Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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Un belge de l'Est. Yvan Le Moine est le réalisateur du Nain Rouge, film du genre Toto le Héros, en plus trash. Présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, il voyage désormais au Canada. Rencontre.
EN- Y-a-t-il des réalisateurs comme Fellini qui vous ont inspiré ?





Yvan Le Moine- Et bien non. Je ne suis pas ce qu'on peut appeler un cinéphile. J'ai vu La Strada, et c'est un des films que j'ai préféré, mais je ne l'ai pas revu depuis. Il y a aussi Renoir, qui est un des cinéastes que je préfére en mise en scène. Donc chaque réalisateur qui fait ce métier là a, immanquablement, des choses qui l' ont traversé. Ça peut être des rencontres, comme ici dans ce bureau, comme un film. Je ne pense pas qu'on puisse travailler avec des maîtres, il y a des gens qui font du bon travail. Je peux voir Cassavettes, même si il fait des films à l'opposé des miens.

EN- Comment l'idée du scénario vous est-elle venue ?

YLM- C'est l'adaptation d'une nouvelle.Montres homme C'est un bouquin que vous lisez à minuit et à 6 heures du matin la petite lumière est encore allumée. Vous savez au fond de vous qu'il va vous porter pendant longtemps. Je crois que je l'ai lu 2 ans avant d'écrire le film.

EN- Et faire l'adaptation d'un livre ça prend combien de temps ?

YLM- Comme je l'ai produit également, ça a mis 6 ans en fait. Pendant ces 5-6 ans, j'ai toujours retravaillé le scénario, jusqu'au dernier moment. Quand je faisais la recherche de financement, des acteurs, j'avais tout le temps des idées nouvelles. Donc c'est pratiquement sans cesse à partir du moment où vous décidez d'adapter le livre.

EN- Est-ce-que vous avez travaillé seul ?

YLM- Oui. Enfin, non. Pendant 10 jours j'ai eu 3-4 amis qui sont venus m'aider. J'ai eu besoin, un moment, d'un retour.

EN- Ça ne vous tente pas la co-écriture ?

YLM- Si, mais je n'ai pas encore trouver la personne.

EN- Vous adaptez encore un autre roman...

YLM- Oui, oui. Je ne me sens pas, pour le moment, prêt à faire quelque chose qui ne parte pas d'une structure. Peut-être parce que je cumule un peu tous les postes (producteur et réalisateur). J'ai le sentiment que d'avoir déjà une base peut m'aider. On fait un travail d'artisan et j'ai besoin d'une fondation, en fait. C'est une nouvelle de 17 pages seulement, il a fallu intégrer de nouveaux personnages comme la petite fille, le cirque n'existait pas du tout.

EN- Qu'est-ce-qui vous a plu dans cette nouvelle ?

YLM- C'est une histoire qui exprime la blessure, la révolte, la souffrance de tout le monde. C'est l'histoire du petit homme qui est dans chacun d'entre nous et qui veut devenir un grand. Jusqu'au jour où, comme beaucoup d'entre nous, on s'aperçoit qu'il vaut mieux être nous même. La société nous pousse a faire des actes qui ne nous font pas forcément plaisir au fond de nous.

EN- Comment avez-vous fait le casting ?

YLM- L'acteur jouait dans une pièce de théâtre qui s'appelait Freaks, à Paris. La petite fille était à l'école du cirque. On a fait plusieurs démarches, les orphelins de l'école du Cirque de Moscou, des trapézistes en Roumanie. Mais il y a des gens dont le visage exprime la soufframce, mais qui ont du mal à l'exprimer à l'écran. Elle était comédienne.

EN- C'est difficile de travailler avec autant d'enfants ?

YLM- Oui c'est difficile et pas... Parce que si ils sont justes c'est difficile de les trouver, mais si ils sont justes après c'est le bonheur.

EN- Où avez-vous tourné ce film ?

YLM- En Belgique. On devait le tourner à Budapest au départ, mais pour des raisons diverses ça n'a pas été.

EN- L'idée de le tourner en N&B vous vient d'où ?

YLM- Le N&B transcende une réalité avec une poésie, ça bonifie une image. Et puis la vérité c'est que je préfére le N&B à la couleur.

EN- Avez-vous d'autres occupations en dehors du cinéma ?

YLM- Non, des cambriolages tous les mardis, mais sans plus (rires). Mais dans mon travail je dois tout maîtriser, alors ça occupe. Au moins, si il y a des erreurs on sait qui en est les responsable. On n'est pas trahi, sauf par soi-même, ce qui est encore plus redoutable et ça arrive souvent.

EN- Quelle est votre vision du cinéma belge actuellement, surtout depuis l'explosion qu'a produit le Huitième jour ?

YLM- Je trouve que c'est un cinéma remarquable, dans la mesure où il cherche toujours à sortir des sentiers battus. Pour exister il faut qu'il soit différent, toujours avec des choses innovantes et souvent remarquables. Je suis content de travailler en Belgique.

EN- Mais vous travaillez aussi beaucoup dans les pays de l'Est ?

YML- C'est mon école qui nous envoyait en stage. J'ai été très influencé par la manière de travailler, cette rigueur, de vie "pas confortable". Je me sens très proche de cette école.

EN- Ça doit être très dur de tourner dans ces pays ?

YLM- Certainement, oui, les longs métrages. Par contre en courts il y a toujours une vie. Avant l'Etat financait de nombreux films. Maintenant on a besoin d'argent. Il y a des studios qui sont passés de 100 films à 4 ou 5 par an. Ils essaient de faire des co-productions, mais le problème c'est la langue.

EN- Qu'est-ce-qui vous attire chez eux ?

YML- C'est cette connaissance du métier. Que se soit Kieslowski, Forman, ils connaissent leur travail.

EN- Et Kusturika, vous aimez son travail ?

YML- Oui, beaucoup. J'ai hâte de voir son dernier film. D'un simple point de vue d'artisan, c'est du magnifique boulot. Je ne pourrai pas trouver un autre qualificatif.

EN- Souvent les réalisateurs de l'Est jouent beaucoup plus sur les symboles que nous ?

YML- Absolument, c'était leur seul moyen de communiquer leur rébellion avant et de faire passer des tas de choses à la censure. Ils utilisent toujours une des choses les plus importantes dans notre métier, le non-dit. Ils décodent très vite. Par exemple la scène de démission dans mon film, n'est pas autre chose pour eux, et ça a était perçu à la seconde même, comme une révolte par rapport au pouvoir et aux choses établies. Ils ont applaudit en plein visionnement.

EN- Ne vous ont-ils jamais demandé d'enseigner dans leurs écoles ?

YML- C'est une chose qui me plairait. Je me considère comme un artisan, comme un décorateur, et la transmission, le partage, me paraît faire partie de notre métier. Sinon, comment peut-il y avoir la retransmission. Je suis parfois attéré des productions d'aujourd'hui, je me dis que si des gens leur avaient apporté des étoiles dans la tête cela aurait donné autre chose.

EN- Est-ce-que vous visez particulièrement une production ?

YML- Non, il peut y avoir des choses merveilleuses dans chaque domaine quand c'est bien fait. Il n'y a pas de vérité, si ce n'est quand c'est un peu trop le même film, ou qu'un pourrait faire l'autre et que c'est un peu enfoncé un clou. Quelle que soit l'oeuvre, elle doit être personnelle et originale, donc si cet objectif est reussi qu'importe le film. Enfin, je veux dire qu'il n'y a pas de gens à blamer ou à condamner. Il y a une uniformisation des images qu'on voit quelque fois et qui m'attriste. Mais après tout pourquoi le cinéma serait-il différent de la vie et de nos sociétés.

EN- Les gens ont peut-être besoin d'être rassuré par rapport à leur modèle de vie ?

YML- Ce qui me dérange c'est que l'on dise tout de suite que quelque chose est géniale. C'est comme si toute une éducation sensible qui au fil du temps se perdait. Il y a des choses qui disparaitront, mais il y a d'autres choses qui apparaîtront. Je suis plus triste qu'il n'y ait plus des Enfants du Paradis. C'est pour ça que quand je vois un cinéma de Kusturika, je trouve qu'il a cette sensibilité. Mais cela dit je ne détiens pas la vérité. Il y a des gens qui aiment bien le 8ème Rambo, moi j'aime mieux le premier! Et ils ont raison puisqu'ils le disent... Je regrette juste qu'on ne construise plus les églises comme avant.

EN- Ne pensez-vous pas que c'est aussi une question d'accepter le progrès ?

YML- Je préfére les cendriers, les voitures, mais il y a d'autres choses qui nous séduisent qui sont inacceptables. Donc là c'est un débat sur la vie, l'amour qui serait trop long, mais si on se ressemble on va préférer voir La soif du mal qu'on arrive plus trop à retrouver forcément dans le cinéma contemporain.

EN- J'espère qu'il y a aura toujours des gens pour nous faire rêver ?

YML- Je suppose. Mais par contre les américains n'ont jamais décrochés sur la qualité de leur boulot, je ne dis pas sur l'idéologie. Mais c'est assez fascinant de regarder 6 films américains à la suite. La raison pour laquelle ce cinéma, là, gagne c'est parcequ'il est bien fabriqué.


   alix, vincy