Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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Paris, janvier 2007. A l’occasion de la sortie de son nouveau film, Par Effraction, Anthony Minghella revient avec moi sur la création de son film ainsi que sur certains choix de carrière. Installé dans un hôtel, près de l’espace Pierre Cardin, le réalisateur du Patient Anglais m’accueille un sourire aux lèvres. Au cours de l’entretien, il répondra de manière posée et réfléchie à mes questions tout en en gardant son crayon aux bouts des doigts, le temps de gribouiller sur son carnet quelques dessins.
EN : Qu’est ce qui vous a incité à retravailler avec votre compositeur, Gabriel Yared ?

AM : Eh bien il fait partit intégrante de mon travail, il est comme on dit… en anglais on appelle ça le « season ticket », littéralement « on a toujours la même place ». Il est abonné à mon travail, donc il ne s’agit pas pour lui et sur ce projet là pas d’avantage de lui demander de faire partit puisqu’il est partit intégrante. Et en tout cas pour moi, à mon oreille, c’est le plus grand compositeur de musique de films encore en vie.

EN : Par Effraction présente une histoire de type intimiste, au cœur de la vie des gens, qu’est-ce qui vous pousse à traiter ce genre de sujet ?

AM : Vous voyez, j’écris dans des cahiers d’écolier avec une écriture très très fine, et toute ma vie, mon travail sont là dedans. Cette écriture montre que je suis très préoccupé par les choses infiniment petites. Mais en même temps je suis très intéressé par l’ampleur, l’échelle vraiment très vaste. Ce qui m’intéresse dans la qualité du travail, c’est cette tension entre l’infiniment petit et l’infiniment grand avec une caméra qui justement prend le plan tout entier. Et je lutte en fait entre filmer une petite trace sur ce cou et l’échelle, la grande échelle. Le cinéma pour moi c’est le résultat de cette tension. Tout à l’heure justement je me faisais photographier dehors et je voyais qu’à un moment le photographe avait sa caméra très éloignée, donc des focales extrêmement lointaines, et soudain il est venu me filmer à deux millimètres de mon visage, ce qui est quelque part horrible mais j’ai tout à fait compris sa démarche parce que c’est un peu la mienne. Je suis à la fois dans le très grand et dans l’infiniment petit. On peut également parler de la merveilleuse découverte du montage qui est finalement politique, car nous pensons toujours lorsque nous sommes par exemple assis, qu’il s’agit de nous, et nous ne regardons jamais ce qui est beaucoup plus loin en se disant « cela n’est pas nous, cela ne nous regarde pas ». Or en fait, pour moi, c’est la même chose, et dans le montage justement, eh bien on peut justement juxtaposer ces deux images, faire qu’elles se touchent, et en cela le montage est quelque chose de passionnant. C’est un peu comme l’image de cette rue où on voit des gens lutter : première image. Deuxième image : on coupe sur une femme qui dans sa voiture est en train de tripoter un peu sa boucle d’oreille, en train de bailler. Et par le fait de connecter ces deux images on est déjà dans une sorte d’affirmation politique, juste en disant au public « tiens regarde ça, et regarde ça ». C’est un acte politique. C’est comme lorsqu’un politicien vous dit qu’il est vraiment sincère, et vous voyez alors cet homme en train de se gratter l’oreille en même temps. La posture physique vous trahit complètement, vous comprenez qu’il n’est pas sincère du tout.




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