Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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Elle incarne la coincée de service. Chic et toc, elle s'est donnée l'image d'une mère de famille parfaite et très conservatrice et joue les épouses moralement correctes. Gratter le vernis, et il y a une ado qui collectionne les photos des pénis des chanteurs de rocks avec lesuqels elle forniquait! Sarandon, Oscar de la meilleure actrice pour Dead Man Walking, activiste de gauche, et femme de Tim Robbins, est une de ces comédiennes cultes qu'on sent sous-exploitée. Les Prédateurs, Les sorcières d'Eastwick, Thelma et Louise... la comédienne a souvent dévoré l'écran. A chaque fois, elle se lâche sous ses apparences sages. Plus besoin de rechercher Susan désespérément. La voici dans Ecran Noir.
Ecran Noir: Pourquoi avez-vous accepté de faire ce film ?





Susan Sarandon: Je suis toujours à la recherche de rôles nouveaux qui me permettent de passer de bons moments et de faire des choses que je n'ai jamais eu l'occasion de faire avant. C'était le cas pour ce film. Goldie était déjà pressentie pour jouer l'un des rôles et j'ai toujours pensé que c'était une femme extraordinaire et je savais que je pourrais faire du bon travail si je campais l'autre personnage. J'ai pensé que ça pourrait être très amusant en fait.

EN: Cela a t'il été difficile pour vous de travailler avec votre fille à l'écran, Erika, et votre vraie fille Eva ?

SS: J'ai joué avec beaucoup de jeunes acteurs, je les trouve très professionnels la plupart du temps, je les considère comme mes égaux. La bonne surprise a été de partager avec Eva quelque chose qui est indépendant de notre filiation, même si elle joue ma fille dans le film, c'était un boulot. Quand je tournais face à la caméra je n'étais pas dans ma peau de mère. Je l'ai traitée comme un partenaire de jeu, tout comme j'ai traité Erika. Mais quand nous rentrions à la maison le soir, si elle avait une question, si elle était épuisée, alors je me remettais dans ma peau de mère. Et puis, Dieu merci, les filles se sont bien entendues. Vous imaginez le désastre si Erika l'avait trouvée insupportable et qu'elle avait tenté de l'assassiner ? ! Mais c'est une gamine tellement gentille... Erika lui a ouvert ses bras et elles se sont entendues à merveille.

EN: Trouvez-vous certaines ressemblances entre ce film et " Thelma et Louise " ?

SS: Oui tout à fait. C'est l'histoire de deux femmes qui traversent une période critique de leur vie et qui s'encouragent mutuellement . Chacune apprend à accepter l'autre, elles ont le courage de traverser cette crise pour atteindre le stade suivant de leur vie. Les deux films n'ont pas la même fin mais probablement la même dynamique.

EN: Avez-vous des anecdotes croustillantes à nous raconter au sujet de votre tournage avec Goldie ?

SS: Le tournage tout entier était croustillant ! ! En fait, le casting était très équilibré et lorsque l'on n'est pas dans la situation où l'on doit se faire tout petit pour mettre l'autre en valeur, ce sont les meilleures relations que l'on puisse avoir.

EN: Et vous, partagez-vous votre passé avec vos enfants ?

SS: Non, mes enfants savent tout. Il leur suffit de prendre un magazine pour lire même les choses que je n'ai pas envie qu'ils sachent. Je ne fais pas partie de celles qui pensent qu'ils doivent connaître chaque détail de ma vie passée, moi-même je ne tiens pas à tout savoir sur leur vie. Mais la philosophie que j'ai essayée d'inculquer à mes enfants est que l'on apprend de ses erreurs. On peut se tromper, on s'améliore en tirant des leçons de ses échecs et non pas forcément en faisant toujours ce qui est juste. En tous les cas, je ne veux pas qu'ils hésitent à venir vers moi lorsqu'ils ont l'impression d'avoir pris un mauvais chemin. Mes propres erreurs ont fait de moi ce que je suis aujourd'hui. Et ce qui devait arrivé est arrivé il y a quelque temps, j'attendais cette question, mes enfants m'ont demandé : " Quelles drogues as-tu pris ? ". Ils savent que j'ai pris des drogues, mais ils m'ont demandé plus précisément : " Tu as déjà pris du crack ? ". J'ai trouvé ça assez amusant.

EN: Vous leur avez déconseillé d'essayer ?

SS: Quand River Phoenix est mort, Eva avait 11 ans, et c'est la première fois qu'elle m'a demandée : " Comment cela est-il arrivé ? " je lui ai répondu : " Ecoute, il existe beaucoup de drogues, différentes les unes des autres, mais toutes illégales. Certaines d'entre elles procurent des sensations amusantes, certaines autres peuvent te tuer dès que tu les goûtes. Beaucoup sont vendues dans la rue, et tu ne sais même pas ce que tu achètes. Donc dire simplement " non " ne suffit pas. Si tu rencontres des gosses qui commencent à te parler de la drogue et du fait qu'ils ont commencé à en prendre dès l'âge de 11 ou 12 ans, si tu veux en savoir plus ou si tu veux comprendre quelque chose, s'il te plait viens me voit et nous en discuterons. Je t'expliquerai tout. Et surtout, sache que même si tu as peur, ou même si tu as essayé d'en prendre, tu peux m'appeler même au milieu de la nuit, je viendrais près de toi " C'est ainsi que le dialogue s'est installé. Je me souviens même d'une fois où je lui ai dit : " tu sais quoi ? Si tu ne fumes toujours pas de cigarettes le jour de tes 21 ans, je t'offrirais une voiture " Mais elle m'a rétorqué : " Je ne peux pas passer ce marché avec toi parce que je ne peux pas promettre que je n'essaierais jamais ". Elle s'est dit qu'elle aurait sûrement envie d'essayer et qu'il ne serait pas honnête d'accepter que je lui offre un véhicule. Vous savez, Tim et moi nous sommes longtemps demandés : " est-ce que nous aurons des gosses sympathiques ? " Et finalement, nous avons des enfants géniaux, de qui nous apprenons énormément, nous communiquons.

EN: Quel effet cela vous a t-il fait de la voir entrer dans le monde du show biz ?

SS: Je suis extrêmement heureuse qu'elle ait trouvé quelque chose qui l'intéresse autantŠ Parce que s'il y a une chose que j'ai toujours redoutée, c'est que mes enfants, comme ce sont des privilégiés, finissent par ne plus s'intéresser à rien. Je me fiche qu'ils soient passionnés de football, de badminton ou de la philatélie. Je trouve très important qu'un enfant ait une passion pour pourvoir s'épanouir. Je me suis toujours dit que je préférais que ma fille s'intéresse à ce genre de chose plutôt que d'attendre à côté du téléphone que je ne sais quel garçon l'appelle.

EN: Quel effet cela vous fait-il en tant qu'actrice de vieillir ?

SS: Vous voudriez que je vous dise que je suis impatiente d'avoir 50 ans ? Quand j'étais petite, ma mère ma paraissait vieille alors qu'elle avait tout juste 30 ans ! En fait, le fait d'avoir des enfants assez tard m'a permis de me sentir jeune plus longtemps, je me sens jeune dans ma tête !

EN: Comment protégez-vous votre vie privée ?

SS: Ce n'est pas si difficile... Si vous décidez que vous n'avez vraiment pas envie que l'on en parle il suffit de ne pas aborder le sujet, de ne pas les laisser prendre votre maison en photo pour Instyle Magazine, il suffit de dire non. Il faut aussi s'arranger pour voir les gens en tête à tête. Quand vous allez à Cannes, attendez-vous à vous retrouver comme au milieu d'un zoo car c'est ce que représente Cannes. Je pense aussi que lorsque l'on se cache derrière une grille et que l'on ne se déplace qu'entouré de ses gardes du corps, on attire davantage l'attention que lorsque l'on se met une casquette sur la tête pour sortir. Mais tout dépend aussi de qui vous êtes, je pense que Jennifer Lopez est plus embêtée que moi ! !

EN: En tant que personne célèbre, sentez-vous une certaine responsabilité peser sur vous ?

SS: Je pense qu'un acteur construit sa vie autour de l'empathie et de l'imagination. Et lorsque l'on fait preuve d'empathie et d'imagination, comme ne pas être activiste ? Parce que l'on se glisse dans la peau de personnage qui a perdu ses enfants, qui vit dans la pauvreté, dans la maladie, qui subit le racisme ; comment ne pas s'identifier à une mère qui a perdu ses enfants ? Et comment fermer les yeux et vivre la conscience tranquille ?

Propos recueillis par Karine janvier 2003.


   Karine