(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Le 104 est un nouveau lieu. Un établissement insolite : de la culture éphémère dans un environnement social précaire. Ouvert depuis moins d'un an, cet espace pluridisciplinaire, du cinéma à l'écriture en passant par les arts plastiques. Rencontre avec Frédéric Fisbach, chef d'orchestre de ces pompes funèbres métamorphosées en résidence d'artistes. |
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EN : Vous venez du théâtre. Est-ce un atout, justement, pour « mettre en scène » un tel espace dédié à la déambulation, à la participation, à l’échange ?
FF : On s’en sert et pour tout vous dire on se sent très bien. Nous n’avons pratiquement pas changé de métier dans la mesure ou l’on continue à mettre en scène le passage. La mise en scène est un art du rapport y compris pour les réalisateurs. Rapport avec les gens, entre les choses, entre les gens et les œuvres. Nous allons travailler prochainement avec le plasticien japonais Tadashi Kawamata sur des espaces de replis.
EN : Quelle est la place du 7e art dans une structure comme le 104 ?
FF : En réalité, sa place est très importante même si on ne l’avait pas prévu au départ. Mais étant né au vingtième siècle, forcément, on ne peut nier l’omniprésence de l’image. Sa place est double, soit à travers le cinéma lui-même, soit à travers la vidéo. La frontière est de plus en plus ténue entre les deux formes d’expression et les artistes comme Steve Mac Queen (Hunger) ou Julian Schnabel (le Scaphandre et le papillon), plasticiens et vidéastes de formation, ont réussi une incursion magistrale au cinéma. De fait il est présent. Et puis on s’est rendu compte que ce sont les gens de cinéma qui ont le mieux compris le potentiel d’un tel lieu. Aujourd’hui Flore Albert et Laurent Rocque développent un projet qu’ils vont tourner dans le quartier. Ils sont venus vers nous parce qu’il voulaient continuer à écrire leur scénario autour de la consommation de crack.
EN : Il s’agit d’un documentaire ?
FF : Non, il s’agit d’une vraie fiction qui n’hésite pas à chercher sa substance dans le réel. Par ailleurs, je signale la présence de Lech Kowalski, documentariste qui a réalisé DOA, film culte sur l’unique tournée des Sex Pistols aux Etats-Unis en 1978. En ce moment il travaille sur le projet Camera War, sorte de réflexion sur la diffusion. Toutes les semaines il met en ligne sur le site camera.tv un module prenant la forme d’un film chapitre constituant, au final, son documentaire.
EN : Venons-en à la programmation du 104. Imposez-vous des freins sur les genres, les formats et les thématiques proposés ?
FF : Non, il n’y a aucun frein. A partir du moment où les artistes jouent le jeu, c'est-à-dire qu’ils acceptent de venir longtemps afin de rencontrer le public de quelque manière que se soit, et bien ils sont les bienvenus. Nous avons accueilli un metteur en scène comme Claude Régy. Ce n’est pas quelqu’un qui, a priori, rencontre le public. Il s’agit d’un artiste passionnant, exigeant et qui n’ouvre pas ses répétitions. Il n’a pas ouvert ses répétitions, on ne lui a pas demandé d’ailleurs, mais nous avons trouvé des solutions pour qu’il aille à la rencontre du public. Le 104 est un lieu de brassage non seulement entre les arts, entre les générations et entre les niveaux de reconnaissance. On doit accueillir des gens reconnus mais aussi ceux qui démarrent. Pour parler des réalisateurs, signalons la présence de Claire Burger, monteuse de formation (école de la FEMIS) qui vient de gagner un prix à Clermont pour son court-métrage C’est gratuit pour les filles (co-réalisée avec Marie Amachoukeli) dernièrement projeté à Cannes dans le cadre la semaine de la critique section court-métrage. En ce moment la fiction vient souvent soutenir le documentaire, en tout cas au cinéma, car à la télévision le documentaire est formaté. D’ailleurs les documentaristes s’intéressent de plus en plus à la fiction afin de réfléchir à d’autres formes d’expression.
EN : Le recours à l’image est à la fois multiple et présent dans beaucoup d’ateliers du 104. Est-ce surprenant ?
FF : C’est vrai, l’image est partout. D’ailleurs nous nous sommes posés la question : quelle image ? Avec Robert Cantarella nous avons travaillé au côté de Marie-José Mondzain, spécialiste de la question. Il en ressort que beaucoup d’artistes ont recours à l’image soit comme finalité soit comme moyen de travail. En effet, beaucoup d’artistes programment les films importants pour eux et les diffusent.
EN : C’est donc un outil de promotion…
FF : Oui, en tout cas il y a une donnée très concrète : le matériel technique le plus demandé au 104 est le vidéoprojecteur !
EN : Pouvez-vous nous dire deux mots sur le projet social appelé le Cinq. Peut-il rentrer dans le cadre d’un travail cinématographique ?
FF : Le projet social est global comme vous l’avez dit tout à l’heure. D’ailleurs le 104 est en lui-même un projet social et politique. Nous avons une politique de gratuité c'est-à-dire que pratiquement tout ce qui est proposé au 104 est accessible au public gratuitement. C’est important de le signaler. Le Cinq est un des fers de lance de cette politique au même titre que la maison des petits, lieu d’accueil pour les enfants.
EN : En somme il s’agit de faire participer les habitants du quartier…
FF : Le Cinq est un lieu pour les pratiques amateurs. Pour l’instant il n’y a pas vraiment de vidéaste amateur mais cela pourrait arriver. Un exemple. Lors de l’inauguration du Cinq, nous avons fait appel à des artistes qui ont travaillé sur des clips, des diaporamas et des images issues de portables. C’était pour souligner que l’image est aussi dans nos portable et que les gens, qu’ils soient pro ou amateurs, ont un rapport avec cette image de l’instant. Si l’image est un moyen d’accès à la culture évident, notre politique sociale ne passe pas que par l’image.
Nous avons une réelle responsabilité car si l’image est porteuse de sens, nous restons très attachés à l’écrit, au mot, à ce qu’il se lit, à la littérature. D’ailleurs le premier commerce qui s’est ouvert au 104 est la librairie.
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