Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24



Théâtre du Rond Point, un peu plus d’une heure avant d’entrer en scène. En ce joli moi de juin, " Le fait d’habiter Bagnolet ", la pièce de Vincent Delerm, fait salle comble tous les soirs. Marie Payen nous reçoit débordante de peps, chaleureuse, enthousiaste. A la ville comme à la scène, du théâtre au cinéma, cette jeune comédienne croque la vie au rythme d’un amour sans limite pour son métier. Jouer, s’amuser, partager, imaginer, tester, emprunter de nouveaux courants, encore et encore. Singularité, humour, curiosité intellectuelle... Ce qu’elle aime, avant tout : les rencontres et aventures humaines. Jeune femme endeuillée emprisonnée dans ses souffrances dans Inguelezi, le dernier film de François Dupeyron sorti fin mai 2004, on la découvrira kitch le temps de quelques séquences dans Casablanca Driver, de Maurice Barthélemy (à venir le 30 juin). Courts et longs métrages, drames, comédies, chroniques générationnelles, rôles de premiers plans, apparitions, théâtre, projets d’écriture : rien ne l’arrête. On gagne à la connaître. Découvrons ensemble…
Ecran Noir : Parlez-nous de votre rencontre avec François Dupeyron




Marie Payen : Avec François, c’était très classique finalement. C’est Brigitte Moidon, la directrice de casting d’Inguelezi qui lui a proposé quatre ou cinq personnes. Elle lui a parlé de moi puisqu’elle me connaissait. François, lui, avait vu Nos vies heureuses de Jacques Maillot, le premier long métrage où j’ai eu un rôle important. Il se souvenait du film et l’a revu, je crois. Du coup, il a dit " Oui ça m’intéresse de la rencontrer ". C’est comme ça que ça s’est fait. Le rôle était écrit pour une femme de dix ans de plus que moi. Mais il s’est rendu compte, en proposant aux actrices correspondant à cet âge, que quelque chose ne marchait pas pour lui. Il a donc tout réécrit.

EN : Et vous, de votre côté : qu’est-ce qui vous a séduite dans ce rôle ?
MP : D’abord, il faut dire une chose : avant tout, un acteur aime travailler, au-delà de toute question de rôle. Aujourd’hui j’ai trente ans. Je n’ai pas tourné énormément. Je suis au début de mon métier, enfin disons pas trop à la fin non plus. Je pense que ça aurait été n’importe quel rôle, premier rôle dans n’importe quel long métrage, j’aurais dis oui. Je le dis parce que je pense que c’est important aujourd’hui de le dire. Parce que travailler, c’est notre jus. On ne peut pas s’en passer. A part quelque chose de honteux idéologiquement, de vulgaire ou complètement insultant envers les choses qui nous tiennent à cœur, une question d’étique ou quoi que ce soit ; à part ça, on aime le travail, avant tout. On a besoin de travailler. Je dis ça aujourd’hui parce c’est important par rapport à toutes les questions d’intermittence. On est intermittent. C’est un pis-aller d’être intermittent. On n’est pas intermittent parce qu’on a envie d’être au chômage six mois par ans pour lire, aller au cinéma et penser. Moi, si je pouvais travailler treize mois par ans ; je travaillerais treize mois par ans.
Ensuite, pour l’autre aspect de la question, c’est un rôle qui n’est pas du tout un rôle de composition, dans le sens où n’importe quelle personne peut s’identifier. N’importe quelle femme pourrait jouer ça. On peut tous vivre le deuil ; on peut tous vivre une rencontre. Ce qui m’intéressait surtout était la forme de l’écriture et du projet. C’est-à-dire tourner en se libérant de tas de contraintes cinématographiques, en décloisonnant les corporatismes du cinéma. Se parler tous ensembles, travailler tous ensemble, inventer un film ensemble.

EN : Un côté théâtral, en fait ?
MP : Tout à fait. C’est pour ça que ça me plaisait beaucoup. François Dupeyron dit bien aimer les acteurs de théâtre. En tout cas, pour ce film là, il avait envie d’avoir des acteurs de théâtre. Je pense que c’est pour cette raison : on travaillait comme si on répétait. On jouait toute la journée, on travaillait des scènes toute la journée et lui filmait.

EN : Il a d’ailleurs construit son film au montage. Ce procédé était prévu dès le départ. En conséquence, comment s’est déroulé le tournage ?
MP : Il y avait un scénario qui était finalement assez conventionnel dans sa forme, avec des dialogues, des scènes et une chronologie. On a tourné dans l’ordre chronologique. Peu à peu, il affinait sa mise en scène et l’écriture. Tous les jours, il réécrivait. Plus ça allait, moins il y avait de texte. D’ailleurs, je lui disais : " Tu aurais pu appeler ton film ‘Le Silence’, si Bergman n’avait pas existé ". Parce que c’est un film qui est profondément sur ce thème là. Sur l’autre, sur l’opacité des autres, sur la complexité d’une relation, au-delà des mots. Souvent au cinéma, dans les dialogues, on explique. Là, ce qui nous parle tiens dans tout autre chose que les mots.

EN : Parlez-nous d’Eric Caravaca, votre partenaire dans le film. Lui avait déjà l’habitude de travailler avec Dupeyron. Malgré tout, il a dû vivre cette expérience d’une manière toute nouvelle.
MP : Eric ? Il est formidable, c’est un superbe acteur, c’est un garçon adorable. Pour lui c’était différent. En même temps, ce qu’il a vécu, je pense, est qu’il était un peu moins en première ligne que sur les autres films. Moi j’étais là du début de la première journée jusqu’à la fin du dernier jour. Lui est arrivé au tiers du film. Il se sentait donc plus léger. En même temps, ce personnage là, il l’avait travaillé à fond, comme tout ce qu’il fait. C’est vraiment quelqu’un qui va jusqu’au bout. Il me fait penser aux acteurs américains. Là, il avait évidemment travaillé le kurde pendant longtemps. Il avait perdu sept kilos pour le film, s’était laissé poussé les cheveux, la barbe. Il s’imprègne. Bon, ce qui est logique : c’est le travail de l’acteur. Mais tous les acteurs ne sont pas aussi généreux. Dans le film, je trouve que ce qu’il fait est magnifique parce qu’il s’efface complètement derrière cet homme. Il prend le risque d’être complètement penaud, d’être " pas classe ". Du coup, je le trouve vraiment très émouvant.

EN : François Dupeyron a voulu sortir des circuits classiques de distribution. Pas de projections de presse, peu de salles, peu de médiatisation. Cette formule était-elle prévue ?
MP : Ce n’était pas prévu au départ. Ce qui s’est passé, simplement, est que, de toute façon, le film n’aurait pas eu le budget de distribution de Kill Bill. Ceci, premièrement. Donc, de toute manière, pour sortir un film comme ça, il y avait à se poser cette question de la démarche à suivre. Même s’il s’agit de François Dupeyron, c’est un petit film, tout petit, qui n’est pas forcément très grand public. Déjà. Ensuite, il espérait que le film irait à Berlin. Le film n’est pas allé à Berlin. Mais, dans les projections qui ont eu lieu, pour Berlin je crois, Thierry Frémaux, de Cannes, l’a vu. Il souhaitait l’avoir à Cannes. A cette époque de l’année, c’était officieux. On a donc attendu la sélection de Cannes. Le jour de la sélection, on n’y était pas. On devait sortir le film au mois de février, après Berlin, dans le meilleur des cas. On avait attendu le mois de mai. François a dit " Qu’est ce qu’on fait, on va pas attendre septembre, maintenant. Donc, on y va dans quinze jours. On sort le film dans quinze jours ". C’est lui qui a eu cette idée, plutôt que d’essayer d’avoir une sortie classique en face de The Day After, Kill Bill 2, etc, etc.

EN : Pour un comédien qui s’est investi, ce n’est pas frustrant de voir que le film ne va peut-être pas avoir de carrière ou, du moins, prend un risque à ce niveau là ?
MP : Mon regret, en effet, est qu’il n’ait pas été montré à la presse. Donc personne n’a pu faire de choses en amont. Le travail n’a pas pu être fait en amont, notamment pour Eric et moi. C’est dommage pour nous. C’est la petite chose que j’aurais aimé pouvoir anticiper. Ensuite, pour la sortie elle-même : tous les films sont à deux vitesses, aujourd’hui. Il y a ceux qui vont chez Hardisson, Fogiel, Canal, qui font tous les JT. Puis il y a les autres. J’ai des tas d’amis cinéastes qui en sont à leur deuxième ou troisième long métrage. Je pense à Solveig Anspach qui a fait Hauts les cœurs. Le film qui a bien marché ; vraiment bien marché. Ensuite, elle a fait Stormy Weather qui est un film superbe. Elle l’a sorti classiquement, en essayant d’avoir Studio, Première, Télérama, tout le monde. Elle a eu trois lignes partout mais elle n’est restée qu’une semaine à l’affiche. Donc : six salles, une semaine, ou deux, un mois : je préfère deux, un mois. J’ai trouvé ça mieux, finalement, puisque des articles sont quand même sortis au fur et à mesure et parce que le bouche à oreille a pu fonctionner. Pour moi, personnellement, ça ne change pas grand chose que le film fasse cinquante mille ou deux cent mille entrées. Les gens qui aiment le cinéma s’y intéresseront. Maintenant, il y a aussi le DVD. On est un peu dans une nouvelle période pour le cinéma d’auteur.

EN : D’un point de vue personnel, quels ont été les bénéfices de cette expérience ?
MP : Ca m’a apporté ce qu’apporte tout travail d’acteur. Ca m’a fait avancer dans mon travail personnel de fille qui veut faire du théâtre et du cinéma. Ca m’a fait progresser. J’ai rencontré une personne que je ne connaissais pas. Ce qui était bien c’est que j’ennuyais beaucoup moins que sur un tournage de cinéma classique. Déjà, c’était énorme. Je ne m’ennuyais pas, je travaillais tout le temps. Je ne suis pas du genre à être habiter pas un rôle et à ne pouvoir m’en remettre pendant six mois. Ce n’est pas du tout le cas. Je ne fais pas tellement la différence entre le travail et la vie. Travailler et vivre, pour moi c’est à peu près la même chose. Enfin, j’essaye que ce soit à peu près la même chose. En tout cas, c’est comme ça que le travail m’intéresse. J’ai vécu intensément cette histoire. Aujourd’hui, je suis très fière du film. Je le trouve vraiment beau. Ce qui est beau ? C’est un film maîtrisé, qui a un vrai objet. La forme et le fond se confondent beaucoup. Ce qu’il raconte et la manière dont il est fabriqué, c’est très cohérent, très solidaire. J’en suis très fière.

EN : Question d'usage, afin de mieux vous connaître. Pourquoi avez-vous souhaité devenir comédienne ?
MP : Pour qu’on m’aime, pour qu’on me regarde. [rires] Sûrement ; comme tous les acteurs. Ce serait un peu mentir que d’essayer de construire une réponse plus intellectuelle. Je voulais faire du rock n’ roll. D’ailleurs je veux toujours faire du rock n’ roll. Hier soir j’ai vu PJ Harvey. Je me suis dit : " Pourquoi je fais pas du rock n’ roll ". [rires] Je voulais être musicienne, chanteuse, et tout. Au théâtre où je voulais suivre des cours de chants il fallait avoir dix-huit ans. J’en avais treize : ils m’ont dit " En attendant, tu as cas faire atelier théâtre ". Alors j’ai fais l’atelier théâtre. Mais mes références de départ sont « Les Inconnus ». Je suis une enfant de la télé. Je n’avais pas du tout une famille qui m’emmenait au théâtre. Au départ, donc, je montais sur scène pour m’amuser.

EN : Vous évoquiez tout à l’heure l’importance d’un roulement de travail constant. On doit vous proposer tout et, en même temps, n’importe quoi. Pour une jeune comédienne, n’y a-t-il pas aujourd’hui une vraie difficulté à trouver sa place dans le cinéma français, tout en cultivant sa singularité ?
MP : Bizarrement, les choses sont un peu moins contrôlables que ça. Moi, je tombe toujours - par hasard, par miracle, par chance, ou je ne sais quoi - sur des gens qui ont quelque chose à m’apprendre et avec qui j’ai quelque chose à faire. Comme les rencontres de la vie, dans le métier, c’est pareil. Quand se présentent des propositions que je pourrais considérer comme bidons, on ne veut pas de moi. Je rate les essais, en général. Mais je ne le fais pas exprès. Quand on va à des essais, on a toujours envie de les réussir. On a toujours envie de se dire " Oui, je vais le faire, je vais peut-être faire un grand film populaire ". En fait, pour l’instant, on ne veut pas de moi pour ça. En général, les gens qui y arrivent très vite sont faits pour ça. Ce sont des gens qui ont l’étoffe, la solidité nécessaire. Mon but aussi : je ne vise pas la célébrité, avant toutes choses. Je vise à m’amuser, faire des choses qui me passionnent. J’ai envie d’être passionnée par les projets que je fais. Depuis le début, je fais certains choix qui ont guidé mon parcours jusqu’à maintenant : ce sont les bandes. Je travaille beaucoup plus au théâtre ; et j’ai toujours travaillé avec des bandes de théâtre. D’abord avec une compagnie qui s’appelle « Sentimental Bourreau ». Maintenant, je travaille très souvent avec une compagnie qui s’appelle « Le Théâtre des Lucioles ». Je suis en train de monter un projet personnel qui réunirait des gens avec qui je travaille depuis très longtemps. C’est aussi une question de choix, de directions. Ce sont des affinités qui nous conduisent à faire ce qu’on fait. Je ne tiens pas spécialement à être une star. Je n’ai aucune peur de savoir si je vais durer ou pas. Je suis sûre que je ferai ce métier tant que j’aurai envie de le faire. C’est peut-être inconscient parce que le système à l’air de fermer beaucoup les portes aux gens qui ne sont spécialement « mettables partout », pas disponibles pour tout. Mais je n’ai pas du tout peur de ça. Je me dis ça : tant que j’aurai quelque chose à dire, je ferai en sorte de pouvoir le faire et j’aurai toujours des gens autour de moi pour aller dans de nouveaux projets.

EN : Comment êtes-vous arrivée dans la pièce de Vincent Delerm ?
MP : Par Sophie [Lecarpentier] et Fred [Cherboeuf]. Fred est un très vieux copain. On était au lycée ensemble, sans se connaître vraiment. Après on a fait l’école du TNS à Strasbourg. On n’avait jamais joué ensemble. C’est eux qui ont eu la pièce dans les mains et nous l’ont proposée. Au début, je ne la trouvais pas drôle. Maintenant, je trouve cette pièce drôle. Quand je l’ai lu, sur le papier, ce qui m’a frappé le plus était la langue. La manière d’écrire de ce type là. Je ne connaissais pas ses chansons. Il n’était pas du tout connu. C’est très bizarre. Ca me foutais presque le cafard. Voilà ce qui m’a sauté aux yeux, avant de me faire rire. Il [Vincent Delerm] redonne une autre valeur à l’amour. Aux choses qu’on traîne depuis le romantisme en disant « l’homme de votre vie », « le prince charmant ». Il balaye tout ça. Il en fait un truc très déplaisant. Ce qu’il dit sur la relation entre deux êtres me déplait beaucoup. J’aimerais pas du tout vivre comme ça. Et pourtant, il faut bien avouer que j’y suis aussi, comme tout le monde. C’est ce qui m’a intéressé dans cette pièce.

EN : Sur scène, vous jouez beaucoup avec le public, beaucoup avec vous-même. Il y a peu d’interaction entre Frédéric Cherboeuf et vous. C’est encore une expérience très particulière…
MP : Encore une fois, ce qui est intéressant pour moi, est que la forme et le fond sont confondus. Dans cette mise en scène, on se regarde très peu l’un l’autre, on parle tout le temps aux gens, on parle tout le temps de soi, on analyse l’autre. De la même façon, ces personnages ne vivent pas quelque chose d’ouvert, ils sont complètement étriqués dans leurs problématiques. La référence : c’est Monsieur et Madame tout le monde, d’un milieu aisé, étudiant ; donc qu’on connaît tous très bien, enfin dans nos milieux. Mais finalement, on retrouve les même problématiques qu’ailleurs. C’est la langue qui raconte le plus de choses là dessus. Il n’y a pas une phrase qui dure moins de vingt lignes. Ce sont des gens qui font quinze milliards de virages dans leurs cerveaux pour arriver à dire la chose juste. Ils s’écoutent réfléchir et sont tout le temps en décalage l’un avec l’autre.

EN : La pièce connaît un succès phénoménal. Comment le viviez-vous ?
MP : Ca me fais très plaisir. Ce que j’aime : ce spectacle, c’est un petit bonbon qu’on s’est fait. C’est l’heure de l’apéritif. C’est quelque chose qui est léger, humble, pas prétentieux et fait avec pas grand chose. Ca marche très fort. Ca fait vraiment très plaisir puisque ça marche auprès d’un large public. On se plaint toujours qu’il n’y ait personne dans les théâtres. Là, jouer devant une salle complète c’est confortable et très euphorisant. Ca donne envie de venir jouer tous les jours.

EN : Parlons de Casablanca Driver de Maurice Barthélemy. Vous insistiez tout à l’heure sur l’efficacité des collectifs d’acteurs, ce phénomène de bandes, essentiel à votre travail. Le film porte naturellement la griffe des « Robins des bois » et des « Nuls ». Comment avec-vous pris part à ce projet ?
MP : Pour moi c’était particulier. Il y a un couple dans ce film. On a tourné ces trois séquences en une journée. Pour la petite histoire, c’est la personne avec qui je vis qui interprète mon mari. On est ensemble dans la vie. Pierre [Hiessler] qui joue l’homme est un ami d’enfance de Maurice. Ce sont des potes de collège. C’est comme ça qu’on s’est retrouvé là.

EN : Une sorte d’inside joke, en fait…
MP : Oui, complètement. Maurice avait un couple. Il s’est dit : " Tiens, on va rigoler !". Il avait vraiment envie de travailler avec des gens qu’il aimait. Là, il y avait un petit truc à faire. On avait tous envie de le faire. C’était sans aucune pression. Il n’y a pas eu de casting. Encore une fois, c’était pour s’amuser.

EN : Nos vies heureuses de Jacques Maillot a contribué à vous rendre plus populaire, davantage présente à l’écran…
MP : Sûrement mais, en même temps, je n’ai pas l’impression qu’il y ait des tournants en ce qui me concerne. Il y a toujours un petit caillou, un petit caillou, un petit caillou… Ca a commencé avec J’ai horreur de l’amour de Laurence Ferreira. J’ai tourné deux jours. En fait, c’est ce film qui a commencé à me faire tourner. Des gens l’ont vu et m’ont ensuite proposée d’autres choses. Nos vies heureuses m’a fait faire Inguelezi. Donc, il y a toujours un rapport. Mais je n’ai jamais vécu ce que décrivent souvent les acteurs disant " ce film là m’a ouvert la grande porte, le tapis rouge s’est déroulé ". En fait, je suis contente de construire à dimension humaine, et à temps humain. Si Nos vies heureuses avait eu la palme d’or, puisqu’on était en compétition à Cannes, s’il y avait eu un gros événement comme ça, je suis pas sûre … Ca m’aurait sûrement fait beaucoup de bien mais, peut-être aussi, ça ne m’aurait pas fait que du bien. Ca m’a permit aussi de penser autrement. De voir qu’après je ne tournais pas plus, je me suis " Ah ! Pour moi ça ne marche pas comme ça. Donc, qu’est-ce que je veux faire vraiment ? " C’est beaucoup du théâtre que je veux faire.

EN : Quelques mots sur votre projet théâtral…
MP : C’est au tout début. C’est avec une amie qui s’appelle Aurélia Petit. Elle aussi est comédienne de théâtre et de cinéma. C’est ma meilleure amie de théâtre et de travail, depuis dix douze ans. On a conçu un projet, justement, à partir de notre travail d’actrices, sur le thème de la domestication, de la hiérarchie, en se demandant ce qu’on pouvait faire pour travailler sur le plateau mais aussi dans la forme même du projet. Qu’est-ce qu’un acteur ? C’est toujours la queue du projet alors que, finalement, quand on va au théâtre, on va voir des acteurs. Mais les acteurs sont toujours tributaires d’une longue chaîne de pouvoir. On s’est dit : " Cette notion là nous intéresse ; on en parle tout le temps. Faisons un projet avec ça ! ". On va donc travailler sur les valets, les servantes, les domestiques. On a commandé trois metteurs en scène, pour inverser un peu, changer la hiérarchie interne. On a aussi un musicien qui va nous aider à faire le spectacle. On va travailler successivement avec chaque metteur en scène, sur une longue période et écrire le spectacle qui se créera dans un an et demi et qui, pour l’instant, s’appelle « La cage aux blondes ».

EN : Vos projets au cinéma ?
MP : J’ai des rendez-vous, mais rien de prévu pour l’instant. Plein de théâtre ! Donc tout va très bien.

EN : Marie, merci beaucoup.
MP : Merci à vous.



Propos recueillis par Vincy & Sabrina - Juin 2004


   sabrina & vincy