David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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AFFAIRES DE FAMILLES





On se souvient d'Emilie Dequenne, fondante de larmes de joie au soir du palmarès de Cannes 1999 où la jeune comédienne remportait son prix d'interprétation féminine pour Rosetta. Quelques minutes plus tard, le film était sacré Palme d'Or (à l’époque, on pouvait cumuler). Une chronique intimiste ouvrière à la lumière froide qui multipliait les plans hyper mobiles se retrouvait sur la plus haute marche du podium du cinéma mondial. Aussitôt, le grand public allait découvrir les frères Dardenne, deux wallons militants documentaristes, producteurs et cinéastes depuis les années 70. Rosetta fût un vrai succès critique et public. Trois ans plus tard, Le fils allait connaître un sort tout aussi enviable à Cannes, consacrant Olivier Gourmet d’un prix d'interprétation masculine.
Bien avant, en 1996 il y aura eu La promesse, sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs. Révélant Jérémie Rénier, le film se faisait écho de difficiles rapports père-fils sur fond d'exploitation peu scrupuleuse de sans papiers. L'œuvre remporta une vingtaine de prix internationaux, dont celui du meilleur film belge. Une vraie consécration pour les frères Dardenne qui, à l'époque, réalisaient leur troisième fiction, après Falsch en 1987 et Je pense à vous en 1992.
Le premier, adapté de l'essayiste et auteur dramatique belge René Kalisky ("Trotsky", "Aida"), retraçait l'histoire de Joe, unique survivant d'une famille juive exterminée lors de la Shoah ; le second traitait de chômage et pertes de repères tant sociales, économiques qu'affectives. Un père de famille déchu, son couple en danger, une difficile reconstruction… Des champs annonciateurs du cinéma de fiction des Dardenne. Qui se poursuit avec L'enfant (2005) sur l'apprentissage de la paternité : ils remportent leur deuxième Palme d’or à Cannes..

Cannes aura fabriqué les Dardenne, tout autant que les Dardenne sont dans l’ADN de Cannes. En filmant les oubliés, les déclassés, les précaires, les combattifs et les magouilleurs, ils anglent leurs film dans un contexte social dur et réaliste, souvent sans l’apport de musique (ou alors classique). Les récits sont fondés sur le conflit, intérieur ou hiérarchique ou filial. Le dilemme dans sa version antique. Mais les Dardenne, engagés sincères, producteurs généreux, y collent souvent une morale ou un discours très missionnaire, quand leur épilogue n’est pas désespéré (ou désespérant).

De la distance

Déchirures collectives, blessures intimes, désespoirs, combats et forces des êtres : aujourd'hui bien plus que strictement militant, le cinéma des Dardenne est un cinéma intimiste définitivement engagé vers l'humain, en général un personnage central autour duquel gravite plusieurs protagonistes pas forcément sympathiques. Leurs films, centrés sur l'évolution intérieure de leurs héros, trouvent un langage plus fort que de simples chroniques à intrigues. Corps et regards meurtris, expressivité des gestes, de l'immobilité à l'hyperactivité, éloquence du détail, notamment vestimentaire, plans en mouvement majoritairement serrés : la caméra des Dardenne se veut guide accompagnateur, un guide à la fois réservé et volubile. Ils utilisent une méthode théâtrale pour arriver au réalisme le plus juste : les répétitions. Que ce soit avec une star comme Marion Cotillard ou un novice amateur.

A l'écriture comme à la mise en scène, la notion de distance est au cœur de leurs préoccupations. Ne jamais tomber dans l'excès, ne jamais provoquer de suspense artificiel, ni de surplus dramatique par souci d'exactitude : ici même tiennent les attributs et principales visées. Les frères Dardenne prennent toujours le temps d'amener leurs sujets à maturation, expérimentent, se remettent en cause, quitte à interrompre momentanément leurs projets. Ce fut notamment le cas pour Le fils : l'histoire d'un père endeuillé, un enseignant prenant sous son aile le jeune assassin de son fils. Un personnage qui imposait une véritable obligation de neutralité scénaristique et filmique pour ne pas faire basculer cette œuvre dans le thriller ou la lester de symbolismes parasitant. " Raconter empêche d'exister. Moins on raconte un personnage, plus il existe", explique Luc Dardenne. A son frère d'étayer : " Dans ce qu'on montre, il y a des trous et ces trous là, c'est le spectateur qui les remplit comme il le veut. Il est toujours là, le spectateur, quand on écrit, quand on tourne. On lui fait une place dans ces trous. Il faut qu'il puisse jouer avec nous. ". Le dialogue est ouvert.

De la proximité

Leur cœur est à Seraing (à proximité de Liège), où ils ont grandi ; spectre et décor privilégié de leur cinéma. Une cité ouvrière, haut lieu de la métallurgie dans les années 60, aujourd'hui dévastée par le chômage. " Pour tourner, nous avons besoin de cet environnement, d'errer dans ces rues, de respirer cet air vicié, mais nous ne nous en servons presque jamais directement. Nous sommes peut-être trop habitués à ces lieux pour les revoir dans l'objectif de la caméra ", explique Jean-Pierre Dardenne. Quant à leur âme, celle-ci revient à l'intimité des êtres en devenir. Berceaux culturels, familles, rapports et éclatements générationnels, quêtes identitaires : de l'intimité à la vie sociale, la notion d'héritage spirituel, de transmission, quadrille le cinéma des Dardenne. L'aîné, Jean-Pierre, est comédien de formation ; Luc, quant à lui, licencié de Philosophie. C'est à la fin de ses études d'Arts Dramatiques que Jean-Pierre Dardenne rencontre le scénariste, réalisateur et metteur en scène de théâtre Armand Gatti (anciennement collaborateur de Chris Maker). Gatti engage Jean-Pierre Dardenne comme assistant sur ses pièces de théâtre ("La Colonne Durutti", "L’Arche d’Adelin"). Les deux frères découvriront avec lui l'univers de la création vidéo. Déclic. Dès 1974 (jusqu'en 1977), alors âgés de 23 et 20 ans, les frères Dardenne s'improvisent vidéastes, Jean-Pierre à la caméra, Luc au son, avec une série de reportages d'intervention sur la condition ouvrière en Wallonie. Suivront six documentaires traitant de la résistance anti-nazis (Le chant du rossignol), la grève générale de 1960 en Belgique (Lorsque le bateau…), à nouveau le monde ouvrier (Pour que la guerre s'achève…), mais aussi les radios libres (R… Ne répond plus), l'émigration polonaise (Leçons d'une université volante) et Jean Louvet, fils de mineur, professeur, auteur, créateur du Théâtre prolétarien (Regard Jonathan…).

Dès 1975, les frères Dardenne créent Dérives, leur première société de production. Suivront Film Dérives Productions en 1981 et Les films du Fleuve en 1994. A ce jour, on compte une soixantaine de documentaires au tableau de leurs productions, dont Writing on the Wall (Nous étions tous des noms d'arbre) d'Armand Gatti justement en 1982, film sur la condition sociale d'un groupe de jeunes Nord-irlandais, présenté à Cannes la même année en section parallèle. L'univers de la fiction quant à lui, n'est pas en reste avec, entre autres, Costa-Gavras. Autre et émérite cinéaste engagé qui a volontairement fait appel aux frères Dardenne par souci de fraîcheur et convivialité. Jean-Pierre Dardenne se souvient: " Il nous disait que c'était un peu comme s'il refaisait un premier film, qu'il repartait à l'aventure par rapport à Amen, son film précédent qui était une grosse production. Au-delà des aspects économiques du cinéma, si l'enthousiasme qu'on développe autour du projet disparaît, on peut changer de métier. Le Couperet était l'occasion pour nous de participer au trajet d'un auteur. " Des histoires d'itinéraires croisés pour des rencontres toujours prolifiques : de la production à la mise en scène, le cinéma des Dardenne est d'autant plus emprunt de réalisme social et d'intimisme qu'il est généré par ces contacts même que les deux frères aiment à tisser sur le terrain, au hasard des rues de Seraing, avec ses habitants, ou de coïncidences plus cinématographiques. En tout cas avant tout et toujours humaines.
Du va-et-vient

"Pour faire du cinéma, il faut être un peu naïf et savoir faire confiance au personnage. Heureusement qu'il existe des gens qui s'éloignent du courant dominant et qui peuvent voir les autres autrement que comme des adversaires à écraser", confiait Jean-Pierre Dardenne en 2002. Altruistes, bien sur, en quête de vérité et explorations de tout ce qui rend les individus foncièrement humains, les frères Dardenne constituent une exception avant tout esthétique et narrative. Il existe bel et bien une sensibilité Dardenne. Celle-ci passe par l'épure, le non dit, le rythme, ses pics et absences, avec ce perpétuel jeu sur la temporalité et ce langage des corps qui désormais constitue leur griffe. Un cinéma du va-et-vient, à l'image de la vie, qui pour beaucoup s'en remet au jeu d'acteur, jusqu'ici majoritairement aux performances d'Olivier Gourmet. Limites ? Notamment avec ce relais passé à Jérémie Renier aux côtés de Déborah François. L'enfant n'aura pas fait l'unanimité. Point de nouvelles impulsions sous la grisaille de Seraing. Une très discutable Palme d'Or 2005.

Depuis ce trophée, ils ne surprennent plus, malgré des variations notables (des stars au générique, l’emploi de la musique, des sujets moins paternalistes). Le silence de Lorna est le symptôme d’un cinéma qui commence à se caricaturer selon certains (comme si on disait cela des films de Ken Loach). Le film repart quand même avec un prix du scénario à Cannes. Avec Cécile de France, ils brillent plus haut au palmarès de la croisette : Le Gamin au vélo, fable plus lumineuse que leurs autres films, est couronné par un Grand prix. Cependant, Deux jours, une nuit, malgré Cotillard en ouvrière luttant contre son licenciement, et La fille inconnue, malgré Haenel docteur pleine de remords dans ce faux polar, sélectionnés à Cannes, emballement moins la critique et quittent la Croisette bredouilles.

Ils reviennent donc à un casting sans stars et une histoire contemporaine toujours axée autour du dilemme avec Le jeune Ahmed, où ils se confrontent à un thème dans l’air du temps : la radicalisation.
Leur radicalisme à eux est d’ailleurs devenu une marque de fabrique. Les spectateurs n’ont jamais dépassé le cadre de la cinéphilie mais de nombreux cinéastes s'inspirent de leur mise en scène âpre et rude, aux frontières du reportage et du romanesque, où la précarité, la désespérance, le déterminisme plombent toute issue heureuse. L'immigration ou l'éducation restent leurs deux piliers sur lesquels reposent leurs sujets. Un cinéma qui s'appuie sur l'échec de notre civilisation, en proposant, formellement, une image ni esthétisée, ni mensongère. Un cinéma vérité, bruyant, énervant, revendicateur autant que révélateur.

Sabrina, vincy


 
 
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