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ghost in the shell

mon ami totoro

princesse mononoke

Au PaYs De...

Au Japon, les mangas passent en tête des lectures. Non que les autres imprimés soient dénigrés, au contraire. Les japonais sont de grands lecteurs et 93% d'entre eux achètent un quotidien par jour ; 52% au moins un hebdomadaire par semaine. Non seulement ils lisent énormément, mais plus encore, ils lisent vite : 20 minutes en moyenne pour 320 pages, soit moins de 15 secondes par page.
Le manga offre un tel choix de sujets que sa fonction dépasse le simple plaisir de lire. Son atout majeur est de savoir communiquer aisément sans support textuel trop lourd, caractéristique qui le rend par définition exportable à travers l'universalité du dessin. De plus, la simplicité des structures narratives des récits accentuent cette facilité.
Les jeunes générations ont donc développé une aptitude à lire très vite, sans pour autant faire d'impasse sur les détails. Les films d'animation ne découlent plus automatiquement du manga imprimé et ces films prennent autant d'ampleur que la lecture. Au Japon, les hommes passent en moyenne plus de trois heures par jour devant leur écran, et les femmes, cinq heures.
En demandant aux japonais quelles seraient les deux choses qu'ils emporteraient sur île déserte, 36% répondent la télévision et 20% un journal. Réponse toujours plus cohérente que celle des américains qui s'encombreraient d'un frigidaire et d'une voiture, deux objets dont l'utilité reste douteuse sur une île déserte...
Pour revenir à l'impact des films d'animation au Japon, il est largement entretenu par ses produits dérivés et notamment par les jeux vidéos. 80% des japonais possèdent une console de jeux à domicile et sont très attentifs aux nouveautés en tout genre. Cet intérêt porté à la modernité, dont les mangas ne sont que le miroir, les poussent à rêver autour de l'univers fermé de l'animation. Car comme dans tout exercice artistique, les candidats dépassent largement le nombre de reçus. La ville de Tokyo organise deux fois par mois, une convention autour du manga. Les nombreux visiteurs, très matinaux, aspirent le plus souvent à être mangaka et sont de véritables passionnés du genre.
Chacun se déguise comme son héros favori et espère que sa prestation sera suffisamment remarquée pour être photographiée, et ainsi faire la couverture d'un magazine spécialisé. En dehors de ce concours, l'exposition est un véritable lieu de foire où se nouent des échanges entre indépendants et créateurs avertis. Toutes les grandes villes ouvrent leur porte aux mangas car la nouvelle génération y nourrit des rêves et des ambitions sincères. Entre les futurs mangakas - qui sont souvent engagés dans les studios ou rédactions dès leur plus jeune âge - et ceux qui aspirent à faire des doublages, le Japon répond à ces désirs avec la certitude d'être gagnant. D'autant plus que les japonais se prêtent à tout type de jeux avec beaucoup de plaisir et d'aisance. Les manifestations sur les mangas sont autant de cohésions nationales que de réussites financières...

ghost in the shell
    InSpIrAtIoNs

    Héros et expressions sociales.
    Si les mangas puisent dans une réalité terrienne, ils ne peuvent échapper aux symptômes nés de leurs coutumes sociales. Le Japon porte dans son histoire les caractéristiques des héros d'aujourd'hui. Entre le XVIIème et la fin du XIXème siècle, la période d'Edo véhiculait certaines règles morales très strictes destinées à rendre la masse populaire gouvernable. Nous avons nous-même subi de telles influences à travers le christianisme et l'application de son pouvoir. Durant cette époque, le Japon a expulsé le christianisme pour s'enfermer sur des moeurs qui lui étaient propres.
    Les cinq codes moraux - bienveillance, justice, sens de la propriété, sagesse et honnêteté - étaient diffusés dans la société par les samourais et la religion faisait cohésion avec l'Etat. Ces vertus d'obéissance, de loyauté, la prégnance des liens filiaux, sont autant d'indices des valeurs japonaises perçues aussi bien dans la réalité que dans la fiction.
    L'opiniatreté de Kaneda, dans Akira, à sauver Tetsuo est l'image même du lien fraternel, une valeur au-delà de tout autre lien et qui justifie toutes les batailles. Le Bushido, ou code de l'honneur des guerriers, est aussi très présent dans Jin Roh, la brigade des loups, une vision rétro-historique de l'après-guerre où la sécurité fragile de Tokyo doit être préservée par des hommes-animaux aux principes très rigides. Ce film dévoile également l'importance de la collectivité dans un Japon antérieur. Depuis l'Edo, l'enseignement visait à nier l'utilité de l'existence individualiste pour éviter toute démarche jugée dangereuse pour la communauté. Un être était défini par son appartenance à un groupe qui obéissait à un modèle social imposé. C'est pourquoi les héros de mangas ont souvent appartenu à un cadre clairement délimité avant d'être des solitaires à tendances rebelles à l'image de Ryô Saeba, alias Nicky Larson, genre de détective un peu gauche sous sa libido surdimensionnée, mais habile face au danger. Ce personnage séduisant reste d'ailleurs l'un des plus apprécié, tant au Japon qu'en France. Mais les valeurs collectives ont continué leur ronde à travers des unions de forces que l'on retrouve dans Bioman, par exemple.

    Elles ont été appliquées à toutes les classes sociales, notamment à travers l'éducation. Le système scolaire japonais a été une source de stress insatiable, figé dans une forte tradition compétitive. De nombreux mangas mettent d'ailleurs en scène des enfants jugés faibles par leurs camarades et humiliés par ces-derniers.
    D'autre part, les films d'animation exposant des technologies très perfectionnées sont symboliques de cette quête liée au dépassement humain. Ces enjeux imprégnés d'une réussite " obligatoire " ont souvent été jugée comme l'une des causes des nombreux suicides d'enfants qui ne trouvaient pas d'écoute, ni auprès de leurs parents, ni auprès de leurs professeurs.
    De nombreuses séries ont pour sujet ou pour base narrative, un suicide juvénile (Lain, Patlabor) ; détresse adolescente que l'on retrouve dans Perfect Blue à travers le parcours d'une jeune chanteuse en mal de reconversion. En 1960, époque où la télévision étaient encore peu répandue, ils ont été 2800 moins de douze ans à mettre fin à leurs jours. En 1980, ils n'étaient plus que 800. Cette évolution fait état d'un progrès en la matière, mais elle montre aussi, envers et contre tout, que les films d'animation japonais ne semblent pas avoir les vertus destructrices qu'on leur attribue. Une évolution cautionnée par des premiers rôles souvent tenus par des femmes, de façon directe ou indirecte. Les femmes sont de moins en moins infantilisées et deviennent de véritables guerrières, sans pour autant être des incarnations froides et robotiques. Le personnage féminin de Ninja's crowl, combattante dont le sang est imprégné d'une maladie mortelle, dégage une sensibilité pleine de nuance et d'intérêt. Dans la même logique, les héros de mangas se sont largement humanisés et expérimentent autant leurs faiblesses que leurs forces.

    Les personnages cybernétiques ne sont plus seulement des fantasmes de pouvoir, mais avant tout des êtres ambigus capables d'emprunter des chemins déviants - Ghost in the shell en est un parfait exemple. Cette subtilité ajoutée donne une épaisseur non négligeable aux héros actuels et leur fait entrevoir " le côté obscur de la force ". Citer Star Wars n'est pas anodin sachant que George Lucas s'est ouvertement inspiré de certaines récurrences japonaises. Les Jedis sont une véritable transposition occidentale des samouraïs, groupe social à vocation défensive, conditionné par la volonté et le stoïcisme, dont on retrouve les vertus dans les Arts Martiaux. La notion du maître et de l'élève est assurément une recherche permanente d'équilibre entre la sagesse et l'énergie juvénile. Un équilibre délicat que l'animation japonaise parvient à maitriser à travers l'imaginaire et la poésie.


(C) Ecran Noir 1996-1999