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(c) Ecran Noir 99
L'équipe du film :

Production :
Warner Bros, Hobby Films

Réalisation :
Stanley Kubrick

Scénario :
Stanley Kubrick, Frederic Raphael (d'après une nouvelle d'Arthur Scnitzler)

Photo :
Larry Smith

Montage :
Nigel Galt

Direction artistique :
Leslie Tomkins, Roy Walker

Effets spéciaux :
Effects Associate Ltd.

Casting :

Tom Cruise : Bill Harford
Nicole Kidman : Alice Harford
Sydney Pollack : Victor Ziegler
Marie Richardson
Alan Cumming
Madison Eginton
Todd Field
Thomas Gibson
Tres Hanley
Clarke Hayes
Rade Serbedzija
Vinessa Shaw
Leelee Sobieski


 Prolifique Kubrick, qui pourtant n'aura que peu tourné. En voyant la production d'EWS, il ne faut pas s'étonner. Car finalement, SK s'attaque à ce livre qu'il aime tant. Entre 94 et 96 il écrit le script, qu'il enverra aux deux stars élues, le couple Cruise-Kidman. Ce choix n'est pas innocent. Niveau marketing, il a tout pour créer l'événement. Niveau budget, il permet de rassurer le studio, et donne à Kubrick une liberté totale (qu'il a pourtant, par contrat). Certains pensent qu'EWS n'est qu'un coup financier pour faire un blockbuster et lui faciliter la pré-prod coûteuse d'AI.

 EWS est officiellement annoncé par le studio Warner en 96. Le tournage débutera le 4 novembre 1996 pour s'achever le 31 janvier 98. Un record de longévité. Et de quoi nourrir les critiques, potins et éditos de tous médias. La première bande annonce du film n'apparaîtra qu'en février 99. Le tout pour un budget de 65 millions de $. Raisonnable. Mais le coût hollywoodien est bien plus élevé: le tournage aura bloqué la carrière de Cruise durant 3 ans (soit un manque à gagner de 200 millions de $ par films potentiels), et retardé ainsi la sortie de Mission Imposible 2 (décalé à Noël 99). A noter que Cruise comme Kidman avaient accepté des revenus moins importants que d'habitudes, et avaient refusé de nombreux projets, tout en déménageant en Angleterre. Est-ce que cela valait le coup?

 Un tournage long mais aussi chaotique, et même très difficile. Avant tout à cause du casting. Mais Kubrick a voulu tout protéger, s'enfermer dans les studios de Pinewood (près de Londres), et contrôler tout ce qu'il pouvait. Pinewood qui, durant le tournage, ressemblait à New York, où des quartiers entiers étaient reconstitués. D'autres scènes furent tournées à Mentmore Towers, Luton Hoo, Highclere Castle et au fameux Madame Jo Jo's nightclub de Londres.

 Kubrick, fidèle à sa légende, perfectionniste absolu, faisait faire des journées de 16 heures. Cruise en fit un ulcère. Une crise de nerfs aussi, puisqu'il faillit tout quitter en cours de production. Cette impression de tournage sans fin faisait pression sur le couple. D'autant que les médias londonniens, tabloïds en tête, ne les laissaient pas en paix. On raconte tout et n'importe quoi: Cruise serait déguisé en drag-queen, le couple aurait eu à faire à des sexologues pour jouer leurs rôles, ... les procès pour diffamation se suivent et se ressemblent.

 Le casting principal comprenait aussi Harvey Keitel et Jennifer Jason Leigh. Tous les deux seront évincés. Officiellement parce qu'ils avaient d'autres projets prévus et signés (un film sur Elvis pour Keitel, eXistenz pour Jason Leigh). Il faut dire que le tournage s'éternise. Au bout de 5 mois Keitel claque la porte. Certaines rumeurs font part d'une éjaculation réelle dans les cheveux de Kidman (qui aurait exigé son départ). Il sera remplacé par Pollack, un peu plus doux de visage. Toutes les scènes sont à refaire. Pourquoi le cinéaste Sydney Pollack? C'est lui qui a donné le numéro de fax de Cruise et Kidman à Kubrick, afin qu'il les contacte.

 Suite à ce fax, et à l'accord de principe des deux stars, SK enverra par courrier express le scénario (impossible à photocopier). Retour obligatoire le lendemain. La parano est totale, même après la mort du maître. Christiane Kubrick fera une OPA sur la mémoire de son mari: photo officielle, site web de Christiane intégré à celui d'EWS, contrôle total sur la direction artistique et marketing du film... La famille montre alors le film à Alexander Walker, journaliste et ami des Kubrick. Il rédigera la première critique sur le film, révélant quelques détails scénaristiques. La réponse sera sans équivoque: Walker les a blessés, trahis; leur colère révèle que cette impro n'était pas dans le plan média. Pourtant Walker a émis une critique positive, et n'était soumis à aucune interdiction.)

 Mais revenons au tournage...
Pour Jennifer Jason Leigh, on dit que Kubrick n'était pas satisfait de son jeu. Il la remplacera tardivement par Marie Richardson, égérie bergmanienne. Et toutes les scènes sont à refaire.

 Kubrick cultive le secret. Et se fout du quand dira-t-on. La Warner commence à s'inquiéter, et donc commence à communiquer : tout va bien, officiellement. D'autantq ue le retour sur investissements n'est pas certain.

 Mais le casting n'est pas la seule complication du film. Le sujet - le sexe - lui garantit une intense couverture médiatique. Et fatalement une négociation avec la censure.

 Censuré aux USA et au Canada (pour éviter le NC-17 réservé aux oeuvres quasi-pornographiques) , Warner a fait cacher les parties intimes des acteurs et actrices du film par un effet digital. De quoi fournir un débat sur la censure: un pénis est-il plus dangereux qu'un gros pistolet? Pourquoi le sexe est "coupé" et la violence encensée?

 Toujours est-il que Cruise et Kidman (qui ont vu le film en mars) ont été sous le choc en sortant de la projection. Cruise a changé ses obsessions : son personnage était hanté par des visions lubriques, désormais lui a peur des réactions. Kidman ne s'y trompe pas; après le choc, elle reconnaît que le film suscitera la polémique, et finalement qu'elle en est très fière. Les deux confirment que Kubrick n'a subit aucune pression, et que le film est tel qu'il le voulait. Aujourd'hui, ils assument leurs rôles de représentant de ce testament visuel.

 Mais Kubrick ne voulait sûrement pas que son film soit coupé, à la rigueur censuré par ce NC-17. Finalement 65 secondes d'images "explicites" seront numérisées par lui-même. Prudes américains. Ils verront un film rempli de chair, esthétiquement réussi. Mais rien de pornographique.

Christiane Kubrick explique cependant que le film a surtout à voir avec les peurs de l'être humain, et non avec le sexe. Le sexe n'est qu'un moteur, une obsession typiquement humaine. Et donne à Kubrick l'occasion enfin de donner une dimension humaine à un de ses films. Le sexe comme les femmes sont rares dans son cinéma.
 Il rendra aussi hommage aux oeuvres de sa femme et de sa fille, en intégrant dans les décors leurs peintures.

 Kubrick meurt une semaine après avoir montré son premier montage final aux pontes du studio Warner Bros. Il leur a livré une bande annonce (un teaser plus exactement), sur une musique de Chris Isaak. Un extrait court, beau, et coloré. Le tout est montré au cours du congrès ShoWest en exclusivité. Les assistants devront finir le travail. La Warner tente de récupérer le marketing (affiche, musique...). Sa femme fera tout pour ne pas être spoliée. Une fin à la Mozart, le compositeur étant mort avant d'avoir achevé son Requiem.

 L'affiche sera ratée. Le plan média modifié (avec un Cruise en tournage et un SK aux abonnés absents). On privilègera la raréfection des stars, les médias maison (Time Warner). Le CD intéressant. Et le tout fera l'Ouverture de la célèbre Mostra de Venise. On ressortira l'oeuvre complète en DVD par la même occasion. les bios se multiplient. Jamais on n'aura parlé autant du réalisateur et de ses films.

 Le film ne sera montré qu'à partir du 10 juillet. Et là, c'est bien les journalistes, amateurs, critiques, cinéphiles qui donneront leur avis. Désormais, Kubrick goes public.