Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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BLOW OUT

"Un film que l’on entend mal est un film qui se voit mal." Pierre Lenoir, ingénieur du son, huit fois nommé et deux fois primé aux César, serait le dernier à renier cette phrase de François Truffaut. Pour évoquer le parcours de cet artiste nommé Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres en 2008, un décor à son image s’imposait. Un bar de grand hôtel parisien, discret, raffiné, non ostentatoire. Pendant la conversation, des portraits d’acteurs se sont calqués sur les filmographies de grands cinéastes : Catherine Deneuve, Satyajit Ray, Jean Rochefort, Alain Resnais… Parfois, à l’évocation de Romy Schneider, Claude Sautet et de Trésor, le dernier tournage de Claude Berri, la voix de mon invité s’est étranglée, ses mains se sont animées avant que sa pudeur ne reprenne ses droits. Mais chut, ouvrez grand vos oreilles. Pierre Lenoir va parler…

EN : Vous vous souvenez de votre premier tournage ?

PL : Quelques mois après ma sortie de l’IDHEC, une amie m’apprend que François Truffaut tourne Baisers volés dans les locaux de l’Ecole Louis-Lumière. Je me rends sur le plateau. Me fais tout petit, mais parviens quand même à entrer en contact avec l’ingénieur du son et son perchman. Celui-ci m’apprend que Jean Baronnet recherche un assistant pour le premier film d’un certain Philippe Garrel, alors inconnu. Je lui donne mes coordonnées. Trois jours plus tard, Jean Baronnet m’appelle. Je deviens son assistant, et nous tournons deux films coup sur coup.

EN : Jean Baronnet a été ingénieur du son avant de devenir réalisateur. Au son, on lui doit entre autres Manon 70 de Jean Aurel et surtout Un homme et une femme de Claude Lelouch.

PL : Début 1969, Jean décide d’arrêter le son pour passer à la réalisation. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés avec Catherine Deneuve aux Etats-Unis. Puis, de fil en aiguille, j’ai enchaîné les films.

EN : François Truffaut vous a porté bonheur !

PL : Oui, à quoi tient la chance ?...

EN : A une visite impromptue sur un tournage où l’on vole des baisers ! (rires) Quelle est la qualité obligatoire d’un ingénieur du son sur un plateau de cinéma ?

PL : La discrétion, je pense. L’ingénieur du son est souvent un peu en retrait sur un plateau. Il peut profiter du combo, le moniteur de contrôle, pour voir si la séquence est bonne. Cela lui permet de se rapprocher de l’équipe formée par le réalisateur et la scripte. Quand c’est Claude Chabrol et sa femme Aurore, cette promiscuité est drôle et très sympathique. Cela dit, je préfère toujours assister à une prise en direct…

EN : Pourquoi ?

PL : Par exemple, si un comédien passe d’une pièce à une autre, il faut au préalable placer plusieurs micros sur son trajet pour enregistrer la totalité de son parcours. Se référer alors uniquement à l’écran de contrôle peut être trompeur car il ne traduit pas la réalité des distances en fonction des focales choisies.

EN : Vous êtes comme certains comédiens qui déplorent que l’équipe technique s’agglutine derrière le combo pendant une prise. Il leur manquent les premiers spectateurs autour d’eux. Cette énergie physique et collective qui aide les comédiens à se jeter dans l’arène au moment du mot « action » ou « moteur »…

PL : Absolument. D’une façon intuitive, on perçoit très vite quand un comédien est en difficulté pendant une scène, s’il va avoir des problèmes avec son texte ou un trou de mémoire. Cette interaction d’énergies est passionnante.

EN : Comment répétez-vous la scène avec un comédien pour que le son d’une prise soit correct ?

PL : Certains réalisateurs, pour ne pas gaspiller de la pellicule et être le plus précis possible, optent pour des répétitions comme au théâtre. D’autres metteurs en scène préfèrent tourner à l’instinct, sans préparation particulière. L’avènement du numérique favorise ce style de démarche. Avec mon fidèle perchman Denis Carquin…

EN : Vous êtes ensemble, si j’ose dire, depuis Le retour à la bien-aimée de Jean- François Adam en 1978…

PL : Oui, un vieux couple de cinéma ! (rires) Avec lui, nous nous positionnons, lors de la préparation lumière de la prise, pour rendre la perche invisible. Nous réglons aussi le nombre de micros en fonction des déplacements des acteurs et de la caméra. En cas de besoin, nous dissimulons des micros HF dans les costumes des acteurs en prenant bien soin d’éviter tout frottement. Si un acteur est à gauche et son partenaire à droite dans un plan, il faut savoir orienter le son en posant précisément les micros. Si le metteur en scène change les positions de la scène, il faut alors déplacer les micros. Quand le tournage se fait à deux caméras, cela devient vite un imbroglio. Des difficultés sonores surgissent aussi lorsque les champs contre-champs sont en plan large et en plan serré. Bref, vous l’aurez compris, je suis loin d’être un fervent défenseur de la réalisation à deux caméras.
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