Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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Actrice à trois ans dans La femme qui pleure de son père Jacques, puis directrice de casting (Petits frères), assistante réalisatrice (Carrément à l’ouest, L’auberge espagnole …) et finalement scénariste et réalisatrice (plusieurs courts métrages avant le premier long : Et toi, t’es sur qui ?), Lola Doillon peut se vanter de connaître les dessous de la création cinématographique. Pourtant, la jeune femme ne se vante de rien, avoue au contraire son impression d’avoir encore beaucoup à accomplir et respire simplement la joie de vivre et de travailler dans le domaine qu’elle aime. Présidente du jury jeunes chargé de décerner deux prix lors du Festival des Scénaristes de Bourges, elle se dit contente de voir enfin reconnue une profession trop souvent oubliée, mais dans laquelle elle refuse de s’inclure.
Ecran Noir : Comment se passe votre expérience de présidente du jury jeunes ?





Lola Doillon : C’est la première fois que je fais ça. Je pensais que ce serait crevant… mais en fait c’est excitant ! C’est très intéressant de voir comment chacun trouve un sujet, avec plus ou moins d’originalité, comment tout ça se place… Certains écrivent bien mais ce ne sont pas forcément les mêmes qui sont originaux. Il faut être capable de tout regrouper : l’écriture, le sujet, l’originalité… Ca m’a beaucoup appris.

EN : Et avec les lycéens qui composent les membres de votre jury ?

LD : On a regardé comment on pouvait se regrouper autour des histoires. Finalement, on s’est retrouvé autour des 5 ou 6 mêmes scénarios. Comme quoi ce n’est pas une question d’âge. Quand ça fonctionne, ça n’a rien à voir avec votre âge ou votre habitude des scénarios, c’est juste évident.

EN : Comment percevez-vous ce festival consacré aux scénaristes ?

LD : Je trouve ça génial ! En France, la place du scénariste est toujours compliquée, à cause de la notion d’auteur. On a souvent l’habitude que ce soit le réalisateur qui écrit, or ce sont deux métiers totalement différents. Je trouve que c’est important de le montrer, de faire ressortir la place du scénariste et de le mettre en lumière.

EN : Vous aussi, vous êtes une réalisatrice qui écrit…

LD : Je ne me sens pas scénariste. Je ne sais pas écrire comme un scénariste, faire un séquencier… Je note mes idées au feeling, j’ai des scènes dans la tête, des images, et ensuite j’écris des séquences (dans le désordre), j’essaie des trucs... Je suis quelqu’un qui a besoin du regard des autres donc je fais beaucoup lire ce que j’écris et je construis mon scénario en fonction des retours. C’est comme au montage, j’ai absolument besoin d’un regard extérieur, de quelqu’un qui structure.

EN : Est-ce un processus douloureux ?

LD : Non, mais il y a des étapes douloureuses, comme lorsqu’il faut tout reprendre à zéro. C’est pénible ! Ca paraît sans fin… Et puis, à un moment, il faut tourner, sinon on n’arrête plus de réécrire. Et moi, j’adore le tournage.

EN : Pourriez-vous tourner un film dont vous n’auriez pas écrit le scénario ?

LD : Je ne suis pas sûre d’être assez bonne technicienne pour le moment… Mais s’il y avait un véritable coup de cœur, pourquoi pas ? C’est plus facile d’écrire en pensant déjà au tournage, d’avoir quelque chose à soi. J’ai encore beaucoup de travail à faire !

EN : Parlez-nous de votre premier long, Et toi, t’es sur qui ? ? Pourquoi écrire un film sur les amours adolescentes ?

LD : Je ne sais pas pourquoi mais j’avais envie de parler d’eux. J’aime bien les ados, j’ai pas mal travaillé avec des enfants sur les tournages… Souvent, on ne les considère pas assez comme des personnes à part entière. Ils ont leur mode, leur musique, leur culture, ils donnent les tendances, mais on les montre toujours de façon caricaturale. J’avais envie d’essayer de les montrer comme de vrais individus qui peuvent être touchants ou tristes. Montrer qu’ils ne sont pas ridicules de réagir comme ça. Ils vivent les choses intensément.

EN : Comment avoir trouvé le ton juste pour parler de cette adolescence-là, si propre à l’époque ?

LD : Les histoires entre adolescents, c’est éternel : amoureux, plus amoureux, "meilleurs amis"… Ce qui change, ce sont les manières de se parler. Le "chat" par internet a remplacé le téléphone. Et puis tout va quinze fois plus rapidement, c’est plus facile de savoir où trouver les gens… Au moment du casting, j’ai beaucoup écouté les acteurs, je me suis imprégnée de leur manière de parler. Ce n’était pas l’histoire qui était importante mais les rapports humains qu’elle révélait.

EN : Vous travaillez sur votre prochain long métrage : est-ce que ce qu’on dit est vrai, que le 2e est toujours plus difficile à faire que le premier ?

LD : C’est souvent plus difficile parce que l’on a plus d’ambition. Moi, pas trop, car j’ai très envie de faire le 3e ! Je travaille sur un drame en huis-clos mettant en scène deux personnages… On tourne en juin, mais si on avait plus de temps, je crois que le film ne serait pas très compliqué à monter.

EN : Quels conseils aimeriez-vous donner aux jeunes scénaristes présents à Bourges ?

LD : Je ne connais pas bien la position du scénariste en France, mais je sais qu’il est mal reconnu. C’est compliqué d’être scénariste… à part en télé, où ça marche mieux. Quoiqu’il en soit, même si ce n’est pas évident, il faut persévérer !


   MpM