(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Au Festival du film britannique de Dinard, Calvary était un des événements: le film a beau être irlandais, il porte en lui un humour très british autour d'un drame qui évoque la religion, l'âme humaine et les mutations d'un pays. En Irlande il a reçu les 4 prix principaux (film, scénério, réalisateur, acteur). John Michael McDonagh, sur les côtes bretonnes, revient sur ce film plus dramatique que son précédent, L'Irlandais. |
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EcranNoir : Après votre comédie policière L’Irlandais qui a été un grand succès (record de spectateurs en Irlande), Calvary aborde des thèmes plus difficiles comme la religion ou le viol…
John Michael McDonagh : C’est en effet moins drôle. Le fait que L’Irlandais ait été un grand succès, un plus grand succès qu’espéré même, cela a rendu les choses plus facile pour financer ce film Calvary. Je ne pense pas que Calvary aurait pu être fait si ça avait été mon tout premier film, c’est certain même. Pour moi Calvary aborde différents sujets dramatiques mais il y a aussi un peu un angle de comédie dans son traitement. C’était un peu plus léger d’ailleurs à l’écriture, et en le réalisant c’est devenu un peu plus sombre. C’est possible que les gens qui ont lu le scénario et m’ont apporté l’argent pour la production espéraient plus de rires. Depuis le tout début du projet, le rôle était promis à Brendan Gleeson, et comme il a contribué au succès de L’Irlandais, alors ça a grandement aidé à ce que des gens prennent le risque de financer ce second film. Je ne suis pas sûr d’ailleurs que je puisse refaire un film aussi délicat que celui-là avant un bout de temps, le prochain sera vraisemblablement plus orienté comédie.
EN : En quoi Brendan Gleeson est pour vous le meilleur acteur ?
JMM : C’est un acteur génial. J’ai eu une très bonne relation de travail avec lui sur L’Irlandais. Quand vous connaissez bien déjà une personne je dirais que c’est plus facile de retravailler avec. On peut toujours avoir des différences d’opinion sur le tournage mais pas de conflit, chacun comprend bien le point de vue de l’autre. Quand je lui avais envoyé un premier scénario de Calvary il m’a fait en retour quelques remarques dont certaines ont rendu le script meilleur. Je pense plus particulièrement aux scènes entre le prêtre et sa fille, on a développé ses scènes ensemble pour les rendre plus émotionnelles. Brendan Gleeson a été vraiment dévoué au film.
EN : On a déjà pu voir quelques films critiques envers des religieux comme par exemple The Magdalene Sisters de Perter Mullan, comment l’église catholique réagit à Calvary ?
JMM : Les commentaires de certains religieux pratiquants sont plutôt positifs, c’est plutôt surprenant. Je pense qu’ils admirent en quelque sorte la manière dont le sujet problématique du film a été abordé. Calvary n’a pas eu de réponse officielle de la part de l’Eglise. Il y a eu de nombreux scandales révélés impliquant des ecclésiastiques et je pensais d’ailleurs qu’il y aurait eu beaucoup plus de films sur ça durant ces dix dernières années. Il y a eu en effet celui de Peter Mullan et aussi plus récemment par exemple Philomena de Stephen Frears, mais finalement pas tant de films que ça au Royaume-Uni.
EN : Dans Calvary au moment de la scène de bagarre dans le bar, un personnage dit au prêtre ‘votre époque est révolue mais vous l’ignorez encore’…
JMM : En Irlande la religion catholique a perdu énormément de son influence. Mon père ne se rend plus à la messe suite aux différents scandales successifs, les gens de sa génération aussi y vont de moins en moins, et les jeunes d’aujourd’hui ne vont pas du tout à l’église. L’Irlande n’est plus du tout une société religieuse. Le problème est aussi que l’Eglise a été pendant trop longtemps trop proche du pouvoir politique, la révélation de différents scandales n'a pas seulement affaiblit l’Eglise mais a aussi provoqué un manque de confiance envers les politiciens, et la crise financière rend les choses encore pire pour eux. D’ailleurs le dernier film de Ken Loach Jimmy's Hall évoque bien ce côté anti-autorité du peuple contre une trop proche proximité entre église catholique et responsables politiques, c’est intéressant que nos films sortent la même année.
EN : Calvary montre beaucoup de personnages pêcheurs au sens biblique avec notamment un violeur en prison, un homme qui a accumulé des richesses, une femme infidèle…
JMM : Je voulais que le prêtre Brendan Gleeson doive faire face à beaucoup de personnes qui remettent en doute ses principes, et cela en plus de la menace qui pèse sur lui tout le long du film. Certains spectateurs peuvent penser qu’il s’agit d’une sorte de catalogue symbolique de plusieurs comportements désapprouvés, mais ce n’est pas ce que j’avais en tête, ils représentent avant tout les nombreux habitants de la ville. J’aime beaucoup le genre des screwball comedies des années 30 et 40 comme les films de Preston Sturges. Chaque nouvelle journée le prêtre est face à une nouvelle problèmatique.
EN : On est agréablement surpris de voir dans votre film Marie-Josée Croze qui est populaire en France
JMM : Ne le dis à personne dans lequel elle joue a été un film qui a eu un certain succès chez les britanniques, je l’avais vu aussi dans Les invasions barbares et dans Le scaphandre et le papillon. J’ai toujours aimé avoir dans mon casting des gens en provenance de divers horizons, il y a aussi Isaac de Bankolé, peut-être pour avoir le sentiment que le film en devienne plus grand. Marie-Josée Croze a trois apparitions dans le film mais son rôle est en fait plus important car son personnage a peut-être autant de foi dans l’humanité que le prêtre. J’ai beaucoup aimé travailler avec Marie-Josée et j’aimerais avoir l’occasion de recommencer, en fait je dis ça de tous mes acteurs. Je pense que réaliser un film doit être avant tout un plaisir et pas un travail pénible, et j’ai eu de la chance d’avoir tout ces talents devant ma caméra.
Kristofy
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