Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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Elle est l'invitée d'honneur du Festival du Film Brésilien à Paris, l'année où le Brésil est en fête dans toute la France.
Fernanda Montenegro serait chez nous l'équivalente d'une Moreau ou d'une Deneuve. Nommée à l'Oscar de la meilleure comédienne et prix d'interprétation à Berlin pour son personnage dans Central do Brasil, l'actrice a conquis les planches, les petits écrans et les plus grands. Elle est l'emblème d'un 7ème Art en plein essor, tournant avec des jeunes cinéastes comme avec les plus réputés.
Cette grande dame du cinéma latino-américain nous reçoit dans un prestigieux palace parisien, où le Président Portugais a installé ses quartiers, en visite officielle. Il est évident que le Brésil s'est longtemps affranchi de ses racines européennes. Mais l'élégance de la dame nous rappelle aussi que le Brésil n'a jamais été aussi proche de notre civilisation. Le soleil en plus.
Ecran Noir : La France a fait de 2005, l’année du Brésil. Qu’aimeriez-vous que les français découvrent de votre pays ?





Fernanda Montenegro : Evidemment il y a notre musique et notre cinéma, qui évoluent de façon incroyable. Mais ce que nous avons de plus riche, et de plus intéressant encore, est sans nul doute notre littérature, notre théâtre et notre peinture. Bien sûr chez nous, le football est très important, la musique populaire aussi, mais le Brésil est aussi capable d’inventer une musique plus "intellectuelle" et moins grand public d’une formidable qualité. Il en va de même pour la vie théâtrale et littéraire. Et c’est justement cet aspect plus ambitieux – mais qui traverse plus difficilement les frontières – qui résume le mieux l’étonnante diversité culturelle et humaine du Brésil. Il n’y a pas besoin de traduire une musique ou une image mais la littérature, par exemple, nécessite que l’on s’y attarde, qu’on réfléchisse aux idées et aux messages. Et à travers cela, c’est toute une culture et un mode de vie que l’on perçoit plus justement.

EN : Quel est justement, à ce jour, l’état du cinéma brésilien ?

FN : Notre cinéma possède de très grandes qualités tout en faisant preuve de beaucoup de force et de courage. Nous avons vu arriver une génération de jeunes réalisateurs vraiment talentueux, peut-être plus doués encore que leurs prédécesseurs. La grande difficulté au Brésil réside dans le fait qu’il n’existe pas d’industrie cinématographique, pas de circuit de distribution efficace ou suffisant. Tout dépend de quelqu’un qui dépend lui-même d’un autre et ainsi de suite. Mais il ne faut pas croire que cela handicape les petits jeunes qui ne craignent vraiment pas de partir à l‘aventure et au combat.

EN : Depuis A Falecida de Leon Hirzman, votre premier film en 1965, quel aspect du cinéma brésilien à le plus évolué ?

FN : Tout simplement, les moyens techniques, comme le son ou l’image. Mais pour un cinéma aussi artisanal que le nôtre, cela a représenté un bon en avant considérable. Prenez par exemple les plus récents films brésiliens qui exploitent avec beaucoup d’intelligence toutes les nouvelles évolutions techniques alors que, d’un autre côté, nos films disposent de moyens financiers très faibles.

EN : Au brésil, les télé-novelas sont de véritables institutions qui engrangent des bénéfices considérables. Cela n’handicape-t-il pas le cinéma, financièrement parlant ?

FN : Il faut se souvenir qu’à ses débuts, Hollywood n’intéressait pas grand monde. Ceux qui se sont lancés dans l’aventure du cinéma ont été considérés comme des illuminés. Et pourtant, Hollywood a changé le cinéma, l’Amérique et même le monde. Au Brésil, personne ne croyait réellement au cinéma, alors quelques pionniers ont plutôt parié sur la télévision avec le succès que tout le monde connaît. Notre cinéma, notre produit "d’exportation culturel visuel" n’est autre que la télévision. En dépit de son succès, la Globo TV continue aujourd’hui encore à défendre une certaine image du Brésil. Et le cinéma en profite à plusieurs niveaux notamment pour le financement et la découverte de nouveaux talents.

EN : En France, il est très difficile pour un acteur ou un réalisateur issu de la télévision de percer ensuite sur grand écran. Vous qui passez d’un univers à l’autre, avez-vous déjà ressenti un quelconque rejet de la part d’un milieu ou d’un autre ?

FN : Jamais. Rares sont les acteurs de cinéma qui n’aimeraient pas travailler au moins une fois avec la télévision. Même si, pour beaucoup d’entre eux, il s’agit avant tout de gagner un peu plus d’argent, c’est surtout l’apport professionnel et humain qui fait la différence. Il existe quelques puristes qui refusent à tout prix d’aller vers la télévision. C’est leur droit, mais ils ne sont qu’une poignée. La télévision brésilienne est, dans son ensemble, une industrie de bonne qualité. Elle produit des télé-novelas plutôt réussies – même si je pense qu’elles étaient bien meilleures dans le temps, des mini séries assez captivantes qui reprennent les écrits de nos plus grands écrivains comme Guimarães Rosa. Moi-même, pendant dix ans, j’ai participé à des adaptations de Stendhal, Claudel, Dostoïevski, Pirandello, Wilde… Ces productions révèlent des très nombreux jeunes talents. Et un jeune qui débute à la télévision se retrouve très rapidement sur grand écran.

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