Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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France / 2002

09.01.02
 



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"- Le champagne c'est un froid qui fait chaud."

Le parallèle avec Le dernier métro est inévitable. Si Truffaut s'est penché sur le théâtre sous l'occupation, et la détermination à vouloir créer en évitant la soumission, réalisant ainsi son oeuvre la plus "académique", Tavernier a voulu faire sa déclaration au cinéma, et à ses résistants.
Le film est audacieux, et ambitieux. Bâti autour d'un scénario casse-gueule, il évite les critères élémentaires de la dramaturgie pour se focaliser sur des perceptions, des souvenirs, des actes symboliques. On contourne ainsi les passages obligés des films biographiques, ainsi que les oppositions et symétries trop faciles entre les deux personnages principaux. Le scénario, relativement linéaire, ose même quelques folies en illustrant le travail d'Aurenche par des extraits de films postérieurs à l'époque décrite. De la même manière, il rend hommage au cinéma de cette période en reconstituant les plateaux de tournages de films mémorables.
Le film est une parfaite synthèse de l'oeuvre de Tavernier : un hommage au 7ème Art, dont il est un défenseur passionné, et une oeuvre citoyenne, politique, pour cet avocat permanent du respect des droits de l'homme. De loin, les bombes semblent trop numériques, presque fantastiques. De près, elles vous explosent en pleine gueule. L'équilibre est magistral.
Ici on y parle de la douée Danielle Darrieux, François Perrier, Odette Joyeux... On y admire l'ombre de Michel Simon et la présence de Fresnay. On cite Prévert, Janson, Simenon. On se moque de Fernandel. On comprend la fabrication artisanale de productions mythiques (La main du diable). Car le film met en scène les techniciens du cinéma, des figurants au décorateur, en passant par l'assistant-réalisateur, et le scénariste ; ce sont eux qui deviennent les vedettes.
Hollywood a sa liste noire. Le cinéma français traverse sa sale époque. Et nous la vivons à travers un Podalydès (Aurenche), plein d'auto-dérision, et un Gamblin (Devaivre), rempli de doutes.
Dans la présentation des deux protagonistes, chaque séquence est conçue comme un court métrage, entre un hôtel et un hospice. Déjà la conception de la guerre est différente : un mauvais moment à occuper. Si Aurenche semble passer entre les gouttes, on craint pour un Devaivre qui s'enfonce chaque fois un peu plus dans la gueule du loup. Tavernier croise cinéma et activisme, la résistance par la création artistique, filmant les contradictions de chacun, des bordels aux fonctionnaires de Vichy. On s'échappe même dans un épisode farfelu où Devaivre va de Paris à Moulins puis en Angleterre. Le film, en cela, préfère s'attarder sur un scénario écrit sur mesure, plutôt que de se concentrer sur la vérité historique. Il se complait même dans sa fiction, son envie de cinéma, plutôt que de chercher la critique et la polémique.
On y ajoute l'épique, le suspens, le romanesque, l'humour et ses deux "héros" - qui se croisent sans jamais se rencontrer. Car le film se base sur deux formes de résistances. L'active, avec ses bombes, et la passive, avec son silence. Devaivre travaille pour les Allemands pour pouvoir avoir la paix dans son foyer et continuer son travail de sape (tracts, explosions...). Aurenche préfèrera signer des contrats fictifs, ne pas écrire une ligne en son nom, profiter de la vie, mais ne pas contribuer à la propagande.
La guerre a souvent servie de décor aux films de Tavernier, qu'elle soit en zone défavorisée, ou celle de 14-18. Il s'agit d'un contexte révélateur pour les sentiments et les caractères. Ici il y associe un beau travail de lumière, une musique jazz idoine, des seconds rôles dignes de cet amour pour le cinéma et le scénario.
On regrettera malgré tout quelques petits défauts : les 20 minutes en solo avec Gamblin, qui déséquilibrent le propos, et accentue le parti-pris, la succession injustifiée et maladroite de fondus au noir, quelques personnages inachevés, et la voix off du cinéaste qui gâche le lyrisme du final.
Si on entend un "Claudel, même quand c'est court, c'est long", Tavernier réussit à faire divertissant malgré la durée du film. Au delà du témoignage, de l'héritage, des références cinématographiques et de la découverte historique d'un passé souvent oublié, le film est une brillante évocation d'un métier qui n'est pas simplement une usine à images. Mais bien un artisannat où les messages se bricolent pour laissez passer les rêves...
 
vincy

 
 
 
 

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