(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Luc Besson, pape du cinéma français qui se rêve industrie, mais qui s'accroche à ses privilèges, revient sur sa façon de fabriquer un projet. Le Cinquième Element ouvre le Festival de Cannes. |
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Le Sujet ?
J'ai commencé par écrire un roman à l'âge de 16 ans. Je n'ai pensé à une transposition cinématographique que bien plus tard.
C'est en fait venu petit à petit. Le Cinquième élément est certainement celio de mes films qui s'attache le moins à la réalité;
c'était mon projet le plus fou et le désir de faire un film de vrai divertissement. Mais on ne travaille jamais pour un public particulier;
on espère simplement qu'un public sera séduit, touché, ému, et peu importe d'ailleurs son nombre. Pour Le Dernier Combat, par exemple, les spectateurs étaient relativement peu nombreux....mais très heureux;
pour Le Grand Bleu, le public était beaucoup, beaucoup plus important et les gens étaient tout aussi heureux, même si ce n'était pas forcément les mêmes!
Le Cinquième Élément est réellement une invitation au voyage, à l'évasion. Je crois qu'il faut ressentir ce besoin, cette envie et qu'il faut être dans cet état d'esprit pour profiter pleinement du film.
Le Montage ?
Le montage est la deuxième phase d'écriture pour moi. Dans la construction d'un scénario, vous mettez les mots dans un certain ordre;
au montage vous faîtes la même chose , vous mettez bout à bout des plans pour leur donner une dimension, une émotion. Cela se manipule de la même façon.
Si le scénario est le menu, le tournage c'est la pêche, la chasse et la cueillette. On ne cuisine pas, on ramène poissons et gibiers. Le montage, lui, est la plus grande des cuisines.
Le Cadre ?
Je fais toujours le cadre et ne me contente pas de regarder le plan sur un écran vidéo. Je l'ai fait un peu sur Subway, pas mal sur le Grand Bleu et, sur Nikita, j'ai finalement fait le cadre seul.
Cela change également le rapport avec les acteurs car il y a beaucoup plus d'intimité. Il m'arrive même parfous de donner de nouvelles indications dans la prise et ainsi de changer des choses dans le coeur même du plan...
Le Jeu ?
En fait, c'est une comédie. D'ailleurs, sur le tournage, les comédiens "poussaient" de partout : ils étaient tous drôles et avaient une grande envie de jouer, de s'amuser avec leurs personnage.
Dès que Bruce Willis, Chris Tucker ou Milla Jovovich s'échauffaient, le jeu, et je dirai même le délire, pouvait commencer...La première scène de Ruby Rhod (Chris Tucker) est une vraie scène de comédie musicale!
Nous répétions beaucoup pour avoir des marques, une base de travail et ne pas perdre de temps pendant le tournage avec ses impératifs techniques extrêmement importants. Les répétitions se faisaient sans texte pour garder de la distance et dès que les comédiens étaient "chauds", j'arrêtais. Il faut dépoussierer mais ne pas aller trop loin pour ne pas perdre de la spontanéïté.
Il y a de l'action, mais ce n'est pas un film d'action. Si je devais définir Le Cinquième Élément, je dirais que c'est 1/3 de Brazil, 1/3 de La guerre des Étoiles et 1/3 de Jacques Tati! Gary Oldman, après avoir vu le film, m'a dit: "C'est Star Wars sous avide"!
Bruce Willis ?
Bruce Willis est d'abord un très bon acteur. Le problème est que les stars de l'envergure de Bruce sont souvent utilisées comme telles et non pas comme des acteurs. Bruce peut tout faire, tout jouer et je pense qu'il s'est amusé sur ce tournage parce qu'il pouvait justement faire des tas de choses différentes.
Je n'avais pas écrit le rôle de Korben Dallas en pensant à lui - je n'écris d'ailleur jamais pour quelqu'un en particulier. Ce qui m'intéresse, c'est d'écrire globalement un personnage et ensuite de faire un travail d'approche du personnage avec l'acteur. Et l'important est de se dire à la fin du tournage qu'aucun autre acteur n'aurait pu interpréter ce rôle.
J'aime ce sentiment: Christophe Lambert était le meilleur pour Subway, Jean-Marc Barr pour Le Grand Bleu ou Jean Réno pou Léon. Bruce Willis était en tout vas l'idéal pour ce film: il a, je crois, battu tous les records de vitesse: je lui ai apporté le script qu'il a immédiatement lu et 2 heures après il m'a dit "oui, c'est OK, je le fais"! Je croyais rêver....
Frontières... ?
En tant qu'artiste, je ne ressens pas les frontières: Milla est d'origine russe, Mathieu Kassovitz français, Gary Oldman anglais, Bruce Willis américain. Si un acteur est bon, il est bon et me séduira quelle que soit sa nationalité ou sa langue. Je laisse le débat et le combat de la nationalité des films à d'autres. Le seul critère qui m'intéresse est de savoir si tel film est bon ou pas. D'autre part, travailler sur ce tournage dans une langue qui n'est pas ma langue maternelle n'a pas été un problème en soit. Cela prenait juste parfois un peu plus de temps...
Le thème ?
Le fond de l'histoire est l'éternel combat entre le Bien et le Mal, mais il prend ici une allure inhabituelle. Le Mal est un Mal suprême, absolu, il n'y a qu'une seule chose qui le dérange : la Vie! Ce n'est donc pas une attirance pour l'argent, le pouvoir ou la domination qui le motive; il n'a pas besoin d'énergie pour se répandre. La Vie le gêne, l'étouffe, et son objectif est de détruire hommes, femmes, enfants, animaux, planges et même la lumière. Il vient combattre dans notre univers tous les 5000 ans - et tous les 5000 ans, on oublie la façon de le combattre.
Gary, Milla et les autres...?
Le rôle féminin principal est tenu par Milla Jovovich, une jeune actrice qui a un potentiel énorme. Pour le personnage de Leeloo, je voulais quelqu'un que l'on n'avait pas encore beaucoup vu - je ne voulais surtout pas de "références" - et également un visage très beau mais venant d'ailleurs. J'ai rencontré beaucoup de mannequins et parmi elles il y avait Milla qui m'a vraiement séduit lors de notre deuxième rencontre, aux essais, où elle a fait preuve d'une grande aisance, sans retenue aucune. Elle a travaillé dur pendant 8 mois: le chant, la comédie, le karaté et a même appris 400 mots d'un vocabulaire inventé et tous les dialogues du film dans cette langue.
Chris Tucker joue quant à lui un animateur de radio qui a son émission tous les jours de 5 à 7h; c'est un peu le semeur de trouble. Ian Holm interprète Cornélius, le gardien du secret qui est transmis de génération en génération: il est le dernier descendant à connaître le secret du Cinquième Elément.
Et puis il y a le méchant, le complice du Mal Absolu, c'est Gary Oldman, mais c'est un méchant à part, drôle, un peu dandy, qui se prénomme Zorg. Travailler avec Gary Oldman est un vrai plaisir; je le connaissais un peu avant le tournage de Léon et nous nous étions tout de suite bien entendus. Pour "Le Cinquième Elément", il m'a dit oui sans même lire le script; j'en ai donc fiat de même lorsqu'il est venu me voir par la suite avec le scénario de Nil by Mouth qu'il souhaitait mettre en scène et me voir produire. C'est là une belle leçon de cinéma: voir Le Cinquième Elément, un film d'aventure, - disons "léger" - et Nil by Mouth, un film très personnel dépeignant très durement la société, faits par les mêmes personnes.
Travailler en équipe ?
Pour ce film, j'ai travaillé avec des dessinateurs. Il est vrai que je ne suis pas habitué à partager avec beaucoup de gns cette phrase d'écriture; je suis plutôt du genre solitaire, et j'ai dû, là encore, changer mes méthodes de travail.
J'ai le goût du secret parce que j'aime surprendre les spectateurs en même temps que les techniciens. J'ai envie de découvrir l'émotion ou l'étonnement sur leurs visages.
Les Effets Spéciaux ?
Les effets spéciaux sont nombreux. Ce fût un travail de fourmi d'un genre un peu nouveau pour moi et très laborieux: les voitures volent, il y a des extra-terrestres, etc...
C'est un peu frustrant pour la direction d'acteurs et il y avaut sur ce film, pour un grand nombre de plans, une mécanique très précise à règler. Je me suis donc plié aux contraintes jusqu'au bout mais je dois avouer que ce ne fut pas pour moi la partie la plus excitante. Ceci dit, pour le spectateur, j'espère que le plaisir sera immense.
Pour ce film, tout était en réalité multiplié par cinq! Il y a eu una n et demi de préparation, puis cela s'est arrêté, pour réfléchir: le film était infaisable, trop gros, trop cher, trop tôt!
J'ai tourné alors Léon...Puis je suis reparti pour une année de préparation: une année de recul qui nous a permis de mieux cerner les problèmes, et donc de les résoudre. Le tournage a ensuite duré 22 semaines.
d.r.
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