(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Quand on tourne un film se déroulant dans le milieu scolaire, il faut un nombre impressionnant de seconds rôles ou de figurants en plus des personnages principaux. Si la "classe" au centre d’Entre les murs a été recrutée un an avant le tournage, afin de répéter chaque semaine pendant tout une année scolaire, c’est Christine Campion, forte d’une expérience de dix ans dans le casting, qui s’est chargée de trouver les dizaines d’autres jeunes et adultes nécessaires pour recréer l’ambiance d’un véritable collège. Une tâche pas toujours facile à gérer, mais qui lui a permis de participer à la grande aventure du film de Laurent Cantet couronné à Cannes par une Palme d'or. |
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Ecran Noir : Comment s’est passé votre travail ?
Christine Campion : Pour un tournage en juillet et août, j’ai commencé mes recherches en avril. D’abord, j’ai cherché dans l’établissement Françoise Dolto (XXe arrondissement de Paris) où a été recrutée la classe qui est au centre du film. Puis j’ai essayé de repérer des enfants dans les quartiers avoisinants et finalement partout. J’avais besoin d’enfants de toutes les origines pour que ce soit représentatif de la réalité, mais ça n’a pas toujours été facile. D’un point de vue administratif, notamment, c’était très compliqué car comme il s’agissait de mineurs, il fallait à chaque fois bâtir des dossiers pour la DASS [Direction des affaires sanitaires et sociales] avec autorisation des parents preuves de filiation, parfois cartes de séjour... En plus, autant les enfants étaient extrêmement motivés, autant les parents, eux, étaient peu accessibles. En tout, j’en ai quand même envoyé 400 !
EN : Comment avez-vous procédé pour trouver les adultes qui apparaissent également dans le film ?
CC : Là aussi, j’avais vraiment envie d’avoir ceux du collège. D’habitude, pour ce genre de casting, j’attends que les gens montrent de la motivation. S’ils ne veulent pas, il y en a tant d’autres qui sont partants ! Mais là, et c’est ça qui est génial, c’est que je suis allée chercher les gens. J’ai demandé aux vraies cantinières et aux vraies femmes de ménage d’apparaître dans le film, et j’ai insisté jusqu’à ce qu’elles acceptent, car au début elles ne voulaient pas…et maintenant elles se retrouvent dans un film qui a eu la Palme d'or ! Pour les profs, ce sont de vrais profs aussi. Certains sont des anciens collègues de François Bégaudeau, d’autres viennent des établissements du quartier. L’équipe pédagogique du collège Françoise Dolto était extrêmement impliquée : même les "coachs" des élèves ont été choisis parmi les pions !
EN : Comment s’est passé le tournage ?
CC : C’est un film assez atypique, avec un petit budget et une équipe réduite. Par contre, certains jours, j’avais jusqu’à 70 figurants en même temps… On ne se rend pas compte mais ça va vite avec les séquences de récréation, de couloir ou de cours de gym ! Le plus dur était de les avoir à l’heure pour le tournage, et avec les bons vêtements. Comme le film est censé se dérouler sur une année, les scènes pouvaient se passer aussi bien en hiver qu’en été ou au printemps… Leur faire comprendre qu’ils devaient venir avec une grosse doudoune en plein été, ce n’était pas simple ! D’autant qu’au début, ils trouvent le tournage amusant, et puis quand on leur demande de refaire la même chose quinze fois, ils en ont marre !
EN : Comment avez-vous perçu le travail réalisé avec la classe ?
CC : Comme Laurent Cantet souhaitait tourner dans une vraie salle de classe, et non dans un décor, il ne pouvait y avoir que très peu de monde présent. Il fallait que les techniciens se fassent oublier pour garder le maximum de naturel et de fraîcheur. De mon point de vue, c’est une expérience unique. Les jeunes, eux, n’étaient pas tellement impressionnés par tout cela. Ils étaient à l’aise. Quand on les voit dans le film, ils sont plus vrais que natures ! Ce sont des enfants qui ont du tempérament. Dans la scène de bagarre dans la cour, les filles, elles se tapaient dessus pour de vrai ! Mais celui qui a assuré le plus, c’est Laurent Cantet. Il a passé tellement de temps avec eux pendant un an, il a réalisé un tel travail au quotidien ! Cela va au-delà du simple fait de faire un film. C’est pour cela qu’il a obtenu ce résultat hyper frais, ce tour de force de leur faire dire et faire ce qu’il avait écrit mais sans qu’ils aient appris quoi que ce soit par cœur. Comme une improvisation avec un fil conducteur très écrit.
EN : Comment avez-vous ressenti la sélection du film à Cannes, puis le fait qu’il obtienne la Palme ?
CC : Je n’aurais jamais imaginé qu’il pourrait avoir un prix. En même temps, c’est aussi ça le cinéma : peu de moyens mais beaucoup d’idées et de création. On était tous mal payés mais motivés, tout le monde a vraiment donné le maximum. Donc on est content que ça se voie, que notre travail soit récompensé. Pour les jeunes, j’appréhende juste l’après. Comment ils prennent les choses ? Qu’est-ce qui va se passer pour eux ?
MpM
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