(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Il veut une place au soleil. On le comprend. Au Danemark, il est sans doute plus rare. Dans la charmante terrasse d'un hôtel parisien, le cinéaste danois Thomas Vinterberg évoque son nouveau film, Loin de la foule déchaînée, ses anciens aussi, et son récent tournage, The Commune. L'homme est avenant, doux, et tranquille. |
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Ecran Noir: Loin de la foule déchaînée semble esthétiquement très loin de vos précédents films...
Thomas Vinterberg: Je pense qu’il y a un grand malentendu sur moi, en tant que cinéaste, notamment sur le style. J’ai toujours,Réplique montre rolex depuis Dogma et même depuis mes films d’université, recherché la pureté. Ce qu’il y a sous la peau de mes personnages. On peut donc envoyer balader les costumes, l’esthétique. Je ne parle que de personnages. Cependant, pour un film comme ça, je voulais que les personnages respirent, partagent leurs douleurs avec le spectateur. Donc, bien sûr, c’est un drame en costumes. Et j’aime ça comme j’aime les films d’Hollywood des années 1950. J’aime Docteur Jivago mais aussi Autant en emporte le vent ou 1900 de Bertolucci. J’ai donc demandé à ma chef opérateur comment restituer ça de nouveau. Mais c’est un choix secondaire. Le film est avant tout une histoire de personnes.
De mon point de vue, il n’y a aucun changement par rapport à ma filmographie passée. Après tout, si on regarde aujourd’hui Festen et son format Dogma, on peut voir un film stylisé, presque un film avec un style ancien même. Même La Chasse, que je ne voulais pas stylisé, a son style.
En fait le seul vrai changement avec Loin de la foule déchaînée est que je n’ai pas écrit ce film. C’est un gros changement pour moi. J’y ai vu un défi. D’autant que le film comporte beaucoup de personnages et une succession de situations intenses. Mais je suis tombé amoureux de ce scénario et j’ai pu prendre les libertés que je voulais.
EN: Le trait d'union entre vos films, c'est ce personnage central qui doit toujours affronter un groupe, la société, une famille, une communauté...
Thomas Vinterberg: Il y a beaucoup de points communs entre Festen et Loin de la foule déchaînée. Si vous mettez de côté la caméra à l’épaule, le scandale familial, Festen est un drame très classique. Mais regardez bien le film : une grande maison à la campagne, les bougeoirs, la démarcation entre les gentils et les méchants, tout cela aurait pu donner un Autant en emporte le vent s’il n’y avait pas cette histoire d’inceste et cette caméra légère. Je suis d’accord avec vous que dans mes films, Festen, La Chasse mais aussi Submarino, il y a cet équilibre qui se cherche entre l’individu et la communauté. Et même dans mon prochain film, The Commune, il y a ce thème où l’individualisme est défié par le groupe dans lequel il vit.
EN: Vous aviez lu le roman de Thomas Hardy? Et vu la version de John Schlesinger?
Thomas Vinterberg J’ai lu le livre de Thomas Hardy après avoir lu le scénario. Je connaissais le roman mais on ne le lit pas durant nos études au Danemark. De même, je n’ai pas vu la version cinématographique de John Schlesinger. J’avais commencé à regarder son film, avec mon épouse, mais après vingt minutes, on arrêté le visionnage. Pour deux raisons : il n’était pas vraiment regardable, il avait pris un vrai coup de vieux. Et puis il y avait trois de mes héros dans ce film. Je suis amoureux de Julie Christie depuis que je suis enfant, j’aime énormément les films de Schlesinger d’habitude et j’ai une admiration profonde, particulière, pour Nicolas Roeg [Chef opérateur du film].
EN: quelles différences sont notables entre le roman et le film dans votre adaptation?
Thomas Vinterberg: David Nicholls a su gérer d’une manière respectueuse l’œuvre de Thomas Hardy, en conservant la langue tout en le rendant « regardable » et contemporain pour le public d’aujourd’hui. Si on prend le livre, les dialogues de Thomas Hardy sont immensément beaux et riches. Mais ils sont incroyablement longs et trop « précieux »! Ça aurait rendu bizarre à l’écran. Le spectateur serait resté à distance. David Nicholls a su rendre ça moderne.
Dans le livre, Bethsheba est plus combattive, plus dynamique, mais moins « aimable ». Or je ne voulais pas qu’on la rejette. Aussi nous l’avons rendu plus vulnérable, plus humaine. Ce qui la rend plus douce. Plus romantique sans doute aussi, si vous respirez avec elle.
Enfin, dans le livre, les choix sont aussi plus rationnels. Honnêtement, dans la vraie vie, dans la plupart des histoires d’amour que je connais, il n’y a pas grand chose de rationnel. C’est pour ça que j’assume pleinement que mon épilogue ne soit pas celui du livre. J’ai demandé très tôt à pouvoir avoir une fin plus positive que dans le livre. Bizarrement, Matthias Schoenaerts lui préférait la fin mélancolique du roman. Mais pour moi toute l’histoire conduisait vers une fin heureuse et terriblement romantique. Le public méritait cet happy ending et cela n’enlève rien à la cruauté de l’histoire. Tous les personnages sont détruits par les situations, les déceptions, la vie. C’est en fait un processus très humiliant pour chacun des personnages.
vincy
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