Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24



Everyone's going to die, premier film fauché mais bourré d'énergie, met en scène deux personnages à la dérive, qu'une rencontre va lancer dans un soudain processus de remise en questions. Une comédie souvent décalée qui porte sur la Grande Bretagne contemporaine un regard auquel on n'est pas tellement habitué.

Signé "Jones", le film est réalisé par un duo de réalisateurs londoniens qui a auparavant fait ses armes dans la publicité. Mais qui est vraiment Jones ?



EN : Le personnage de Melanie peut être parfois énervant car elle fait toujours ce que les autres (sa belle-sœur, son amie, sa nièce) lui disent de faire. Mais, en même temps, elle est celle qui est lucide à propos d'elle-même. Elle a un grand sens de l'auto-dérision. Elle change les choses au final. Comment avez-vous imaginé ce personnage, et le duo qu'elle forme avec Ray ?

Jones : Oui, elle est coincée. Et parfois vous avez besoin de quelqu'un pour vous relancer, même si vous savez en réalité quelle est la bonne chose à faire. Très souvent, ce n'est pas une question de conseil pour changer de style de vie. Quasiment personne n'écoute effectivement les conseils. Parfois la chose la plus utile qu'une personne peut être pour vous, c’est un miroir.

Ray offre à Melanie un point de vue sur elle-même. Elle jette un regard sur elle-même à travers ses yeux à lui, et voit une situation qui n'a aucun sens. Ainsi, étant une personne brillante, elle n'a pas d'autre choix que de changer cette situation.

Leurs deux personnages sont nés de l’idée que la plupart des gens sont honnêtes, qu’ils font de leur mieux, et que la vie est juste dure. Donc vous finissez dans des lieux dans lesquels vous n'auriez jamais pensé être. Le plus grand compliment que quelqu'un pourrait nous faire serait de dire que nos personnages se comportent comme des gens, et non comme des personnages. Ce qui signifie que parfois vous et votre situation ne s'additionnent pas. Tout le monde n'a pas la cohérence d'un « personnage ». La vérité est plus compliquée que ça.

Donc nous voulions faire un film à propos de 2 personnes bien au départ qui ont fini dans des endroits qu'ils ne souhaitaient pas, et sur leur entraide pour en sortir. Nous avons cette idée que l'adversaire dans nos films serait la vie.

EN : C’est souvent difficile de trouver l’argent nécessaire pour réaliser un premier film, de convaincre un producteur, etc. Comment avez-vous fait ? Et au final, comment avez-vous réussi à tourner le film pour si peu d’argent ?

Jones : Cette question nécessiterait une réponse longue comme un roman. Mais, la version courte, c’est que nous avons réuni de l’argent privé en demandant une petite somme d’argent à un grand nombre de personnes, et en étant honnêtes avec eux sur le fait que nous ne pouvions pas leur garantir qu’on leur rendrait, mais qu’on ferait vraiment de notre mieux.

On leur a donc présenté notre projet comme des entrepreneurs qui ont un projet cool, plutôt qu’en leur faisant miroiter du glamour et l’Oscar au bout du chemin ! Beaucoup ont parié sur nous plutôt que sur le film en lui-même. C’est incroyable comme les gens peuvent être motivés pour vous aider quand ils croient en vous. Le tourner en aussi peu de temps n’a pu fonctionner que grâce aux éléments suivants : de supers acteurs, une équipe exceptionnelle, un cuisinier qui préparait des repas sains et pas chers pour tout le monde, une bonne caméra. Il ne s’agit pas seulement de l’apparence, mais du temps qu’on ne perd pas à essayer de comprendre pourquoi ça ne va pas.

EN : Que pensez-vous du fait que le cinéma britannique est connu hors de la Grande-Bretagne à travers Ken Loach ou Mike Leigh, soit des films très « sociaux » ? Est-ce plus un désavantage ou un défi pour vous ?

Jones : Nous sommes conscients de cette réputation, et c’est compréhensible puisqu'il y a tant de réalisateurs britanniques brillants travaillant dans ce genre, aujourd’hui encore avec Lynne Ramsay, Andrea Arnold, Clio Barnard,...

Avoir fait quelque chose qui soit très différent de ça a été en gros un avantage avec le public et un inconvénient avec l'industrie.

Les spectateurs semblent aimer que le film soit inhabituel. Les distributeurs, par exemple, spécialement au Royaume-Uni, ne savent pas où le classer dans la mesure où il n'y a pas déjà plusieurs exemples de ce genre de chose. Ou c'est l'impression que cela donne. On nous demande souvent de quel genre nous pensons qu'il s'agit, ce qui est étrange lorsque c’est après avoir vu le film... Nous comprenons bien que les genres sont de bons outils marketing mais il nous semble aussi qu'il existe un public de taille respectable qui est attiré par les films dont le genre est de ne pas avoir de genre. Presque tous les réalisateurs que nous avons cités précédemment s'appuient sur ce public.

Ainsi, encore une fois, peut-être que le problème avec Everyone is Going To Die est qu'il ne leur plait pas et qu'ils ne nous le diront pas ! Il va sortir en France, en Amérique latine et aux Etats-Unis avant le Royaume-Uni, ce que nous n'attendions pas. Mais, Dieu merci – et nous disons ça avec une vraie sincérité – il existe des gens comme Michele Halberstadt et Laurent Petin chez ARP, qui regardent les films d'abord avec leur cœur et ensuite avec leur tête. Parler de films avec eux est comme parler avec un cinéphile et non un responsable marketing. Ce que nous essayons de dire, c'est Vive La France (NDT : en français dans le texte).


   MpM

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