s o m m a i r e Intro, Edito Chronologie, Histoire Opinions, Organisations La Polémique Interview de Michel Ciment |
LETTRE & LIENS
" Chers amis,
Je ne sais pas ce que nous pouvons faire face à cette situation critique (le mot est amusant).
Merci de ne pas me laisser seul avec ma colère et ma perplexité.
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Comment naît une polémique... et défaît un Président...
L'affaire naît en effet le 13 octobre 99, à la suite d'une erreur informatique: une lettre de Patrice Leconte, adressée à ses seuls confrères de l'ARP (association des Auteurs, Réalisateurs, Producteurs) tombe entre les mains de rédactions parisiennes. On peut y lire le désarroi du réalisateur face à l'attitude d'une partie de la critique française (cf lettre)É Branle-bas de combat chez les principaux intéressés : Libération dégaine le plus vite, Olivier Séguret proposant immédiatement une interview à Patrice Leconte, qui accepte, s'explique, mais ne se dédit point. Au contraire, les reproches se font plus précis (Libération, Le Monde et Télérama sont directement mis en cause) et plus agressifs : en parlant de la critique comme d' " un club de fossoyeurs ", Patrice Leconte signe une véritable déclaration de guerre. Le Monde apprécie peu : selon le quotidien, les critiques servent de boucs émissaires dans la crise du cinéma français : télévision et distributeurs sont également mis en cause. En même temps, Jean-Michel Frodon choisit de s'exprimer à la télévision, sur la Cinquième: aux côtés de Jean-Claude Loiseau (rédacteur en chef de la rubrique cinéma de Télérama), il fait face à Patrice Leconte, dans l'emission-débat de Serge Moati, Ripostes. Visiblement vexé d'avoir été attaqué ad nominem, c'est la dernière fois que le " monsieur cinéma " du Monde s'exprime à ce sujet.
En quelques jours, l'affaire prend une ampleur inattendue, les cinéastes
répondent à l'appel de Patrice Leconte et organisent une
réunion exceptionnelles de l'ARP le 4 novembre. La vingtaine
de réalisateurs présents s'accordent sur la nécessité
d'une action commune, mais peinent à s'entendre sur les moyens
à employer. Il est finalement décidé de rédiger
un texte destiné à être publié, signé
par tout cinéaste concerné et diffusé dans les
salles de cinéma. Dans le même temps, le débat envahit
les médias : Libération multiplie les consultations ("
Le critiqué devrait pouvoir répondre , l'avis de trois
professionnelles "), le Nouvel Observateur consacre un dossier à
la polémique, l'AFP livre régulièrement de nouvelles
déclarations (Cédric Klapisch, Claude MillerÉ), et Patrice
Leconte s'exprime à nouveau, cette fois à la radio, dans
Le Masque
et la Plume, une émission qui lui vaut le soutien d'une
partie des critiques qui la font, Michel Ciment en tête (interview).
Le 24 novembre, Le Monde " grille " ses concurrents en publiant,
en avant-première, le texte élaboré lors de la
réunion de l'ARP ; le lendemain matin, Libération réplique,
en publiant l'intégralité de ce même texte. Il n'est
pas encore signé, et ne doit être publié que début
décembe, mais la loi du scoop n'attend pas É
Comme tout texte inachevé, ce " manifeste des réalisateurs en colère " divise les cinéastes et offre à ses adversaires des arguments de choix : Libération y ajoute donc la liste des erreurs qu'il comporte. Il faut dire que les cinéastes n'épargnent personne, " la critique est en crise, en crise d'intelligence, en crise de compétence, en déficit d'analyse et d'enthousiasme ", et n'hésitent pas à citer les articles qu'ils jugent symptomatiques de la dérive de la critique :Ê " l'exemple le plus caricatural et le plus pitoyable se trouve dans les Inrockuptibles quand quelques mois avant la sortie et sans en avoir vu aucun, Frédéric Bonnaud et Serge Kaganski donnent la liste des films de la rentrée 1996 sous le titre Les films qui nous donnent envie de changer de métier. Ca les amuse ? Pas nous " ; un peu plus loin, ce sont Libération et Le Monde qui sont mis en cause, le premier pour ses " phrases dégueulasses " sur le film de Polanski ainsi que pour les jeux de mot faciles de ses rédacteurs, Gérard Lefort en tête, le second sous les traits de Jacques Mandelbaum pour ses " lignes pleines de morgue et de sentiment de supériorité ". La liste est encore longue, même si le manifeste ne se contente pas d'attaquer ad nominem, dénonçant aussi le système, qui permet aux mensuelsÊ (en l'occurrence, Première et Studio) d'éreinter une Ïuvre dix ou quinze jours avant sa sortie. Mais plus que les reproches, c'est la solution proposée par les réalisateurs qui passe mal; une simple phrase, " nous souhaiterions qu'aucune critique négative d'un film ne soit publiée avant le week-end qui suit la sortie en salles ", fait l'effet d'une bombe. Dans le numéroÊ du 1er décembre de Télérama, qui fait sa Une sur la polémique, on sent toute l'exaspération de la critique. Serge Kaganski, des Inrockuptibles, se montre le plus virulent, taxant la tentative de dialogue des réalisateurs de " manÏuvre " : " ils veulent tamiser et contrôler la critique. Ils réclament des articles stimulants. Eh bien moi, je ne veux voir que des chefs d'Ïuvre ! Que des films stimulants " Au moins a-t-il le mérite de s'exprimer, Jean-Michel Frodon et Gérard Lefort ayant refusé de répondre aux questions de Télérama, qui offre un >dossier par ailleurs très complet sur le sujet.
Une lutte des castes... |
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