(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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La comédie humaine. Vêtue de noir, elle est lovée dans l’angle d’un canapé bleu nuit. Chez elle, dans le quartier Bastille. Si Muriel Combeau est avant tout pour les téléspectateurs la chic et ferme Gladys Dupré d’Avocats et associés, elle joue aussi régulièrement au cinéma et au théâtre. Je regarde son front bombé, la lumière trouble de son regard, son petit nez adorable et ses taches de rousseur qui retiennent l’enfance. Muriel possède la fantaisie débridée de Claudette Colbert et le romantisme félin de Simone Simon. À coup sûr, Jacques Tourneur (La féline) ou Robert Wise (La malédiction des hommes léopard) l’auraient aimée dans leur cinéma modeste d’épouvante des années 1940. En la rencontrant, je souhaite brosser le portrait d’une comédienne qui vit de son métier depuis près de vingt ans. Pas une star, mais une actrice s’exprimant sans langue de bois, avec un sens de l’humour qui replace les expériences à leur juste distance. Muriel Combeau ou la comédie humaine, très humaine… |
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EN : Avec Frédéric Gorny, vous formiez un couple parfait. Votre jeu ressemblait à de la dentelle. Vous étiez comme un frère et une sœur de comédie. Un peu des enfants terribles à la Cocteau...
MC : C’est vrai qu’on fonctionnait bien tous les deux. Gladys Dupré a été un beau cadeau. J’ai pris beaucoup de plaisir à l’incarner. Jamais, je n’ai souhaité l’humaniser. J’ai toujours assumé sa méchanceté, et c’était jubilatoire à interpréter ! Je ne crois pas qu’il faut essayer de sauver un personnage antipathique. Au contraire, c’est en allant à fond dans ses travers que naît son humanité. Autant j’aime la psychologie dans la vie, autant je la fuis dans la fiction. Les acteurs qui me touchent sont à mes yeux des animaux. Ils ont bien ruminé leur rôle avant et arrivent sur le plateau sans volonté d’explication. Dans un scénario bien écrit, un acteur n’a pas à justifier son interprétation.
EN : En 2004, avec la comédienne Nathalie Lévy Lang, vous écrivez votre première pièce : Parce que ça vole. D’où vient ce désir d’écrire ?...
MC : À l’époque, Nathalie est une amie que je vois souvent. Nous buvons des litres de thé, nous refaisons le monde. On se plaint des propositions qui ne viennent pas. Un soir, lors d’un dîner, mon mari nous lance : « Au lieu de vous lamenter, écrivez donc les filles ! ». Nous avons cessé de refaire le monde, et nous nous sommes mises au travail.
EN : Comment fonctionne votre tandem ?
MC : Aucune de nous deux n’a de recette. Avec Nathalie, nous n’avons pas d’ego d’auteur, ni de susceptibilité mal placée. Nous n’acceptons que les idées qui séduisent les deux. Tous les mots de nos pièces sont validés par les deux. Totalement.
EN : Et vous ne lâchez pas l’écriture pendant deux ans. Je crois à la chance du débutant. Parce que ça vole est représenté immédiatement au théâtre de La Pépinière Opéra. Qu’est-ce que l’on ressent lorsque l’on joue son propre texte sur scène ?
MC : Une émotion incroyable d’autant plus que c’est une comédie. Les rires du public, les acteurs qui s’approprient les personnages que nous avons construits pendant deux ans dans nos têtes. Quand le tout fonctionne, c’est l’extase !
EN : Et vous avez écrit depuis une seconde pièce, Inséparables ! , qui ne saurait tarder à voir le jour sur une scène parisienne.
MC : Plus un court-métrage et nous commençons l’écriture d’un long avec Nathalie. Je n’envisage pas de ne plus écrire. Attendre uniquement les propositions, c’est terminé.
EN : Si je possédais une baguette magique et que je pouvais exaucer vos souhaits, quelle expérience de comédie vous séduirait particulièrement ?
MC : Tourner avec Jacques Audiard ou… Lars Von Trier ! C’est ça, j’adorerais tourner dans l’esprit du dogme. Chaque comédien serait logé à la même enseigne, sans hiérarchie. On serait en plein dans le travail, la matière. Un peu comme au théâtre pendant les répétitions… Voilà, œuvrer ensemble dans un esprit artisanal, artistiquement satisfaisant.
(Dans cet élan passionné, Muriel Combeau pudique se ravise. Son oeil se teinte de dérision, et elle lance en riant.)
Sinon… Je veux qu’on me désire le plus possible, et après je choisis !
Benoit
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