s o m m a i r e
Intro, Edito
Chronologie, Histoire
Opinions, Organisations
La Polémique
Interview de Michel Ciment
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CHRONO
1976 : création du magazine Première
1981 : l'Association Française de la Critique de Cinéma se transforme en syndicat et Serge Daney devient responsable des pages cinéma de Libération
1984 : Le Syndicat de la critique réalise une enquête sur le métier de critique. Résultats : masculin à 80%, parisien à 85%, composé d'universitaires à 93%, dont seulement 10% de diplômés en journalisme. 55% d'entre eux détiennent la carte de presse, les deux-tiers sont pigistes.
1986 : pour la première fois, les entrées des films américains sont supérieures à celles des films français
1987 : création du magazine Studio
1991 : naissance de la revue Trafic
1997 : création de Ciné-live
1999 : Le Nouvel Observateur lance Le Nouveau Cinéma
Novembre : Patrice Leconte remet en cause l'évolution de
la critique française
LA SEMAINE DE LA CRITIQUE
Née en 1962 sous l'impulsion de l'Association de la critique de cinéma, la Semaine de la critique se présente comme un complément du Festival de Cannes, elle en est d'ailleurs la première section parallèle. Conçue de manière à mettre en avant de nouveaux courants cinématographiques et de nouveaux auteurs, cette Semaine de la critiqueÊ se donne pour tâche de " permettre aux espoirs d'aujourd'hui de devenir les grands noms de demain ". La sélection comporte donc un nombre réduit de premiers et deuxièmes longs métrages, ainsi que des courts métrages, révélateurs de nouveaux talents comme Bernardo Bertolucci (Prima della rivoluzione, 1964), Barbet Schroeder (More, 1969), Alain Tanner (Charles mort ou vif, 1969) ou Ken Loach (Kes, 1970)ÉA l'issue du vote de l'ensemble des journalistes français et étrangers présents à Cannes, le meilleur long métrage se voit décerner le Prix Mercedes-Benz, d'un montant de 100 000 francs ; le meilleur court métrage est lui récompensé du Prix Canal+, d'un montant de 70 000 francs, décerné à l'issue de la délibération d'un jury interne.
Membre fondateur et bientôt secrétaire de la Semaine, Louis Marcorelles, alors critique aux Cahiers du cinéma exprime sa volonté d'en faire " le bastion du cinéma indépendant " ; cinq ans plus tard, il célèbre dans les colonnes du Monde le caractère unique qu'elle confère au Festival de Cannes : " elle affirme deux exigences rarement soutenues dans aucun festival au monde : celle du véritable internationalisme sans distinction de frontières et de styles, celle de l'authenticité inséparable de certains critères esthétiques ".
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HISTO - 3
Les temps changent
En 1959, quatre revues se partagent le terrain cinématographique
: Les Cahiers du cinéma et Positif, qui poursuivent leurs échanges
musclés, mais aussi Cinéma et Image et son, qui visent plus
particulièrement le public des cine-clubs, la première depuis
1946, la seconde, dès 1955, en remplacement du bulletin des ciné-clubs.Ê
Cinéma fait le choix de l'information plus que celui de la critique
et se taille un joli succès avec sa tribune intitulée "
Le guide du spectateur ", puis " Vu pour vous ". Mais à l'heure
où le public français découvre de nouvelles cinématographies
( la Semaine de la critique naît à Cannes en 1962), la presse
spécialisée se sent pousser des ailes : en cinq ans, plus
de 15 revues nouvelles sont créées, le plus souvent en province
; la plupart ne dépassent pas le troisième numéro,
au contraire de Midi Minuit Fantastique, fondée en 1962 par Eric
Losfeld. Consacrée à l'érotisme et au fantastique,
cette revue marque l'émergence d'une nouvelle presse cinématographique,
plus populaire et attachée à un genre précis.
L'époque est aussi celle d'un certain renouvellement de la critique
: dans les mensuels, les signatures sont encore celles de futurs grands
: Bertrand Tavernier pour Positif, Yves Boisset pour Cinéma et
Jean Eustache dans Les Cahiers du cinéma. Dans les hebdomadaires
au contraire, place est faite aux hommes de lettres, qui mettent leur
plume au service du cinéma, comme Françoise Giroud dans
L'Express. Au Nouvel Observateur, c'est un spécialiste de Balzac
et un Prix Goncourt, Jean-Louis Bory, qui, dès 1966, occupe la
place de critique cinématographique. Enfin dans les quotidiens,
le critique se fait journaliste, notamment pour lutter contre la censure
française : en 1960, 10 films sont totalement interdits, 49 sont
réservés au plus de dix-huit ans et 31 ne sont autorisés
qu'au prix de coupuresÉHuit ans plus tard, avant l'effervescence de mai
68, c'est le scandale du remplacement d'Henri Langlois par Pierre Barbin
à la tête de la Cinémathèque qui mobilise la
presse. Cinéastes et critiques de tous journaux se mobilisent pour
sa réintégration : l'heure de l'engagement a sonnéÉ
Quand la politique s'en mêle
Les années 70 sont pour la France des années de changements
et de mutations, conséquences directes de Mai 68. Un esprit nouveau
règne dans la société française, comme dans
son cinéma, qui répercute l'intrusion de la politique
dans les milieux intellectuels. La critique reflète bien cette
évolution, elle qui vit précisément sa période
la plus engagée, très largement à gauche : dans
les quotidiens, les hebdomadaires et les mensuels, le jugement n'est
plus seulement esthétique, il est aussi politique. Si les polémiques
sont aussi nombreuses à cette époque, c'est que le critique,
en défendant un film, défend aussi sa vision de la société,
comme le souligne le débat qui entoure la présentation
de La grande bouffe au Festival de Cannes en 1973. Les insultes fusent,
la presse s'étripe, opposant les défenseurs d'une certaine
liberté d'expression à ceux qu'ils qualifient de réactionnaires,
parce qu'ils défendent les valeurs traditionnelles de la culture
française. C'est à cette époque que naît
l'habitude d'étudier le " phénomène " généré
par un film (voir Titanic aujourd'hui..), la façon dont il s'intègre
à l'évolution de la société.
Cette même année voit la naissance de Libération,
" le seul quotidien de la nouvelle gauche ", qui souhaite sortir la
culture du " ghetto dans lequel elle est enfermée ". Sa conception
de la critique est tout aussi radicale et pamphlétaire : l'engagement
en est la première vertu. En matière d'engagement, Le
Monde n'est pas en reste, qui accueille dans ses colonnes Louis Marcorelles
(1922-1990), l'un des critiques les plus singuliers de sa génération.
Avec lui, la critique ne peut être que militante, au service de
la découverte et de la promotion de nouvelles cinématographies,
glanées aux quatre coins du monde ; sous sa plume, les institutions
les plus sacrées en prennent pour leur grade : " Que Cannes ne
nous ait proposé dans la compétition officielle (...)
aucun film, je dis bien pas le moindre film d'Asie, d'Amérique
Latine, constitue le vrai scandale, témoigne d'une indifférence
au cinéma vivant en train de se créer proprement navrante
" (Le Monde, 1973). Mais le reflet le plus incroyable de cette politisation
de la critique se trouve dans Les Cahiers du cinéma ; la revue
rejoint le PC en 1969 avant de virer au marxisme-léninisme et
d'entrer dans sa trop fameuse période " Mao " : collaborateurs
jugés tout à coup non désirables, textes collectifs,
abandon des photos et choix exclusif du cinéma militantÉles lecteurs
abandonnent et Les Cahiers du cinéma évitent de peu la
faillite, sauvés des eaux par les deux Serge : Daney (qui passe
à Libération en 1981) et Toubiana ( qui pend la tête
des Cahiers). Une période d'effervescence, de débats,
et d'engagement qui tranche avec la progression d'une critique très
promotionnelle, qui évolue en même temps que le public
cinématographique, de plus en plus jeune.
Place aux jeunes
Les années 80 voient la disparition progressive d'un véritable
débat critique : l'effondrement des ciné-clubs, le développement
exclusif de la promotion à la télévision et la
mutation du public cinématographique, de plus en plus jeune,
ne laissent qu'une alternative aux revues cinématographiques
: disparaître ou évoluer. L'époque signe donc l'arrêt
de mort de plusieurs revues, parmi lesquelles Cinéma et La Revue
du cinéma, mais aussi un tournant dans la ligne éditoriale
des Cahiers du cinéma : Serge Toubiana opère un rajeunissement
de la revue, qu'il souhaite moins intellectuelle, comme l'indique clairement
son éloquente campagne de publicité : " on ne se masturbe
plus ! ". Quant aux nouvelles revues, elles ont le choix entre la spécialisation
(comme Mad Movies, fondée en 1972, CinemAction, créée
en 1978 ou Anime Land, qui naît en 1991) ou un style clairement
destiné aux adolescents : c'est le cas de Première, en
1976 puis Studio en 1987, deux revues créées par Marc
Esposito, un jeune journaliste partisan de l'information plus que de
la critique, qui choisit de redonner à l'acteur une place de
choix . Loin des querelles cinéphiles des années précédentes,
ces deux revues s'appuient sur les nouvelles stars des jeunes et les
films plébiscités par les ados, le plus souvent des grosses
machines américaines . Toutes deux s'attachent aux coulisses
du cinéma, alimentent son côté événementiel,
en évoquant des films longtemps avant leur sortie notamment au
travers de la rubrique " Tournages ". Toutefois, avec l'arrivée
sur le marché de Ciné-Live, qui a récupéré
le créneau des grosses productions, Première s'oriente
désormais vers un cinéma plus indépendant. Partout,
comme dans Le Nouveau Cinéma, lancé en octobre 1999 par
Le Nouvel Observateur, l'économie du cinéma s'impose.
Parmi les journalistes qui composent ces nouvelles revues, peu de permanents
: le métier de critique compte aujourd'hui deux tiers de pigistes
; il est parisien à plus de 80% (caractéristique qui lui
vaut justement les foudres des cinéastes) et encore très
largement masculin.
Face à cette uniformisation de la critique, quelques hommes organisent
la résistance : Michel Ciment à la tête de Positif,
qui choisit de rester fidèle aux origines de la revue, sans tomber
dans l'immobilisme, et surtout Serge Daney, qui quitte Les Cahiers du
cinéma en 1981. A cette date, il prend en charge la rubrique
cinéma de Libération, revient à un travail critique
et entame une réflexion sur le cinéma et la télévision.
En 1991, un an avant de mourir, il fonde Trafic, une revue trimestrielle
qui ne s'occupe pas du discours dominant mais s'adresse aux nostalgiques
de la cinéphilie des années 60. Un électron libre
dans le paysage très morne des années 90 : malgré
la trentaine de revues existantes, l'influence critique se borne à
deux quotidiens, Libération et Le Monde et deux hebdomadaires,
Les Inrockuptibles et Télérama (d'abord Radio-Cinéma).
Quatre organes de presse qui sont loin de fournir un véritable
débat critique et dont les pratiques alimentent aujourd'hui une
polémique, qui, quel qu'en soit le résultat, a le mérite
de susciter une nécessaire réflexion sur la critique.....
D'autant qu'aux USA, les critiques qui ont le pouvoir désormais
écrivent sur le web... jeune cinéphiles, rebelles au système,
ils ont créé des sites qui font et défont les films
largement avant leur sortie en salles... Le métier de critique
est-il condamné à être un accessoire promotionnel
ou une arme indépendante? Ou simplement un initiateur d'opinions...
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