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WHERE THE STREETS HAVE NO NAMES
Scorsese est un des rares voyeurs à faire symbiose avec son cocon, en
l'occurrence une métropolis de type Gotham, toute en verticale.
Pourtant, peut être à cause de sa taille, il ne la filme surtout qu'en
horizontal. Les travellings suivent les trottoirs plutôt que de nous en
mettre plein la vue avec des perspectives phalliques. Architecturalement,
il n'y a pas de hasard. Plutôt que de filmer des gratte-ciel qui célèbrent
l'égoïsme et l'isolationnisme des gens, Marty s'intéresse davantage aux
bas-fonds, à ses boutiques qui partagent ruelles et cours, à ces new
yorkais qui s'interpellent comme dans un village ou se canardent comme
dans une famille. Il a pris comme parti pris de ne parler que de ce qu'il
connaissait. De fait sa ville, son " quelque part ", est ce qu'il connaît de
mieux.
L'air pollué n'a pas dû arranger son asthme. Mais il semble que ce soit le
seul air respirable pour ses personnages. Il s'est bien sur aventurer dans
d'autres terres sauvages : les déserts (Casino, Kundun, ou encore La
dernière TentationŠ), toujours pour les mêmes raisons, mettre les
gueules dans la bonne atmosphère, tracer des carrefours entre le destin
des hommes et l'histoire du territoire. Comme la vie de Scorsese croise
le passé et le présent de New York. Ces rues qui sont des artères dans
lesquelles coulent sa veine d'être devenu ce qu'il voulait être.
Peu de réalisateurs sont autant attachés à leur ville. New York compte
au moins Woody Allen qui magnifie chaque plan de Manhattan.
Scorsese lui préfère les " mean streets " pas encore nettoyées par le
pseudo héros médiatique Giuliani, il se sent chez lui dans les quartiers de
voyous, ou en plongeant dans l'album d'images historiques de sa ville.
Scorsese explore ainsi cette enveloppe charnelle de béton et de bitume,
refusant de couper ce lien organique entre son nombril et ses yeux.
L'énergie de cette grosse pomme insuffle le rythme de ses films. Dans
New York, ses personnages voyagent (à bord de taxi, d'ambulance ou
en courant). Ce mouvement perpétuel, définition synthétique de la cité,
où circulent les rêves et où le sang, permet de transporter les émotions,
de traverser les styx, de rencontrer les passeurs et les interlocuteurs.
C'est le principe même de sa narration : des road movies ponctués de
rendez-vous dans sa propre ville, labyrinthe de son inconscient.
Au c¦ur de son cerveau, on ressent le pouls de sa vie, fusionnant son
entourage et ses tournages, ses souvenirs et son actualité, ses démons et
ses fantasmes. De ses racines aux cimetières, des cadavres décomposés
aux bâtiments qui se construisent, Scorsese rend hommage en
permanence à NYC, sa (seconde) mère. Preuve en est les dernières
images de Gangs of New York.
Il plante sa caméra au niveau de la terre, de ces rues où plane la menace
des ombres géantes des buildings de l'Empire dans tous ses états.
Difficile d'être zen dans cette ville énervée à vif. Scorsese n'est intéressé
que par la ville artistique (musique, peintureŠ) et celle des coupe gorges.
La cité des interdits, avec ceux qui transgressent les tabous, défiant la
tranquillité de la nuit (souvent agitée par les zombies qui l'habitent).
Alors la mélodie surgit des sous-sols. De son plus mauvais film, éclot
une musique mythique, à jamais emblème de cette ville qui ne dort
jamais. Un hymne qui fait bis : New York New York.- Vincy
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