Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24



La comédie humaine. Vêtue de noir, elle est lovée dans l’angle d’un canapé bleu nuit. Chez elle, dans le quartier Bastille. Si Muriel Combeau est avant tout pour les téléspectateurs la chic et ferme Gladys Dupré d’Avocats et associés, elle joue aussi régulièrement au cinéma et au théâtre. Je regarde son front bombé, la lumière trouble de son regard, son petit nez adorable et ses taches de rousseur qui retiennent l’enfance. Muriel possède la fantaisie débridée de Claudette Colbert et le romantisme félin de Simone Simon. À coup sûr, Jacques Tourneur (La féline) ou Robert Wise (La malédiction des hommes léopard) l’auraient aimée dans leur cinéma modeste d’épouvante des années 1940. En la rencontrant, je souhaite brosser le portrait d’une comédienne qui vit de son métier depuis près de vingt ans. Pas une star, mais une actrice s’exprimant sans langue de bois, avec un sens de l’humour qui replace les expériences à leur juste distance. Muriel Combeau ou la comédie humaine, très humaine…
EN : Le succès est un parfois un malentendu qui dure. Votre second rendez-vous sur les planches, c’est avec Jean-Louis Livi et sa pièce Des sentiments soudain.

MC : Oui, avec Caroline Sihol, Christine Boisson, Didier Flamand et Marc Jolivet. Je me souviens avoir repris ce rôle en une semaine ! Jean-Louis Livi était alors le patron de l’agence artistique Artmédia. Le soir de la première, le nombre de vedettes dans la salle était incroyable. À la fin du spectacle, ma mère qui est psy était dans ma loge. Un homme vient me féliciter et m’embrasser. Ma mère me murmure : « Je crois que je le connais. Je me demande si ce n’est pas l’un de mes patients… ». C’était juste… Gérard Depardieu ! Ce genre d’anecdote remet les pendules à leur… place comme dirait Johnny Hallyday (rires). Mais mon rendez-vous de théâtre le plus magique, c’est avec Beno Besson.

EN : Dans Qui sait tout et gros beta... Avez-vous des souvenirs de travail avec Beno Besson. Comment vous guidait-il ?

MC : Beno refusait toute psychologie. Il savait exactement ce qu’il voulait et dirigeait à l’intonation. Dans un premier temps, c’est très troublant, voire inconfortable. Et pourtant, c’est dans cette contrainte que l’on parvient à trouver un espace de liberté. Inutile alors de trouver les mots pour dire quelque chose. Il faut juste suivre la musicalité de son personnage. Beno Besson n’était pas toujours tendre et ne fonctionnait pas à l’affectif. Mais quel metteur en scène ! Mon bonheur était redoublé car mon rôle faisait rire le public…

EN : … Du théâtre de la Porte Saint-Martin, l’une des plus grandes salles à l’italienne de Paris. Les rires que le public vous renvoie doivent être comme un flot d’amour…

MC : Énorme ! En plus, nous chantions.

EN : Le chant fait partie de votre vie car vous faites alors partie du groupe Voices dirigé par Amy Lavietes. Aujourd’hui, vous chantez du lyrique avec Véronique Bicherey et vous venez aussi d’interpréter le générique d’un documentaire A la poursuite du bonheur réalisé pour Canal + par Sylvain Bergère. Qu’est-ce que vous apporte le chant par rapport à la comédie ?...

MC : Qu’est-ce qu’il m’apporte ? Vaste question… Le bonheur, le bien être, la lévitation. C’est-à-dire la libération d’un grand nombre d’émotions. Lorsque je sors d’un cours de chant, c’est comme après une séance avec un psy, mais la douleur en moins !

EN : Vous faites partie de ces comédiennes qui passent du cinéma au théâtre, mais aussi par la télévision. C’est ce que j’appelle faire le cabri !

MC : Moi, c’est ce que j’appelle faire son métier ! (rires)

EN : Avant d’aborder la longue aventure d’Avocats et associés, vous tournez plusieurs téléfilms dont Un conte de deux villes de Philippe Monnier avec James Wilby, le Maurice de James Ivory. Vous jouez en anglais et périssez sur l’échafaud…

MC : Oui, je joue une victime désignée. Pour une fois, ni vulgaire, ni idiote, ni mauvaise. Un régal ! Les journaux anglais parlent alors de moi et je songe sérieusement à m’installer à Londres. Mais ma vie privée a voulu que je reste à Paris… Je joue une seconde fois en anglais dans une comédie Last Tangle in Paris aux côtés de Judge Reinhold, l’acolyte d’Eddy Murphie dans Le flic de beverly Hills. J’incarnais sa maîtresse. Mes scènes avec Judge étaient toutes intimes. C’est un bon vivant et nous sympathisons très vite. Dans une scène de lit, je dois l’embrasser fougueusement et ensuite, il me saute dessus. Nous répétons. Judge, discrètement, me prend à part. Embarrassé, il me dit : « Chez nous quand on embrasse, on ne met pas la langue… ». J’avais une de ces hontes. Moi, je m’étais donnée à fond !

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