(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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A l'occasion de la sortie de Que viva Eisenstein !, nous avons longuement rencontré le réalisateur Peter Greenaway pour une conversation à bâtons rompus sur Sergueï Eisenstein, Eros et Thanatos, le cinéma de propagande, le présent et l'avenir du cinéma, la Russie...
Le film, qui était présenté en compétition au Festival de Berlin 2015, marque pour la première fois l'incursion de Peter Greenaway sur le terrain du "biopic" de réalisateur. S'il s'était par le passé penché sur plusieurs peintres, dont Rembrandt et Goltzius, et même réalisé un hommage au 8 et demi de Fellini, c'est en effet la première fois que le cinéaste britannique se penche sur l'un de ses "confrères", et non des moindres, puisqu'il s'agit de l'inventeur du cinéma moderne, le Russe Sergueï Eisenstein.
Hommage non affecté, flamboyant et virtuose, Que viva Eisenstein ! aborde les thèmes favoris de Greenaway à travers une mise en scène bourrée d'effets, de références et d'humour qui rappellent que la force première du cinéma est avant tout visuelle. Un plaidoyer fulgurant au service de la vision très spécifique que le réalisateur a développé autour du cinéma.
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Références
Vous savez, le cinéma demeure un moyen d’évasion qui essaye en même temps de prétendre qu’il est la vie. Or le cinéma est le medium le plus artificiel que vous puissiez imaginer. Il est plein de conventions ridicules avec lesquelles nous jouons. Mon film est bourré de références, de citations de films, comme mon film français préféré L’année dernière à Marienbad, lorsqu’à la fin il y a ce jeu avec les fourchettes. Par ailleurs, le film commence avec mon admiration pour La règle du jeu de Renoir, avec l’homme qui saute sur le lit. Et puis il y a Raging bull de Martin Scorsese, quand il a une conversation avec son pénis, en lien avec la notion de machisme. Quoi d’autre… Des références à Fellini, au Jules et Jim de Truffaut avec la scène où ils boivent, et bien sûr, nous citons Abel Gance et ses 3 écrans.
Donc formellement, du point de vue du contenu mais aussi émotionnellement, j’ai le sentiment que nous sommes tous liés à 120 ans d’images extraordinaires. Pas nécessairement de cinéma extraordinaire, mais de possibilités allant dans ce sens. J’ai aussi le sentiment qu’aucun cinéaste ne naît en regardant les gens dans les rues, au supermarché, ou même à la plage ! C’est en regardant d’autres films qu’on devient cinéaste. Ce que j’essaye de dire, c’est que le langage est une affaire de citation. Tous les mots que nous utilisons ont déjà été utilisés des milliards de fois avant nous, dans des contextes différents.
La meilleure manière de parler de cinéma…
Eisenstein fait des films au milieu des années 1920. Son premier film, Grève, il le réalise en 1924, à 26 ans. Et je crois que l’âge d’or du cinéma, ce sont justement les années 20 parce que tout le monde essayait de découvrir ce qu’on pouvait faire avec le cinéma. Des gens comme Griffith ou Bunuel et Dali avec Le chien andalou. Tout le monde essayait, cherchait. Et à mon avis, en tout cas pour moi, le premier chef d’œuvre du cinéma est Grève. Ca a pris 30 ans, entre 1895 et 1925, pour découvrir ce qu’était réellement le cinéma ! Ce n’est pas de la peinture, ce n’est pas du théâtre, ce n’est pas de la littérature, qu’est-ce que c’est ? Quelque chose de particulièrement différent. Et je suis sûr que vous savez que la manière dont nous parlons de cinéma est inadaptée parce que c’est un média si complexe, il fonctionne avec tellement d’éléments d’information qu’essayer de l’analyser serait comme essayer d’analyser une blague. Elle s’écroule dans tous les sens parce que nous n’avons pas vraiment de vocabulaire pour le faire. Donc la meilleure manière de parler de cinéma est d’en faire, et pas d’en parler.
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