarquable. Il n'a rien à envier aux plus grands spécialistes du cinéma d'action hollywoodien, magnifiant la nature par d'amples mouvements de caméra et des vues d'hélicoptère. Il parvient en filmant la montagne et les glaciers à donner un souffle épique au destin des deux flics. L'ensemble des décors est d'ailleurs particulièrement soigné et donne un aspect singulier au film.

Sans trop surcharger l'intrigue, il insuffle des éléments de son univers personnels, filmant une baston comme un jeu vidéo avec une utilisation géniale de la bande-son; mettant dans la bouche du jeune flic, un phrasé de banlieue (un beur dans le roman mais cela n'a pas trop d'importance) et se moquant perpétuellement des simples flics. La première scène de Cassel est un clin d'oeil ironique à La Haine, où flic, il regarde ces jeunes de banlieue, si loin, si proches...

D'ailleurs, Kassovitz en rajoute peut-être un peu trop dans le coté tête brûlée des deux héros. Cela permet néanmoins de décharger la noirceur de l'intrigue par un humour salvateur. Parfois caricatural, même, puisque Réno et Cassel n'hésitent pas à surjouer et reprendre leurs "marques de fabriques". Car oui, même si le film montre des meurtres atroces, on rit souvent des péripéties de nos personnages accompagnés de flics complètement à coté de la plaque. La rencontre Jean Reno-Vincent Cassel devant la porte d'un « suspect » est à ce titre une scène d'anthologie.
Leur duo fonctionne donc parfaitement. La coopération entre un jeune chien fou et un vieux bourru est devenu un classique du film policier, mais grâce à des dialogues percutants, on oublie assez vite les références (L'Arme Fatale, Seven) pour suivre les enquêtes. Nadia Farès peine par contre à imposer son personnage de femme de caractère (ambivalent), même si elle s'impose par un charisme fortement cinégénique. Le rôle est cependant trop mince pour qu'elle parvienne à nous époustouffler.

Le seul reproche que l'on peut adresser au film est son final. Ne pas suivre fidèlement le roman est un choix assumé, Jean-Christophe Grangé, l'auteur du roman ayant coadapté le film. Mais voilà, le dernier quart d'heure paraît presque bâclé, beaucoup trop rapide en tout cas. Ne pas tout expliquer au spectateur est une entreprise louable, trop de film aujourd'hui ont tendance à faire l'inverse, souligner chaque élément au trait rouge, mais il n'est pas certain que les non-lecteurs du roman comprendront exactement les motivations des personnages et le but des Rivières Pourpres.
Elliptique, le film en devient parfois très confus; il est difficile de comprendre l'histoire avec le scénario qui nous est donné. Si la fin est une partie de l'explication, elle nous laisse sur notre faim tant ne détaille pas les motifs du tueur. On aurait aimé que Les Rivières Pourpres plongent plus profondément dans l'horreur de la manipulation génétique et des idéaux fascistes...

Reste qu'avec ce film, le cinéma français tient une locomotive pour les fréquentations de la rentrée et en sus, un bon film de genre. Un divertissement de qualité, noir et brutal. Mathieu Kassovitz a donc prouvé qu'il pouvait réaliser un thriller en gardant son style, exécuter une commande en préservant son âme. On n'est pas si loin d'Assasin(s). Le montage réussi en bonus. Ce film de bout du monde est sans doute sa sortie d'impasse. Le film a d'ailleurs un boulevard devant lui pour cartonner dans les salles françaises...

Yannick (et VinCy)