Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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Diego Lerman, révélé il y a plus de dix ans avec Tan de repente, appartient à la nouvelle vague argentine qui a émergé aux cours des années 2000. Résident de la ciné-fondation, puis sélectionné à Venise et Cannes, il confirme à chaque film son talent de metteur en scène et de fin observateur de la société argentine.

En 2014, il est de retour à la Quinzaine des Réalisateurs cannoises avec son nouveau long métrage, Refugiado qui aborde la question ô combien sensible des violences conjugales. Avec une pudeur et une rigueur saisissantes, il raconte à hauteur d’enfant le long calvaire d’une femme transformée en fugitive pour échapper à son compagnon maltraitant.

EN : C’était une stratégie pour laisser l’équipe dans le flou, ou n’était-elle effectivement pas écrite ?

DL : Non, elle n’était pas écrite ! Ce que j’avais envie de faire, c’était arriver à la fin du film en ayant toute l’expérience du tournage, pour que cette fin soit nourrie par ce qu’on allait traverser. A un moment donné, j’ai vu trois fins possibles et j’ai même pensé les filmer toutes les trois. Et puis finalement non, un jour je suis arrivé sur le tournage et je me suis dit, la fin, c’est celle-ci, et c’est celle que vous pouvez voir dans le film. Il faut aussi dire que c’est un film qui s’est monté très rapidement. Le tournage s’est achevé fin mars et on était à Cannes en mai. Les choix de mise en scène faisaient qu’il n’y avait pas un immense travail de montage, on a dû enlever une seule scène. Quant aux choix esthétiques, ils étaient très précis dès le début. J’ai travaillé avec un grand chef opérateur, Wojtek Staron, qui a été impliqué dès le début. Sur le tournage, on avait une doublure pour préparer tout ce qu’il y avait à voir pour la caméra et la lumière. Quand on arrivait, on faisait déjà les repérages pour la caméra, puis on installait la lumière et une fois que tout était prêt, on amenait le titulaire du rôle. Car on avait très peu de temps pour filmer…

EN : Le film joue avec les codes du thriller tout en restant tout le temps dans la suggestion.

DL : C’est vrai que j’avais vraiment réfléchi très précisément au point de vue que je voulais adopter. Mais ce qui a été vraiment prégnant pour moi, c’est la sensation que m’ont laissée ces femmes quand je les ai rencontrées. Je me suis baladé entre thriller, film de terreur, film un peu policier, et il me semblait que c’était presque plus un film de chef opérateur que de réalisateur. Ce n’était pas tant l’histoire que le genre. Le road-movie domestique, aussi.

EN : On a l’impression d’une situation inversée : c’est la victime qui doit fuir, qui n’a plus de maison, d’argent ni de travail. C’est elle qui doit vivre dans le refuge qui ressemble à une prison. Alors que son compagnon, lui, est libre de ses mouvements. La chasse à l’homme n’est pas contre le criminel, mais contre la victime.

DL : Ce qui se passe dans le film est venu de la réalité ! Et ce qui est bien, c’est que le film a eu une carrière commerciale et un véritable impact au niveau social. Il a été montré partout. On l’a projeté à des juges, à des femmes, au Congrès en Argentine, à l’ONU à New York… et ce qui était très intéressant, c’était les débats. Parfois, des femmes qui avaient elles-mêmes souffert de violences conjugales m’accompagnaient car certaines femmes qui ont de petits rôles dans le film sont des femmes que j’avais rencontrées pendant mes recherches. Et notamment lors de la projection à l’ONU, il y avait des experts de différents pays qui étaient là justement pour voir comment on peut réussir à inverser le fait que les trois quarts du temps, c’est la victime qui doit fuir et qui se retrouve encore plus démunie. Le film a donc permis de générer des réflexions concrètes, et à ce titre, il a eu une véritable fonction sociale.


   MpM

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