(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Extrêmement connu en Allemagne, Jürgen Vogel est un acteur touche à tout. Chanteur d'un groupe en tournée dans Keine Lieder über Liebe ou amoureux en phase terminale dans Le bonheur d'Emma, il ne se laisse enfermer dans aucun rôle. Avec Le libre arbitre, il explore toutefois une facette plus sombre de sa personnalité en incarnant un violeur récidiviste qui tente d'échapper à ses pulsions. Coscénariste du film réalisé par son ami Matthias Glasner, il a pris très à cœur la fonction pédagogique de cette histoire qui, espère-t-il, devrait faire réfléchir le public sur la nécessité de soigner et d'encadrer les criminels sexuels. |
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EN : Comment avez-vous vécu cette expérience d'interpréter un salaud ?
JV : Je n'y ai pas trop pensé. Parce que c'est un film psychologique, comme une étude sur un criminel particulier, et que ça me semblait important de le faire.
EN : Avez-vous pensé à un acteur en particulier ou à un personnage pour vous mettre dans la peau de Theo ?
JV : Non. Je n'aime pas avoir le sentiment que je suis un acteur. Je veux tout oublier. Je ne veux pas prendre de distance, avoir un regard professionnel sur le personnage. Je veux juste me sentir proche de lui.
EN : Vous êtes assez célèbre en Allemagne, vous n'avez pas eu peur de la réaction de votre public ?
JV : Non, je n'étais pas inquiet. C'est un peu de la provocation mais je ne réagis pas comme ça. C'est mon boulot et je l'aime. Je ne veux pas faire uniquement des comédies. Je veux participer à des films qui provoquent des émotions, qui font réfléchir.
EN : Pensez-vous que le film puisse faire évoluer les mentalités ?
JV : Je l'espère. Je pense que les gens qui auront vu le film ne l'oublieront jamais. Ils auront un regard différent sur ce type de criminels. Non pas qu'ils vont l'aimer, mais ça les amènera à réfléchir : que peut-on changer ?
EN : En règle général, pensez-vous que le cinéma peut changer le monde ? Vous, y a-t-il des films qui ont changé votre vie ?
JV : Je pense que l'art peut changer le monde. La musique, la peinture, le cinéma… tous les arts. Il y a plein de films qui ont changé ma vie, mais je ne peux pas vous dire lesquels, c'est trop personnel… [il rit] Bambi a changé ma vie : c'est le premier film que j'ai vu !
EN : Pourquoi raconter cette histoire sur un mode aussi pessimiste ? Les gens ne peuvent pas changer, selon vous ?
JV : C'est juste cette personne. Il faut accepter qu'il ne s'agit pas d'un film sur les violeurs en général mais juste sur lui. Pour lui, ça se termine comme ça. Cela dit, vous avez raison, peut-être qu'on aurait pu changer la fin. Que Theo et Nettie tombent amoureux et qu'ils essayent de construire quelque chose ensemble. Au début, dans le premier scénario que m'a montré Matthias, c'était comme ça. Je lui ai demandé : "s'il te plait, laisse-moi me tuer, j'ai besoin de me débarrasser de ce personnage". [il rit] Non, ce n'est pas vrai... mais pour moi, il fallait que ça finisse comme ça. Parce que lorsqu'il réalise que même en étant heureux avec quelqu'un, il a besoin de recommencer à agresser d'autres femmes, il comprend qu'il ne pourra jamais arrêter.
EN : Au delà de cet aspect du film, il s'agit également d'une histoire sur la solitude, sur deux êtres malades de solitude…
JV : Oui, absolument. C'est le personnage le plus solitaire que j'ai jamais joué.
EN : Comment s'est passé le tournage ?
JV : Il y a eu un moment avant le début du tournage où nous nous sommes demandés : bon, maintenant, on tourne ou on arrête le projet ? Nous n'étions pas pleinement satisfaits du dernier scénario, mais on s'est dit : si on ne tourne pas maintenant, on ne fera jamais ce film. Et on s'est lancé. Pour la plupart des scènes, nous n'avons fait qu'une prise, comme cela venait, sans trop y penser.
EN : Vous n'avez eu à aucun moment la tentation de participer à la réalisation du film ?
JV : Non, Matthias est un excellent réalisateur, il a fait du très bon travail. Mais je réaliserai peut-être le prochain… Nous avons un autre projet ensemble avec Matthias, on verra... Nous avons créé une nouvelle société de production avec un autre ami et je pense que l'année prochaine, je lancerai mon premier projet de long métrage.
EN : Ce n'est pas un film facile. Que diriez-vous à quelqu'un qui ne l'a pas encore vu ?
JV : Je vous en prie, lisez un maximum d'articles et de critiques sur le film avant d'aller le voir. Et n'y allez que si vous êtes vraiment intéressés par ce genre d'histoire. Il faut absolument en avoir envie parce qu'il y a des scènes très violentes.
EN : Vu de France, on a l'impression d'une nouvelle vague du cinéma allemand, plus dynamique que jamais.
JV : Si c'est le cas tant mieux, je ne sais pas exactement, mais je l'espère vraiment. Peut-être que les choses changent, que nous avons plus d'énergie pour faire ce genre de films et pas seulement des comédies ou des trucs commerciaux, parce que nous nous sentons plus fiers de notre production nationale. Avec les nouveaux moyens techniques, cela ne coûte plus aussi cher de faire un film. Bien sûr, ce n'est pas forcément facile, mais si vous avez une bonne histoire, vous n'avez pas besoin d'attirer des millions de spectateurs pour rentrer dans vos frais puisque ceux-ci sont moins élevés. Parfois, le plus important est de réaliser le film, même si peu de gens le voient. Ca permet de montrer autre chose que des comédies et encore des comédies..
MpM
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