(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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C'est presque par hasard que Gilles Perret s'est retrouvé dans une voiture aux côtés de François Ruffin pour le film J'veux du soleil qui part à la rencontre des "Gilets Jaunes" qui occupent des ronds-points dans toute la France depuis l'automne 2018. "Presque", car évidemment le documentariste à qui l'on doit des films engagés et précieux comme Les jours heureux ou L'insoumis, ne pouvait qu'être intrigué par ce mouvement populaire de contestation et de révolte. Pas dans une optique militante, mais juste pour comprendre et aider à comprendre ces femmes et ces hommes qui, gilets jaunes sur le dos et ras-le-bol en bandoulière, ne veulent plus attendre leur part de bonheur. |
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Ecran Noir : Pourquoi l’idée de faire ce film et comment êtes-vous arrivé sur ce projet ?
Gilles Perret : J’étais en train de préparer deux films différents, et donc ce n’était pas du tout prévu ! Mais en même temps je voyais que j’allais passer à côté de ce mouvement exceptionnel, montre de luxe et ça m’ennuyait. Il se trouve que j’avais un rendez-vous à l’Assemblée Nationale pour un autre film, et je croise François [Ruffin] que je connais depuis quinze ans. Lui voulait partir à la rencontre des Gilets Jaunes. Il allait partir tout seul avec sa voiture pour écrire un bouquin. Je lui dis « c’est bête de partir tout seul, je viens avec toi, je prends une caméra, on va faire un film ». Il s’était déjà conditionné pour partir seul, comme un moine, et donc sur le coup il refuse. Et finalement il m’a rappelé cinq minutes plus tard pour me dire « tu as raison, on part ! ». Ca s’est vraiment fait très vite : on était le mercredi, et on est parti le samedi…
Et puis il y a une autre raison. L’un comme l’autre, on n’habite pas Paris. Chacun de notre côté, on est allé visiter les ronds-points dans nos régions respectives, et ce qu’on voyait sur nos écrans de télé ne correspondait absolument pas à ce qu’on vivait ! On avait envie de raconter une autre histoire que celle des chaînes d’infos, et passer du temps avec ces gens qui méritaient autre chose que la salissure et toute la boue qu’ils ont reçues. Ce sont des gens dans la difficulté, des gens pauvres… et donc en plus il faudrait avoir honte d’être pauvre, et se faire salir par des chaînes d’infos en continu ! Ca faisait quand même beaucoup. On ne voulait pas faire un film sociologique pour tout savoir sur les gilets jaunes, ni un film politique ou économique, mais vraiment un film à la rencontre des Gilets jaunes, et redonner un peu d’humanité et de dignité à ces gens.
EN : Vous avez tout de suite décidé d’en faire un film pour le cinéma ? Vous n’avez pas eu envie de le diffuser autrement, pour qu’il soit peut-être vu de manière plus large ?
GP : Non. C’est quand même au cinéma que les films sortent. Le cinéma reste un espace de liberté considérable. Si von avait voulu travailler avec des chaînes de télé, ça n’aurait pas été possible. Ca n’aurait pas été compris. Il y aurait eu des discussions à n’en plus finir sur le moindre détail. Avec le cinéma, on touche un public finalement assez éclectique. C’est la bonne nouvelle au regard des avant-premières : les spectateurs vont d’un public de « Gilets jaunes » convaincu à des « croyants mais non pratiquants », mais aussi un public de classes moyennes et supérieures qui regardaient ça avec un peu de distance, voire de mépris, et qui du coup sortent de la salle avec une idée différente. Il y a de l’écoute, il y a des échanges dans les salles, et ça c’est formidable ! Je crois qu’il n’y a qu’au cinéma qu’on peut faire ça.
Par contre, la question, c’est comment le rendre facilement accessible aux « Gilets jaunes » et à ceux qui n’ont pas les moyens. Parce que c’est cher, le cinéma. Ce qu’on essaye de faire, c’est d’inciter les cinémas à proposer des tarifs réduits pour les « gilets jaunes », certains font des séances gratuites, d’autres font le système des tickets partagés [ces tickets payés par d’autres spectateurs et mis à disposition des personnes en difficulté]… Bien sûr, on ne peut être qu’incitateur. Mais c’est vrai que nous, on aimerait qu’à un moment le film sorte des salles et soit accessible plus facilement. On verra dans un second temps.
EN : Quel a été le dispositif de tournage ?
GP : En terme de technique de tournage, c’est minimaliste : il n’y a que nous deux. J’ai une caméra avec un micro directionnel et un micro mi-directionnel, et voilà. On n’a pas de preneur de son. On avait repéré des ronds-points qu’on connaissait, près de chez nous, et après c’était au gré de nos rencontres. On avait aussi deux copains, un en Ardèche et un à Montpellier, qui étaient allés repérer sur les ronds-points pour voir ce qu’il y avait d’intéressant. Ca nous a permis de gagner du temps : on a tourné en seulement six jours !
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