(C) Ecran Noir 1996-2002
  Dossier: Vincy - PETSSSsss
  Hervé - Agnès
CRITIQUE

CHABAT ET COMPAGNIE

" - Je suis, mon cher ami, très heureux de te voir
- C'est un Alexandrin. "

Rendons à Chabat ce qui est à César. Ce génie de l'humour a réussi son pari, en partie. Il a respecté - à peu près - la bande dessinée originale dont il s'est inspiré. Son perfectionnisme a permis à cette production gigantesque d'être techniquement au niveau des divertissements américains. Même si l'humour est très français, à l'instar de ses héros, le film a d'emblée les ambitions d'un Cecil B.De Mille au service de Les Nuls. Chabat prouve avec cette mission improbable qu'il est non seulement possible d'adapter Astérix avec son propre style, mais surtout que le lifting en fait une oeuvre distincte de la BD, complètement moderne, avec ses propres gags (et étonnamment sans cul, mis à part la chute de reins de Monica). Toutes proportions gardées, c'est un peu Burton revisitant Batman, excepté qu'il s'agit là de Mike Myers s'attaquant à Mickey. C'est une bonne nouvelle car la " franchise " cinéma du héros gaulois prend un nouveau tournant. Après le très franchouillard opus de Zidi, et son casting prêt-à-l'export, Chabat réalise un film moins exportable mais plus drôle, visuellement plus gonflé.
Bon. Passés les lauriers et notre immense vénération pour Chabat, que reste-t-il ?
Des belles surprises (de César) et des manques (y aurait eu Brutus on aurait crié à la trahison). Il y a de réelles trouvailles, des vannes, des jeux de mots, des nouveaux noms de personnages (Otis, Céplus, Cannabis). Même si le gag nommé Itinéris ne devrait pas résister au temps puisque la marque a été remplacé par Orange, dans la vraie vie (à ce propos, on vous rappelle qu'il faut éteindre les portables dans les salles de cinéma). Il y a aussi ces intermèdes irrésistibles, absurdes et hors sujets (cette année : la langouste). Un bon coup de James Brown, à fond la sono, pour nous la jouer délirium musical à la Broadway. Ou encore l'écho parodique à Star Wars (" Quand on attaque l'Empire, l'Empire contre attaque, musique en sus). Non, sus n'est pas un personnage du film. On pourrait ajouter les caméos si bien veni vidi vici : Bacri, Kassovitz, BerriŠ, les références à la culture pop TV d'avant Loft Story, la poétique idée d'avoir fait réciter à Obélix une tirade de Cyrano, la sortie de la Pyramide, façon cartoon. Il ne faut pas oublier Isabelle Nanty, Gérard Darmon, Dieudonné, Chantal Lauby, parfaits dans la dérision et l'excès.
Hélas, il y a du capharnaüm. D'abord on regrette - mais c'est même impardonnable, et presque digne d'un blocus du port d'Alexandrie (Alexandra, ah !) - mais il n'y a aucune référence au nez de Cléopâtre (pourtant si long et si joli qu'il en aurait changé la face du monde). On voit à peine le village et le Panoramix du premier Astérix joué par Piéplu est remplacé par un Claude Rich trop souriant pour être crédible. Il y a bien un clin d'¦il grossier à Mission :Impossible (quand " Obé " grimpe sur le Sphinx) ou à Titanic (le Pirate, un peu trop technicolor). Mais force est de constater que ni Astérix ni Obélix ne sont les héros de cette histoire. Jamel est en effet le fil conducteur, la star. Mais a-t-on déjà vu les Aventures de Numérobis l'Egyptien cartonné dans les librairies ? ? ? Non pas que Jamel ne fait pas rire. Mais il fait du Jamel, jeux d'élocutions inclus. C'est le pire défaut, mais non des moindres, du film. En rassemblant quelques uns des plus grands comix de la télé et de la scène gauloise, Chabat nous pousse à l'indigestion, sans goûteur préalable. Le problème n'est pas leur talent individuel, mais bien l'appropriation des dialogues qu'ils en font. Il faut imaginer Jamel parlant comme Jamel, Edouard Baer faisant du monologue philosophe chiant (pire qu'Assurancetourix et son chant abominable), les Robins des Bois agissant comme s'ils étaient dans un de leur sketch, le tout dans un même film. On a échappé à Eric et Ramzy, ceci dit... Nous voici embarqués dans un grand huit du rire, avec ses très haut et ses très bas. Cela donne une ¦uvre aussi bancale que les palais de Numérobis. On se croirait presque dans un Best of Canal +. Là où il aurait fallu réguler, on nous offre la surenchère. Là où on aurait aimé voir un Jamel se glisser dans l'humour d'un autre, dans un véritable jeu de composition, on se retrouve dans une production à la Jean Yanne où Prévost vendait du Prévost. Tout le monde a le droit à sa scène, déconnecté du reste du script.
Ca a son charme, parfois. Ca ennuie, souvent. Ca gâche presque la jubilation qu'on a à certains moments.
On pourrait voir ça comme le syndrome vivendien universel. Messier serait César demandant à Lescure-Cléopâtre de reconnaître qu'elle est finie. Lescure demande alors à son bricolo-man et vendeur de Burger, Chabat, à l'aide de potion magique en euros, de réaliser le plus beau des films, résumant l'esprit de ce grand empire déclinant, qui construisit Objectif Nul, NPA, Mon Zénith à moi, ou encore des pharaons comme Delarue, Fogiel, Š On a racolé tout le gratin du show biz, on a fait appel à l'exception culturelle par excellence, celle qui résiste encore et toujours à Hollywood l'envahisseur, Astérix (Clavier) et Obélix (Depardieu). Cette bronca anti-impérialiste montre bien comment des talents " français " (petit pays exotique selon Messier) peuvent rivaliser avec les produits de l'Empire. Évidemment, ce que l'histoire sous-entend, c'est bien qu'il faille devenir un boeuf français pour concurrencer à un b¦uf américain. Et que les grenouilles ne peuvent pas lutter, avec leurs petites pattes. De toute façon, en Egypte, les grenouilles, ça pleut.

Vincy-