Le cinéma de Mathieu Kassovitz a toujours été extrêmement référencé.
Il a de nombreuses fois rendu hommage à ces cinéastes préférés, Spike Lee en
tête. Ainsi son premier court métrage Fierrot Le Fou détourne les pubs Nike
filmés par le cinéaste américain, Métisse, son premier film était un quasi
remake de Nola Darling Nâen Fait QuâA Sa Tête, et enfin La Haine est une version
banlieue française du magnifique Do The Right Thing. Toujours dans La Haine, il
montrait Vincent Cassel imitant devant sa glace le fameux « Are You Talking To
Me » de Robert De Niro dans Taxi Driver de Martin Scorsese, cinéaste vénéré par
le jeune français.
Pour Les Rivières Pourpres, il recycle de nouveau ces nombreuses influences
créant, un véritable jeu de piste pour cinéphile.
Serial-Killer, un genre codifié
Les Rivières Pourpres obéit aux règles dâun genre bien particulier, le thriller
avec tueur en série. Certaines scènes sont devenues un passage obligée, comme
l'autopsie quasi-obligatoire d'une victime mutilée.
Le serial-killer est un personnage à la mode. Génie du mal, tueur sadique, il
représente la violence exacerbée par nos société contemporaines. Le fait que
d'après les études, le serial-killer « moyen » est un homme jeune, souvent bien
intégré et très cultivé, renforce le malaise et la dimension éprouvante de ces
thrillers.
Avant 1990, le cinéma avait déjà montré de nombreux serial-killer l'écran, de M
le Maudit de Fritz Lang au Sixième Sens de Michael Mann en passant par Jason de
Vendredi 13.
Mais c'est avec l'énorme succès du Silence Des Agneaux de Jonathan Demme en
1991, Oscar du Meilleur film, que le thriller avec serial-killer devient un
genre en soit. Genre qui a inspiré de nombreux cinéastes, mettant en scène des
films à la trame assez similaire, un duo de « flics » pourchasse un tueur en
série intelligent et sanglant. Seven de David Fincher, Six Pack d'Alain
Berbérian, Copycat de Jon Amiel, Bone Collector de Philip Noyce, Le
Collectionneur de Gary Fleder, Resurrection de Russel Mulcahy, La Secte Sans Nom
de Jaime Balaguero et d'autres, en attendant Hannibal de Ridley Scott, la suite
du Silence Des Agneaux. Ces films ne sont pas tous de même intérêt, le ridicule
Six Pack côtoie en effet le sublime Seven.
Heureusement pour la qualité des Rivières Pourpres, c'est l'influence du chef
d'oeuvre de David Fincher qui est la plus évidente. Mathieu Kassovitz a souvent
clamé son amour absolu pour la mise en scène de Seven et donc on retrouve
certains éléments du film du réalisateur de Fight Club dans Les Rivières
Pourpres ; plans dans la bibliothèque, poursuite dans l'escalier, premier coup
de feu du film ressenti comme une décharge électrique, Mathieu Kassovitz a usé
le DVD de Seven , cela se voit et c'est tant mieux.
De plus, il reprend le schéma classique du Buddy-Movie (L'Arme Fatale par
exemple), avec une coopération entre deux flics que tout oppose, un jeune agité
et un vieux sage, déjà utilisé dans Seven.
Mathieu Kassovitz cite aussi Le Silence Des Agneaux, notamment lors de la scène
dans l'antre du « tueur» et les plans insistants sur les bocaux.
Les Fous du Labo
Les Rivières Pourpres a pour fond l'eugénisme et la recherche génétique pour
créer un être parfait. Le cinéma a souvent mis en scène la création de monstres
échappés de l'imagination de savants fous, Frankenstein, Docteur Jekyll et
Mister Hyde, L'Homme Qui Rétrecit, autant de films, de personnages devenus des
classiques.
Mais dans Les Rivières Pourpres, ce n'est pas un être crée de toute pièce, mais
une modification scientifique, une amélioration génétique pour aboutir au
Meilleur des Monde de Huxley. Récemment, le futuriste Bienvenue à Gatacca
d'Andrew Niccol illustrait un futur possible en cas de victoire du
tout-génétique sur le miracle du hasard.
Les thèses de Rémy Callois de l'union du corps pur avec l'esprit éclairé se
rapprochent bien évidemment des thèses nazis et du racisme prôné par Gobineau et
autres. Les Rivières. On pense souvent devant Les Rivières Pourpres aux Dieux Du
Stade de Léni Riefensthal, documentaire célébrant la gloire du corps aryen
pendant les Jeux Olympiques de Berlin de 1936. Un Esprit sain dans un Corps
sain, devise olympique, transformé dans ce documentaire fascisant en éloge de
la « race » aryenne.
Filmer la violence
Mathieu Kassovitz a toujours été intéressé par le mécanisme de la violence, la
dérive de la société qui mène à l'explosion de quelques individus.
Dans Les Rivières Pourpres, il filme l'unique baston du film sur une musique de
jeu vidéo, les « Here Come A New Challenger », « Game Over » rythmant les coups.
Cette scène apparaît comme un contrepoint à son précédent film Assassin(s) dans
lequel un jeune utilisait un flingue, habitué à son usage grâce à sa
playstation. Mais, attention, Mathieu Kassovitz n'a pas changé de point de vue
par rapport à son précédent film. En effet pour lui, la violence n'est pas que
le fait du cinéma, des jeux vidéos mais de la société elle-même, qui par la
télévision, montre des adultes s'humiliant en reniflant la merde de leur chien
pour de l'argent. Seuls, laissés à la dérive, les jeunes se laissent emporté
par un flot incessant d'images qui toujours, montre un rapport de force basé
sur l'argent.
Fimer un thriller n'est donc pas un volte-face de Mathieu Kassovitz mais
jsutement une prolongation de sa réflexion sur la société, après les dérives
policières (La Haine), les dérivés télévisuelles (Assassin(s)), il filme la
dérive de la science.
Influences en vrac
Mathieu Kassovitz insère des plans, des idées d'artistes qu'il aime.
Le générique d'ouverture, insectes rongeants un corps, évoque le début de Blue
Velvet de David Lynch et surtout Microcosmos. Un clin d'oeil sans aucun doute à
Bruno Coulais, le compositeur de la musique des Rivières Pourpres et de
Microcosmos qui l'a rendu célébre.
Les plans d'hélicoptères du début du film qui suit sur une route de montagne la
voiture du Commissaire Nièmans rappelle bien sûr le début de Shining de Stanley
Kubrick. Hommage au maître décédé, Dominik Moll dans Harry Un Ami Qui Vous Veut
Du Bien commençait son film par un plan similaire.
D'impressionnantes séquences se déroulent en haute montagne, dans les glaciers
des Alpes. Comme le souligne Max Kerkérian (Vincent Cassel), on se souvient
alors de Cliffhanger de Renny Harlin même si le fond et la forme n'ont que peu
de rapport.
Lien : Mathieu Kassovitz acteur