Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 Quelques mois après Cannes, je rencontre de nouveau, à Montréal, Claude Miller, cinéaste du fantasme, de la sexualité, et de lois transgressées. La Classe de Neige a reçu le Prix du Jury sur la Croisette, et d'autres comme au Festival de Florence. Des cinémathèques québécoises, écossaises, d'ailleurs font des rétrospectives de carrière. L'homme fut plusieurs fois nominé aux César. Physionnomiste, on revoit ensemble ses derniers mois; nous parlons d'Internet qu'il fréquente depuis 2 ans. Franc et direct, dubitatif et angoissé, le dialogue s'installe, en cassant un peu les conventions d'une interview classique. Ce curieux est tellement bavard, que nous n'aurons pas le temps de compléter le flash back...


EN: C'est ce que j'appelle votre trilogie. L'effrontée, La petite voleuse, l'Accompagnatrice...La Petite Voleuse, c'est un miroir tendu à Truffaut...

CM: C'est un hommage. C'était un « tribute », le mot anglais est vraiment bien. J'ai fait 10 films avec Truffaut , c'est un homme qui a compté énormément dans ma vie de cinéaste. Et c'était une façon de lui rendre mon hommage, en étant le plus respectueux possible, et en même temps de faire un film personnel, parce que ça ne lui aurait pas plu de faire un film seulement à partir de son scénario.

EN: Vous avez révélé Charlotte Gainsbourg...

CM: Oui! C'est une chance qu'on soit tombé l'un sur l'autre...

EN: Qu'est-ce qui vous intéressait dans ces films sur l'adolescence...

CM: C'était de la curiosité pure. De la curiosité quasiment voyeuriste. C'était une époque où je me demandais: « quelle est la chose la plus mystérieuse et la plus inconnue pour moi, et c'était une jeune fille. » Le meilleur moyen d'en savoir plus c'est peut-être de faire des films sur les jeunes filles.

EN: Jusqu'au Sourire, vous avez suivi l'évolution d'une jeune fille à une jeune femme.

CM: Tout à fait. Même si je n'assimile pas Le Sourire à ces 3 films. Le Sourire c'est plutôt un film sur « comment peut-on vieillir et gérer le désir? »

EN: Le vieil homme du Sourire était souffrant aussi, il avait peur de mourir...

CM: Ca c'était la métaphore. C'était: « je vais mourir, et je désire toujours autant les femmes. » Alors j'ai choisi une très belle plante. Enfin, je pense, tous les goûts sont dans la nature...

EN: Emmanuelle Seigner fait à peu près l'unanimité, notamment dans Place Vendôme...

CM: Dans Place Vendôme, elle est splendide.

EN: Vous avez dit que vous l'aviez choisie pour être Nana, mais parce que Emmanuelle Seigner n'était pas assez « bankable », le projet n'avait pas pu se faire...

CM: A cause de ça, elle s'est brouillée un peu avec moi... Je l'ai dit dans la presse, alors que c'était la vérité.

EN: Est-ce que maintenant, après Garcia et Polanski, Seigner pourrait devenir Nana?

CM: Oui bien sûr. Mais c'est pas plus facile. J'adorerais. Elle est un peu fachée avec moi, alors que je ne l'ai pas fait avec quelqu'un d'autre, alors que j'aurais pu, on me le proposait... Nana c'est le roman de Zola... C'est donc un gros budget.

EN: Ce pourrait être votre prochain film?

CM: ce ne sera certainement pas mon prochain film; c'est un film trop cher, et mes derniers films n'ont pas assez bien marché pour qu'on me donne autant d'argent pour faire un film.

EN: La Classe de Neige a reçu beaucoup de prix. Mais rien aux César, pas une nomination...

CM: Rien aux césar, bah oui. Je suis un peu vexé.

EN: Oui quand même? Pourtant vous avez déjà été nominé... CM: Oui souvent. Mais là non. Et je pense qu'il aurait pu se trouver dans certaines catégories. C'est très prétentieux de ma part, mais si vous me posez la question, je vous le dis.

EN: On finit avec mon film préféré, c'est à dire L'Accompagnatrice...

CM: Ah oui?

EN: Je sais, ça paraît bizarre... J'aurais voulu savoir...C'est un de vos rares films qui ne traitent pas de la sexualité.

CM: C'est vrai.

EN: C'est le plus distant. Qu'est-ce qui vous fascine dans l'idéalisme de la jeune fille...

CM: C'était un film sur la peur de vivre. Je peux concevoir que la jeunesse, surtout celle d'aujourd'hui, peut avoir peur de vivre. C'était une métaphore de ça. C'est quelqu'un qui refuse...

EN: C'est un film très sombre...

CM: C'est un film très négatif quelque part. C'est peut être mon film le plus noir, le plus terrible, bien plus que l'accompagnatrice. C'est l'histoire d'un étouffement. C'est Le Grand Bleu de quelqu'un qui coule...

EN: Vous sortiez d'une longue période de silence...

CM: Je sortais d'une convalescence, j'avais fait une dépression nerveuse; c'était un film un peu en apnée. On avait du mal à respirer.

La conversation continue sur Odile, ma collègue du Devoir, sur Emporte-moi, copie de l'Effrontée, sur les attentes de La Classe de Neige au BO québécois...

Vincent Cyril Thomas / Ecran Noir.


   Vincy Thomas

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