s o m m a i r e
Intro, Edito
Chronologie, Histoire
Opinions, Organisations
La Polémique
Interview de Michel Ciment
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CHRONO
Novembre 1943 : Robert Brasillach crée La Chronique de Paris
Décembre : André Bazin publie " Pour une critique cinématographique " dans L'Echo des étudiants
1945: création de la revue Le Film Français et de l'émission radiophonique Le Masque et la Plume
Juillet : création de l'hebdomadaire L'Ecran Français
1946 : création de la revue Cinéma
9 mars : création de l'Association Française de la Critique de Cinéma
1947 : création du prix Méliès
Juillet 1949 : lancement à Biarritz du Festival indépendant du Film maudit
1950 : création du premier cinéma Art et Essai
1er avril 1951 : publication du premier numéro des Cahiers du cinéma
1er mai 1952 : publication du premier numéro de Positif
Janvier 1954 : François Truffaut publie " Une certaine tendance du cinéma français " dans Les Cahiers du cinéma
1958 : le CNC réalise un sondage sur les motivations du public dans le choix d'un film. Réponses à la question " qu'est-ce qui guide votre choix ? " : les critiques 11%, le scénario et le sujet 35%, les acteurs 33%, le metteur en scène 2%É
1961 : naissance de la revue L'Avant-scène cinéma
1962 : création de La Semaine de la critique et de la revue Midi Minuit Fantastique
1964 : création du prix Léon Moussinac et de la revue Jeune Cinéma
1968 : naissance de la revue L'Ecran fantastique
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HISTO - 2
Après la guerre, le cinéma est définitivement entré dans les mÏurs journalistiques, au même titre que le théâtre : tous les quotidiens ont leur critique, les revues spécialisées foisonnent (Cinémagazine, fondé en 1921, Cinémonde en 1928É), et la chronique cinématographique acquiert ses lettres de noblesse :Ê parmi les signatures des années 30, beaucoup d'hommes de lettres comme Blaise Cendrars, André Gide, ou Marcel Aymé, mais aussi de futurs grands réalisateurs, comme Marcel Carné (qui écrit pour Cinémagazine jusqu'en 1933).
La période est aussi celle des premières querelles (le parlant) et d'une nouvelle xénophobie, alimentée par les critiques de Lucien Rebatet dans L'Action Française puis dans Je suis partout, créé en 1930. Premiers visés : les cinéastes d'Europe centrale, fuyant les menaces du nazisme. A partir de 1936, c'est au tour de Robert Brasillach de manifester son antisémitisme, notamment à l'encontre de Max Ophuls. En novembre 1943, cet écrivain et critique collaborationniste (il sera condamné à mort à la Libération) lance une nouvelle revue,Ê La Chronique de Paris . Aux antipodes de sa pensée mais au même moment, André Bazin, convaincu du renouveau nécessaire de l'inspiration cinématographique, publie ses premiers articles. Avec lui, l'après-guerre cherche une vraie définition de la critique.Ê
Une nouvelle façon de penser la critique : André Bazin (1918-1958)
" le seul critique qui l'ait été complètement " (Jean-Luc Godard)
André Bazin, d'abord promis à l'enseignement, se tourne vers le cinéma pendant la guerre. C 'est d'abord à la Maison des Lettres que s'exprime son sens de la pédagogie, au travers des débats qu'il organise dans son premier ciné-club. Suivront des conférences et des cours à l'IDHEC (l'ancêtre de l'actuelle FEMIS). En 1949, le ciné-club devient militant avec la création d' " Objectif 49 ", premier instrument de défense du cinéma d'auteur. En même temps, un " Festival indépendant du Film maudit " est organisé à Biarritz; parmi les participants, un jeune homme deÊ 17 ans : François Truffaut.
Dès ses premiers écrits, André Bazin invite au changement, comme le souligne le fameux article qu'il publie en décembre 1943 dans L'Echo des étudiants : " Pour une critique cinématographique " : véritable critique de la critique, cet article s'attaque au caractère limité des chroniques cinématographiques, à l'absence de culture de ceux qui les font et invite à une certaine spécialisation du métier. Pour André Bazin, cette évolution doit suivre celle du public, devenu plus exigeant, on dira bientôt cinéphile; à cette élite du public doit donc répondre une élite de la critique. En juillet 1945, la création de l'hebdomadaire L'Ecran français répond à ce besoin de culture cinématographique : Bazin fait immédiatement partie de l'aventure. Dans ses critiques, comme dans ses articles de fond, il démontre son art de la formule (" le montage a moins pour but de montrer que de démontrer ") et son souci de l'argumentation. Avec lui, un film est toujours décortiqué, examiné sous plusieurs angles, de façon >intelligible. Un souci de pédagogie que l'on retrouve dans Les Cahiers du cinéma, fondés en 1951.
La revue mythique du cinéma français, la " revue jaune ", est d'abord conçue comme un prolongement de La Revue du cinéma, disparue en 1949 ; en mémoire de son fondateur, Jean-Georges Auriol, décédé l'année suivante, quatre hommes créent donc Les Cahiers du cinéma , dont le premier numéro (78 pages dont 20 de photos et de publicités) paraît le 1er avril 1951. A la tête de la rédaction, Jean-Marie Lo Duca et Jacques Doniol-Valcroze (deux anciens de La Revue) et , dès le numéro deux, André Bazin. Côté financement, Léonide Keigel, exploitant parisien. Les Cahiers du cinéma reprennent la forme et les signatures de La Revue, parmi lesquelles Alexandre Astruc et Chris Marker, mais se font remarquer par leur éditorial, véritable manifeste de la critique, qui dénonce " la neutralité malveillante qui tolère un cinéma médiocre, une critique prudente et un public hébété ". Les Cahiers veulent soutenir des films " témoins fidèles des efforts les plus hauts et les plus valables du cinéma français ", prenant pour exemple Le Journal d'un curé de campagne de Robert Bresson. En mai 1952, Les Cahiers préparent un questionnaire sur la critique, dont ils publient les résultats dans le numéro du mois de septembre. Ils dégagent deux grandes groupes de critiques : les " impressionistes ", qui expriment leurs sentiments sur un film au coup par coup, et les " systématiques ", qui se réfèrent à un système référentiel. Les critiques des Cahiers, qui se plient aux questionnaire, se retrouvent pour la plupart dans la deuxième catégorie, privilégiant les théories cinématographiques. Quant au contenu de la revue, il se distingue rapidement par l'importance accordée aux grands entretiens, aux documents ainsi qu'à la technique cinématographique. Pourtant, Antoine de Baecque, auteur de l'histoire de la revue, reconnaît lui-même que dans les premières années,Ê Les Cahiers du cinéma n'ont pas de ligne éditoriale fixe ; un flou balayé en 1953, quand la revue passe lentement mais sûrement entre les mains des Jeunes Turcs qui s'en servent comme d'un instrument de guerre, destiné à promouvoir le cinéma d'auteurs.ÊÊ
François Truffaut et les Jeunes Turcs : l'offensive critique (1952-1957)
" Le cinéma français délaisse le juste et le vrai "
Introduit par André Bazin, François Truffaut apparaît pour la première fois dans le n°21 des Cahiers. Véritable tournant dans l'histoire de la revue, son premier article stigmatise une volonté de rupture avec un certain cinéma français. Sa ligne éditoriale est claire : hors le cinéma américain, point de salut ; ses modèles sont exclusifs : Howard Hawks et Alfred Hitchcock. Un petit groupe se forme autour de lui, ces " hitchcocko-hawksiens " bientôt surnommés " Jeunes Turcs " par André Bazin, qui ne sont autres que Maurice Schérer (autrement dit Eric Rohmer), Jacques Rivette, Claude ChabrolÊ et Jean-Luc Godard ( qui s'exprime d'abord sous le nom d' Hans Lucas). Tous s'opposent aux " Anciens " de la revue, notamment André Bazin et Jacques Doniol-Valcroze, attachés à une certaine qualité française. Quand les premiers font l'éloge de la mise en scène, les seconds rappellent l'importance du sujet, quand Jean-Luc Godard prône les vertus du " montage-battement ", André Bazin défend le plan-séquence.
La politique des auteurs
Les Cahiers du cinéma se font le théâtre de débats internes de plus en plus virulents, jusqu'au fameux article de François Truffaut publié en janvier 1954 sous le titre " Une certaine tendance du cinéma français " : dans ce petit manifeste entré dans toutes les Histoire du cinéma, François Truffaut achève d'institutionnaliser sa lutte contre le cinéma de qualité en employant la formule demeurée célèbre de " Tradition de la Qualité ", à laquelle il donne ses majuscules. Il vise essentiellement le cinéma littéraire, mais brocarde également l'académisme, le conformisme et l'esprit " petit bourgeois " du cinéma français. Qu'il disparaisse donc, au profit du cinéma d'auteurs. Malgré les tentatives d'André Bazin d'éteindre l'incendie, le feu se propage au sein des Cahiers du cinéma : la fine équipe gagne du terrain, et généralise la pratique des grands entretiens avec les cinéastes ; le contenu d'un film est désormais sa mise en scène. Qu'il s'agisse de critique ou de cinéma, l'influence des Cahiers est à cette époque essentielle. Dans l'ensemble de la presse cinématographique, l'auteur prend sa place aux côtés du critique. Au sein de la revue jaune, la politique des auteurs triomphe : en 1957, Eric Rohmer remplace Lo Duca à la rédaction en chef . Mais cette ligne éditoriale cristallise l'oppositionÊ de certaines revues concurrentes, à commencer par Positif, l'adversaire numéro 1 des Cahiers.
La guerre des revues
Crée à Lyon le 1er mai 1952, Positif se présente, sous l'impulsion de Bernard Chardère, comme la relève d'une éphémère revue étudiante, Raccords, publiée entre 1950 et 1951. Positif se consacre à l'actualité du cinéma mais aussi à son histoire, publiant dès son numéro 7 un numéro consacré à Jean Vigo, fruit de longues recherches. La revue accueille des articles de Georges Sadoul, Gilles Jacob ou Henri Agel, et se voit chaleureusement encouragée par Les Cahiers du cinéma. Dès 1953, la revue s'installe à Paris et, malgré ses problèmes financiers, parvient à imposer son ton : des critiques insolentes, ancrées à gauche et favorables à un certain esprit surréaliste. Jusqu'en 1955, Positif et Les Cahiers coexistent sans trop de heurts, mais les accrochages se font de plus en plus nombreux, de plus en plus agressifs. Dès son numéro 10, Positif lance l'assaut, en citant directement les critiques des Cahiers qu'elle moque ; les auteurs fétiches des Cahiers deviennent justement les bêtes noires de Positif (en particulier Rossellini ou Cocteau), et quand les deux revues tombent d'accord sur un cinéaste, elles se battent pour savoir laquelle l'a révélé la première. Mais c'est sûrement la politique des auteurs des Cahiers qui offre aux critiques de Positif leur meilleur terrain de combat. Selon le principe d' Eric Rohmer, " la politique des auteurs, ce n'est pas un axiome, c'est un postulat ", Les Cahiers s'enfoncent dans une ligne éditoriale régulièrement parodiée par Positif, qui veut qu'on défende tous les films d'un auteur, même les mauvais. Cette guerre des revues se poursuit bien sûr pendant la Nouvelle Vague, l'essentiel de ses cinéastes sortant des Cahiers du cinéma, à commencer par Claude Chabrol, qui réalise Le Beau Serge en 1958. Truffaut et Godard le suivent de prèsÉL'occasion est trop belle pour Positif, qui parle ainsi du premier film de Jean-Luc Godard : " la plus pénible régresion du cinéma français vers l'analphabétisme intellectuel et le bluff plastique "ÉEn 1962, Positif publie un numéro spécial contre la Nouvelle Vague. L'effet est d'autant plus réussi que Les Cahiers ne répliquent pas vraiment, voulant éviter d'être taxés de copinage. De plus, en même temps que ses critiques se font cinéastes, Les Cahiers perdent l'une de leurs plus grandes figures, André Bazin. Une nouvelle génération de critiques est en marche...
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