(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Présenté en compétition officielle au festival Paris Cinéma 2008, Mange ceci est mon corps, est une expérience cinématographique étonnante. A l'occasion de sa sortie en salle nous avons rencontré son réalisateur, Michelange Quay, aussi disponible que sincère. Dialogue. |
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EN : Dans votre film, deux lieux se font écho. La maison coloniale et le marché haïtien…
MQ : Le tiers monde ! Parce que je ne dis jamais Haïti. Et le mot Haïti n’est jamais prononcé. Il est vrai qu’on parle créole. Mais quand elle (Catherine Sami) enchaîne sur ces noirs, ces « pygmées », ces « machins », ces pauvres noirs…nous ne sommes pas en train de parler d’un continent ni d’une ethnie quelconque. Nous sommes en train de parler d’un principe. Par exemple dans l’histoire américaine, il y a eu la conquête de l’ouest. Littéralement il fallait diviser l’espace, les gens, le cosmos ; dans un avant et un après, en bien ou en mal. C’est comme cela que l’on pourrait aborder les lieux, les ressources et c’est comme cela que l’on pourrait tuer le buffle.
EN : Et plus précisément sur ces deux lieux qui se font écho…
MQ : Oui, oui. Pour dire que ce n’est même pas le tiers monde, c’est l’autre, ce sont ces gens là. Les gens sur lesquels on va agir, vers qui on donne de l’argent.
EN : Comme ceux qui vivent dans la misère en France, par exemple ?
MQ : Absolument. Cela peut être la femme qui apparaît dans un magazine porno ou même sur internet. C’est l’autre personne qui n’est pas une personne.
EN : Non reconnu comme un alter ego; comme une personne qui n’est pas identique, voir semblable ontologiquement parlant…?
MQ : Non ! On a besoin de la transformer en masse pour pouvoir agir sur lui dans la quête de notre éventuel destin. D’ailleurs, l’éventuel blanc, dans ce binaire de noir et blanc, ils le font de l’un à l’autre. « L’esclave » a besoin du maître pour accomplir son propre destin.
EN : C’est ce que vous signifiez lorsque le blanc se mélange au noir et le noir au blanc. Vous dépassez le rapport binaire de cette notion…
MQ : Ce sont des principes de base, en effet. Ce sont des masques.
EN : D’où l’importance des monologues…
MQ : Oui. Ce sont des monologues, des gestes. Pas des gestes quotidiens. Personne ne se gratte le dos, les fesses….D’un côté nous avons le cérémonial et de l’autre l’ineffable, ce qui ne peut être contemplé, l’insaisissable. Si j’étais allé plus loin, j’aurai sans doute montré des scènes à Paris. Je suis un joueur de GO. La partie n’est qu’un lieu. Ce qui se passe ressemble à un champ magnétique de force. Le noir et blanc, c’est comme dans les mathématiques. Ce sont deux directions. Ce ne sont pas des constats, mais des directions. A tout moment, il y a des polarités, comme dans le film. Jeune / vieux, homme / femme, adulte / enfant…
EN : Une dualité constamment à l’épreuve…
MQ : Oui. Car ce qu’on essaye de proposer aux spectateurs, ce sont des sensations propres à nous, animal foncièrement linguistique, sémiotique. Dans tout médium, on prend plaisir dans le changement. Comme dans la musique par exemple. Mais le cinéma est très très binaire là-dessus. C’est très basique. Lumière, ombre, plan, plan. Voiture qui écrase une personne et le bébé pleure.
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