Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24



De Gérard Krawczyk, on connaît surtout la prédilection pour les films d'action et les comédies populaires aux millions d'entrées. Pourtant, derrière le réalisateur décrié des Taxi se cache un auteur sensible et passionné qui se bat pour réaliser les films qu'il aime. Invité d'honneur du Festival des Scénaristes de Bourges, il nous confie son plus grand plaisir : voir briller les yeux de ses spectateurs.
Ecran Noir : Vous êtes surtout connu du grand public en tant que réalisateur, mais à Bourges, c’est votre travail de scénariste qui est à l’honneur. Quelle résonance cela a-t-il pour vous ?




Gérard Krawczyk : Déjà, je pense que le grand public, aujourd’hui, ne connaît pas les réalisateurs. Si vous demandez aux gens dans la rue qui a réalisé Titanic, immense succès du cinéma mondial, je suis persuadé que personne ne sera capable de citer James Cameron. Par contre, on vous dira que c'est un film avec DiCaprio… A cause de la peopolisation extrême de la société, ce sont surtout les comédiens qui sont mis en avant. On ne voit presque jamais de réalisateur parler de son métier, d’ailleurs personne ne sait exactement ce que c’est. Sauf dans le cas de réalisateurs qui sont également comédiens, ou éventuellement les étrangers à forte connotation auteuriste comme Pedro Almodovar ou Woody Allen. Comme si la plupart des réalisateurs étaient interchangeables… Pourtant, je considère que le réalisateur est l’auteur du film, qu’il ait écrit le scénario ou non. Un film dépend du regard du réalisateur, c'est lui qui décide de tout ce qui va entrer dans le cadre. Le scénariste, bien sûr, est le coauteur. En ce qui me concerne, j’ai fait tous les cas de figure, écrire sans réaliser, réaliser sans écrire, écrire et réaliser… mais j’ai toujours fait les films que j’aurais voulu voir en tant que spectateur. Tous mes films me ressemblent. Donc, de m’avoir invité ici, ça m’honore, pas pour moi, mais pour participer au coup de projecteur que le festival met sur le scénario. Le scénario est essentiel pour toute œuvre audiovisuelle, or on ne lui accorde pas la place qu’il mérite. Dans un budget, en France, cela représente à peine 5%...

EN : Puisque vous avez testé tous les cas de figure, que préférez-vous ? Travailler à la fois sur le scénario et le tournage ou juste l'un des deux ?

GK : Parfois on me propose quelque chose qui me plait instantanément, comme une rencontre amoureuse : vous ne l'aviez pas prévu, mais ça rentre dans votre désir. Alors vous vous l'appropriez. Ca peut également être un désir qui a grandi en vous, ou un coup de foudre pour un roman dont vous avez l'impression qu'il a été écrit pour vous… C'est cahotique et empirique, je ne suis pas une ligne ou un sillon. Donc ma préférence, c'est de raconter l'histoire que j'ai envie de raconter. Comme le dit Pierre Pelot, l'auteur du roman dont j'ai tiré L'été en pente douce, nous sommes presque des passeurs d'histoire.

EN: Lorsque l’on regarde votre filmographie, on a l’impression que vous vous êtes surtout illustré dans deux genres : le film d’action et la comédie romantique…
GK : Pour moi, il n’y a ni film d’action, ni film romantique. S’il y a une continuité, c’est que ce sont des films d’acteur. "Ce qui intéresse les gens, ce sont les gens", disait Capra. Moi ce sont les rencontres. J’aime les films de pur divertissement mais ça m’embêterait qu’il n’y ait que ça. D’où les films plus intimistes qui parlent de la tolérance, de la difficulté d’exister… J’y mets toujours un peu d’humour car je n’ai pas une nature sombre.

EN: Après Taxi, avez-vous l’impression qu’on vous a collé une étiquette dont vous n’arrivez pas à vous défaire ?
GK : Peut-être quand je serai mort… Ou si un jour je fais un film vraiment inattendu… Mais peut-être jamais. En même temps, je comprends le préjugé. Chaque film que je fais est vu à travers le prisme de Taxi… même si ce n’est pas le bon ! Bien sûr qu’on ne peut pas comparer Taxi et Citizen Kane, mais c’est comme si l’on disait que le rouge c’est mieux que le jaune ! Non, vous préférez le rouge, c’est différent. Et ça ne fait pas beaucoup avancer les choses. Le cinéma aurait à y gagner si l'on essayait d'analyser les films en termes cinématographiques plutôt qu'en termes d'humeur !

EN: Quels conseils donneriez-vous aux jeunes scénaristes présents au Festival ?
GK : Déjà, je pense que scénariste c’est un métier d’avenir, même s’il y en a plein qui n’arrivent pas à en vivre. La planète entière cherche de bonnes histoires, et l’on a surtout besoin de gens qui écrivent ces histoires. Il y a un manque. De bons scénaristes nous éviteraient Le Loft… enfin, chacun ses goûts. Alors je leur conseille d’écrire et de faire lire, de confronter les expériences, de rencontrer de jeunes réalisateurs. Surtout, ne pas rester seul, être dans des courants. Il faut avoir une grande capacité d’écoute et de remise en cause. C’est important aussi de ne pas essayer de copier les autres mais de rester soi-même. Enfin, il faut vivre, ne pas être coupés de la réalité. Il n’y a rien de magique là-dedans, mais s’il existait un conseil magique, je l’aurais pris pour moi !

EN : Nicole Garcia, qui était à votre place l'an dernier, nous disait que l'écriture comme la mise en scène peuvent être rudes. Qu'en pensez-vous ?

GK : C'est vrai, c'est un mélange de plaisir et de douleur. A l'écriture, tout est possible mais au tournage, on est confronté avec la réalité : la météo, l'humeur du comédien principal… Les minutes ne sont pas les mêmes quand on écrit et quand on est sur le plateau. Ce n'est pas un métier propre, on a les mains dans le cambouis ! J'aime beaucoup la phrase de Renoir qui disait : "Le cinéaste est comme un pêcheur : il met en place les meilleures conditions pour prendre le poisson, mais il ne le fabrique pas". C'est très juste. Ce que nous faisons, c'est de l'artisanat.


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