(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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En lui confiant le rôle d’invitée d’honneur de sa 12e édition, le Festival des Scénaristes a eu le nez fin : Pascale Ferran adore parler de son travail et de comment s’élabore un scénario. Même si sa réponse préférée est "il n’y a pas de règles", la réalisatrice-scénariste césarisée pour Lady Chatterley a offert aux festivaliers berruyers des propos intelligibles et intelligents sur cette étape toujours un peu mystérieuse de la genèse d’un film. Entre transmission et partage, rencontre avec une passionnée passionnante. |
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EN : Vous avez l’habitude de travailler avec des coscénaristes, qu’est-ce que cela vous apporte ?
PF : Tout, car je suis incapable de travailler seule !
EN : Comment vous répartissez-vous le travail ?
PF : Ce n’est pas du tout systématique, ça dépend des projets et des scénaristes qui sont en face de moi, de nos points forts et faibles mutuels ressentis. Je me sens plus forte en structure que pour écrire des scènes, mais des fois ce sont simplement des inhibitions. Dans Petits arrangements avec les morts et L’âge des possibles, les grandes scènes de dialogues ne sont pas de moi, par exemple. Pierre [Trividic, avec qui elle a collaboré à plusieurs reprises] est fort en structure, lui-aussi, donc on se fait plutôt la courte-échelle.
EN : Vous connaissez également l’envers du décor : écrire pour quelqu’un d’autre…
PF : Il y a deux grands cas de figure : les scénaristes qui écrivent une grande partie du film, voire la totalité, en s’appuyant sur le désir du réalisateur, ce qui représente un travail de création très important. Et puis il y a le travail de coscénariste qui est presque un accouchement, une manière d’aider le réalisateur à aller là où il veut aller. Moi, j’ai travaillé avec des réalisateurs [Mathieu Amalric, Arnaud Desplechin, Jean-Pierre Limosin] qui ont un point de vue très fort parce que je me sentais meilleure dans cet accompagnement. Les réalisateurs ont besoin que le coscénariste fournisse du contenu, mais aussi qu’il soit dans une grande proximité, qu’il renvoie la balle. Parfois, il faut aussi se séparer pour avancer en parallèle : ainsi, en ce moment, je travaille sur un personnage particulier de mon nouveau scénario pendant que mon coscénariste travaille sur un déroulé complet. Dans quinze jours, sûrement qu’on changera…
EN : Aimeriez-vous "zapper" cette phase d’écriture et réaliser un film entièrement écrit par quelqu’un d’autre ?
PF : A la seule condition qu’il y ait un coup de foudre si évident que je puisse en faire une réappropriation intime. Que le scénario soit en phase avec mon désir de cinéma, ma vision du monde, des enjeux cinématographiques qui m’interpellent. Sinon, je n’en suis pas capable. Si je ne ressens pas la nécessité profonde de raconter cette histoire-là de cette façon-là, alors je ne sais pas où mettre la caméra. C’est également la raison pour laquelle je tourne assez peu. Il me semble donc que le pourcentage de chance pour que cela arrive est assez minime, mais pas beaucoup plus faible que pour une adaptation de roman.
EN : Et le contraire serait-il possible… ?
PF : Vous voulez dire, un scénario conçu pour moi, le donner à quelqu’un d’autre ? Plutôt mourir ! Cela n’a rien à voir avec le fait d’écrire pour quelqu’un, l’aider à aller jusqu’au bout de son rêve, tout lui donner… C’est un grand plaisir, j’aimais beaucoup ça. Mais face à son propre désir, c’est une autre paire de manches. Les questions de mise en scène, ce que l’on cherche à atteindre à l’écran : ce sont les questions premières à l’écriture. C’est une responsabilité non partageable. Ou alors, si un projet ne se fait pas, ça peut s’envisager… quinze ans après.
En : Diriez-vous que la phase d’écriture est une souffrance par rapport au tournage ?
PF : Il y a du plaisir et de la souffrance — enfin, souffrance : le mot est trop fort, plutôt des difficultés, des doutes…— à chaque étape. Mais il n’est pas question que j’en abandonne une ! Le rapport avec les comédiens ou la musique est lui aussi passionnant, quoique sur des régimes très différents. On n’est pas dans le même rapport au monde quand on écrit et lorsqu’on se retrouve dans le tourbillon du tournage, avec plein de collaborateurs. Mais j’aime beaucoup cette variation.
MpM
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