(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Habitué de Cannes, plusieurs fois nommé aux Oscar, Stephen Frears se distingue de ses collègues Ken Loach et Mike Keigh (auxquels il est souvent comparé) par une œuvre éclectique et variée dépassant très largement le cadre d’un cinéma social ou réaliste. Après l’immense succès de The queen en 2006, et un passage par Colette avec Chérien 2009, il présentait cette année à Cannes (hors compétition) l’adaptation du roman graphique de Posy Simmonds, Tamara Drewe. Une comédie "sexy et drôle" qui se déroule à la campagne et n’oublie pas d’égratigner un certain milieu artistique enfermé dans ses carcans. Rencontre avec un réalisateur brillant qui, visiblement, préfère faire des films que d'en parler... |
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EN : Vos derniers films (celui-ci inclus) étaient sur des femmes, mais pas n’importe quel genre de femmes. Des femmes indépendantes, qui se battent contre les conventions. Je pense à The queen, Mrs Henderson presents, Chéri… Qu’aimez-vous dans ces personnages ?
SF : Ce sont des femmes de caractère, et je n’en connais pas d’autre sorte. Ma mère, ma femme, ma fille : ce sont des femmes très fortes. Je n’en connais de pas de faibles. Peut-être qu’un jour j’en rencontrerai une.
EN : Cela vous donnerait envie de faire un film sur elle ?
SF : Je serais très surpris.
EN : Vous avez fait des films très différents, essayant un peu tous les genres. Y en a-t-il encore un que vous auriez envie d’essayer ?
SF : Je ne fonctionne pas comme ça. Je lis quelque chose et ça me plaît ou non.
EN : Donc ça pourrait être, par exemple, de la science fiction ?
SF : C’est peu probable, mais ça pourrait être le cas, oui.
EN : Et au sujet des livres et des adaptations, pensez-vous qu’il y ait des livres qui ne soient pas adaptables ?
SF : Je ne lis pas vraiment de livres dans l’optique d’en faire des films. Je lis surtout pour le plaisir. Je me contente de rester à la maison et de lire des scripts. On m’envoie des scénarios. Je fais ceux que j’aime. Ma vie est simple !
EN : Donc il n’y a pas de livre dont vous vous dites : "tiens, celui-là, j’aimerais vraiment en faire un film ? "
SF : Non.
EN : Vous attendez simplement de recevoir des scénarios déjà écrits ?
SF : Oui. Et je prends de meilleures décisions de cette manière.
EN : Est-ce que les scénarios que vous recevez vous surprennent parfois ?
SF : Oui ! A chaque fois. Je n’ai jamais voulu faire de film sur la campagne, sur la Reine ou sur le 18e siècle ! Cela est toujours arrivé par surprise. De très belles surprises.
EN : Donc les scénaristes ont plus d’imagination…
SF Que moi ? Oui, je crois.
EN : C’est très ouvert, n’importe qui peut vous envoyer un script… Mais comment faites-vous votre choix ?
SF : Vous lisez quelque chose, vous en tombez amoureux et c’est tout. Vous ne choisissez pas. C’est le scénario qui vous choisit. Il n’y a pas de règles. On peut faire ce qu’on veut.
EN : Si quelqu’un vous envoyait un bon scénario sur la crise actuelle, seriez-vous tenté par le fait de revenir à un film plus social ?
SF : Oui, si c’est vraiment bon, pourquoi pas.
EN : Que pensez-vous de vos tout premiers films ?
SF : Je me sens gêné. Si je devais les refaire, je changerais tout. Les scénarios étaient très bons et ils le sont toujours. C’est mon travail, le problème.
EN : Qu’aimez-vous au cinéma aujourd’hui ?
SF : Ce que j’ai toujours aimé. L’intelligence, la passion, l’excitation que peut procurer un film… Je n’ai pas changé.
EN : Et le cinéma, lui, a-t-il beaucoup changé ?
SF : Oui, il a beaucoup changé. J’y trouve de moins en moins ce que j’aimais.
EN : Par exemple à Cannes, lorsque vous avez été président du jury, vous avez récompensé un film relativement radical [Quatre mois, trois semaines, deux jours]…
SF : Une histoire merveilleuse ! Radicale, originale et classique à la fois. Plus classique que radicale, à mon avis. Très moderne. Avec un excellent sens de la narration. Presque un film hollywoodien classique. En fait, je ne suis pas sûr d’être complètement d’accord avec vous sur le terme "radical".
EN : Il a été reçu comme un film radical…
SF : Oui mais vous me parlez de l’opinion d’autres gens ! Moi je ne le trouve pas radical. C’était un film très excitant, bien raconté. Hitchcock racontait des histoires de cette manière. Quand j’étais jeune, on ne faisait pas de différence entre un film "sérieux" et un film de "divertissement". Je ne suis pas vraiment d’accord sur le fait qu’il y ait une séparation. De mon point de vue, Quatre mois, trois semaines, deux jours était le meilleur thriller que j’ai vu cette année-là. C’était du divertissement populaire. Il y avait bien plus de tension qu’autre chose. Je ne comprends pas pourquoi le cinéma a été coupé en deux.
EN : Peut-être avez-vous appris la mort de Roger Diamantis, figure emblématique du cinéma "le St André des arts" ?
SF : Non, je ne savais pas. C’est triste ! La fin d’une époque…
EN : Saviez-vous qu’il a été le premier à diffuser votre premier film à Paris ?
SF : Non ? C’est vrai ? Oh, [en français] "coup de chapeau" !
MpM
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