(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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C’est à Cannes, au bar du Majestic que nous avons croisé Mathieu Amalric. Assis dans un grand fauteuil en velours, les cheveux en bataille, il prend son petit-déjeuner. Entre deux bouchées de brioche et quelques gorgées de café, il nous parle avec simplicité et humour de son 2ème long, La chose publique, présenté à la Quinzaine des réalisateurs. Un film aux mises en abyme multiples qui mélange histoire d’amour et réflexions sur la politique. S’il fait de temps à autres des incursions de l’autre côté de la caméra, Amalric n’a pas pour autant arrêté de jouer. Il est à l’affiche d’une comédie romantique des frères Larrieu, Un homme, un vrai. |
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Ecran Noir : Comment vous est venue l’idée de faire ce film ?
Mathieu Amalric : En fait, ce n’était pas mon idée. C’est une commande de Pierre Chevalier qui a lancé sur Arte une nouvelle série sur le thème « Masculin-Féminin ». Les dix films réalisés, dont celui de Catherine Breillat ont été diffusés à la télévision il y a un mois et demi. On m’a demandé de tourner en tourner en vidéo. Cela faisait partie de la commande. A partir de là, j’ai commencé à réfléchir à ce thème qui veut à la fois tout et rien dire, comme le dit Philippe dans mon film (le personnage principal, ndlr). Je me suis amusé à me noyer là dedans, à essayer de suivre les pas d’un homme peut-être trop honnête, trop obéissant à la commande, et qui, du coup, se met à tout mélanger.
E. N : Comment ce film, destiné au départ au petit écran, s’est-il retrouvé à la Quinzaine des réalisateurs ?
M. A : Ce qui s’est passé,Montres homme c’est qu’Arte a programmé le film à minuit et demi. Les producteurs n’ont pas voulu qu’il soit diffusé à la télé. Ils ont préféré le sortir en salles. Moi, j’aurais aimé qu’il passe à la télévision dans la série car c’est dans cet esprit là que je l’ai réalisé. Je suis tout de même content d’être là même si je ne m’y attendais pas. Entendre les rires des spectateurs pendant la première est pour moi la chose la plus précieuse.
E. N : Votre film s’ouvre sur une séquence amusante dans le bureau du directeur d’Arte, Jérôme Clément . Y- a-t-il derrière cette scène une volonté de moquerie de la chaîne ?
M. A : Non, pas du tout. Pour moi, cette scène, c’est du faux Arte, du Guignol. J’ai fait ce film avec un esprit potache. Je ne peux pas m’en empêcher, c’est dans ma nature ! Je ne sais pas si c’est dû au fait que je l’aie tourné en vidéo ou pas. J’étais juste en forme, quoi ! Avec l’acteur principal, Jean Quentin, on a eu envie de s’amuser.
E. N : Dans La chose publique, Philippe qui est réalisateur demande à plusieurs femmes ce qu’elles pensent de la parité. Je vous retourne la même question : y êtes vous favorable ou pas ?
M. A : J’ai beaucoup lu sur ce sujet, notamment tous les débats à l’Assemblée. La politique, ça va très vite. Une chose qui pouvait être intéressante il y a deux mois, peut être aujourd’hui complètement caduque. On a le sentiment que les lois sont en retard sur la vie, qu’elles essaient de la représenter sans y arriver. Quand on était en classe et que l’on devait élire des délégués, il y avait un garçon et une fille et on n’y pensait même pas. Le problème, c’est que ce sont surtout des hommes qui sont favorables à la loi sur la parité. Les femmes ont beaucoup plus de soucis avec ce texte que les hommes. Cette histoire de quotas leur est désagréable. Je pense qu’elle était nécessaire comme un déclencheur de débats dans notre société. Cette loi est aussi un terrain d’observation riche pour pouvoir parler des passions humaines. Ce que j’ai aimé c’est d’aller trouver des femmes dans la rue et de leur demander ce qu’évoquait, à leurs yeux, le thème masculin-féminin. Et à ce moment là, l’une d’elles a eu une réflexion assez politique. Elle a dit que Jospin n’avait peut-être pas tenu le rôle du père…
E. N : Quelles ont été vos références ?
M. A : Scènes de la vie conjugale de Bergman. Au tout début du film, une journaliste vient interviewer le couple. Cela m’a donné l’envie de travailler sur l’idée des dangers inhérents à l’exposition publique de la vie privée. Un roman de James Baldwin m’a également inspiré. C’est Harlem Quartet qui raconte plusieurs histoires d’amour. Ce livre m’a aidé à arriver à la dernière scène de mon film sur cet amour impossible entre Philippe et Julia.
E. N : On voit à plusieurs reprises des images tournées pendant les élections présidentielles de 2002, notamment de Jean-Pierre Chevènement en campagne.
M. A : Pamela Varela, une amie, a réalisé pendant trois mois un documentaire sur le monde politique au moment des élections. J’ai utilisé une petite partie de ce qu’elle a tourné. Elle a surtout suivi des femmes politiques. Le fait que Philippe soit un réalisateur m’a permis de faire rentrer dans mon film, plein de types d’images différentes. Pour moi, la vidéo c’est ça : la dualité du monde réel et le fait qu’avec de petites caméras, on peut se mettre à filmer à la maison.
E. N : Comment avez-vous choisi les acteurs ?
M. A : Je cherchais des amoureux au départ. J’avais envie de prendre des acteurs peu connus pour jouer le couple et des acteurs populaires pour incarner le maire et Danièle (l’arriviste, ndlr). Je ne fais pas de casting. Je suis juste allé voir Jean-Quentin (Chatelain) en me disant qu’il ferait un bel amoureux et en le voyant, j’ai pensé à Anne (Alvaro) pour jouer sa compagne. En parlant avec eux, j’ai découvert qu’ils se connaissaient déjà et avaient très envie de travailler ensemble. Quant à Michèle Laroque, je l’adore depuis longtemps. C’est une femme beaucoup plus libre que ce qu’on peut imaginer. Elle a adoré venir le matin sur le plateau sans savoir ce qu’elle allait faire.
E. N : On sent dans Le lit national, le film dans le film, que les acteurs semblent prendre un certain plaisir à tourner…
M. A : Il y avait deux registres dans La chose publique : cette histoire d’amour pas drôle du tout, plutôt tragique même, entre Julia et Philippe, et quand on tournait l’autre histoire, on s’amusait bien.
E. N : Avez-vous laissé place à l’improvisation pendant le tournage ?
M. A : Il y avait un dispositif très clair et très fort pour la narration de l’histoire d’amour. En revanche, pour Le lit national, il n’y avait pas une ligne d’écrite. Il fallait que je trouve quelque chose au dernier moment. Mais, ce n’était pas improvisé car j’aime beaucoup les choses assez rythmées. Le comique demande un grand travail sur le rythme.
E. N : Etes-vous plutôt directif avec vos acteurs ?
M. A : Oui, car j’ai la chance d’être aussi acteur et je sais que l’on aime bien être pris par la main. Par exemple pour la scène où Jean-Quentin et Anne sont en train de s’auto-filmer, Jean-Quentin allumait et éteignait la caméra à la fin des prises, c’est assez technique. Il fallait qu’Anne sache si elle devait montrer dans son jeu qu’elle savait qu’elle était filmée ou pas…
E. N : Vous n’avez pas eu envie de vous donner un rôle. Pourquoi ?
M. A : Je l’avais fait dans un court-métrage. Mais c’est tellement plus amusant d’essayer de faire du spectacle, de s’adresser aux autres. Ma vie, c’est de faire des films comme réalisateur mais je continuerai à être acteur tant que durera l’imposture ! J’adore jouer. Là, je viens de tourner le film des frères Larrieu, Un homme un vrai. C’est une pure merveille je crois.
E. N : De quoi parle-t-il ?
MA : C’est une comédie romanesque qui se passe à la montagne et qui raconte l’histoire de la rencontre d’un homme et d’une femme, de leur rupture, puis de leurs retrouvailles. Je tiens le rôle principal : celui de l’homme, du vrai !
E. N : Vous devez aussi tourner dans le dernier film d’Arnaud Desplechin, Rois et reine.
M. A : Ca y est, je suis dedans en moment. C’est émouvant de retrouver huit ans après l’équipe de Comment je me suis disputé…(ma vie sexuelle) : le même réalisateur, chef opérateur et électro, et Emmanuelle Devos, même si je n’ai avec elle qu’une seule scène en commun.
E. N : Avez-vous un nouveau projet de scénario ?
M. A : Je viens de commencer à écrire quelques pages d’un film qui devrait être financé par les producteurs de La chose publique, Les films du Poisson.
vanessa
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