Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24



Terrasse d'un hôtel luxueux à Paris. Andrew Steggall, entre soleil et brise printanière, répond plus que chaleureusement à nos questions.
Il fait chaud dans la capitale: "Vous voulez un peu de mon eau?", nous propose-t-il en tendant sa bouteille. Le charme anglais commence et n'en finit pas...c'est encore pire lorsque le réalisateur de Departure, son premier long métrage, se met à répondre en français (sans faute) faisant en sorte à ce que son petit accent british le rende encore plus attachant. Nous sommes charmés et émoustillés mais nous restons professionnels. Il parle de la beauté de la langue, évoque sa connaissance de la France et transmet son intelligence à travers ses dires. Departure, c'est un peu son adolescence...
Lumineuse rencontre.
Ecran Noir: Departure apparaît comme un songe, une peinture vivante ou un poème, comment ce film vous est venu?





Andrew Steggall:
Je pense que c'est un rêve d'Eliott, le roman qu'il écrit dans son cahier durant le film. C'est sa version de la réalité, de sa réalité, ça vient de son esprit. En regardant le film, on est dans sa tête. C'est pour cela que ce n'est pas toujours la vérité. Par exemple les murs dans la maison sont peut-être blancs, mais dans son imagination c'est comme les vagues, c'est bleu, vert, il est dans l'eau. Ce n'est pas comme Usual Suspects, mais les images dans sa chambre sont peut-être la réalité et son imagination: tout est mélangé car il a créé son histoire et l'histoire de sa famille qui est un peu poétique, théâtrale. C'est un processus thérapeutique pour lui. De plus c'est un peu mon histoire lorsque j'ai découvert que mes parents étaient compliqués et que j'étais un connard.

EN: Vous avez évoqué les choses sur le mur et je crois qu'il y avait quelques choses en rapport avec Les métamorphoses d'Ovide. Dont vous vous êtes inspiré d'ailleurs... AS: Oui exactement. www.reeftiger.fr C'est l'idée que l'on change, qu'on se transforme et que c'est nécessaire comme cette image dans la forêt. C'est l'idée que l'on cherche pour l'expérience mais soit tu es le chasseur, soit l'expérience est le chasseur. Le cerf est ambigu aussi. Peut-être que c'est juste une image dans sa tête, une idée qui représentait sa jeunesse, jeunesse qu'il doit tuer.

EN: Cette idée de grandir, de changer est en effet très présente mais la métaphore du danger qui englobe ce changement aussi, vouliez-vous montrez cela? Le fait que ce soit difficile de grandir?

AS:
Oui, c'est difficile parce qu'il doit se confronter à la complexité de la vie. Le danger de la sexualité c'est ce barrage comme métaphore: c'est dangereux pour lui. Pour Clément, sa relation est avec l'eau et c'est facile. Pour Eliott, c'est délicat car il est timide et lorsqu'il dit que l'eau est sale cela est représentatif de cette peur de l'inconnu. Le barrage qui bloque l'eau n'est que la peur de sa sexualité.

EN: Et selon vous, est-ce que c'est toujours aussi difficile d'être soi-même, de s'assumer pleinement en 2017?

AS:
Oulala (rires)! Je pense que le voyage est différent pour tout le monde. Si tu es jeune et que tu vis dans une grande ville je pense que c'est facile d'être homosexuel par exemple, mais si tu as des parents catholiques et stricts ou si tu vis dans un autre pays tel la Russie où c'est dégueulasse et horrible, c'est plus délicat!
L'histoire d'Eliott c'est un peu la mienne, mon histoire, cette période de ma vie c'était en 1995. J'ai, d'ailleurs, loué pour le film un coin sans réseau, sans wifi, pas très moderne pour l'occasion.
Pour en revenir à Eliott, je pense que ce n'est pas une question d'homosexualité mais de sexualité, de confrontation à son évolution en tant qu'adulte. En un adulte plus sympathique, parce qu'il est un peu connard non? Lorsqu'il dit que sa mère est limitée ce n'est pas vrai! Il doit reconnaître que sa mère et lui sont semblables et qu'ils partagent les mêmes désirs, les mêmes peurs, la même timidité. Alors que lui a dans l'idée qu'il est le plus sensible, le plus intelligent et que sa vie est plus intense. Sa fin de voyage est vraiment lorsqu'il découvre que sa mère lui est semblable. Il est enfin adulte et c'est d'ailleurs là qu'ils établissent un premier contact, juste avec les mains sous la pluie.

EN: Alex Lawther qui incarne Eliott est juste sublime, on ne peut pas détacher nos yeux de l'écran lorsqu'il joue, comment l'avez-vous trouver?

AS:
Je l'ai vu dans une pièce de théâtre il y a cinq ans, il avait 17 ans. Après tout cela, j'ai fini le scénario, j'ai fait des castings et finalement je me suis dis comment il s’appelait déjà ce garçon dans la pièce...Alex! Je l'ai auditionné chez lui dans sa ville après avoir contacté son agent.

EN: Et en ce qui concerne le reste du casting?

AS:
J'ai fait beaucoup de casting sur Paris durant trois ans avant de trouver Phénix Brossard pour Clément. C'était clair que Phénix allait être une excellente balance, une opposition. Clément est totalement dans son corps alors qu'Eliott est complètement dans sa tête. Eliott est aussi très maladroit.

EN: Je l'ai trouvé touchant...

AS:
Ouais, mais il y a l'idée qu'il a lu Proust alors qu'il a probablement lu Wikipédia surtout (rires). D'ailleurs, tous les spectateurs pensent qu'Eliott a lu Proust et ils sont offusqués car il est jeune. Alors bien évidement je leur dit "mais non, ce n'est qu'un menteur".

EN: Vous avez évoqué la maison. Pouvons-nous revenir là-dessus? J'ai l'impression qu'elle est un personnage...

AS:
Oui, exactement! Dans la vie de Béatrice et Philippe la maison est importante. Surtout pour Béatrice: c'est sa vie car c'est une part de leur relation à elle et son mari. Et c'était la même chose pour moi lorsque j'étais jeune. Nous déménagions souvent et à chaque fois la maison, les meubles étaient importants pour ma famille.

EN: Si vous pouviez nager (thème apparent dans le film) avec l'un de vos personnages, vous choisiriez lequel?

AS:
Et bien je suis Eliott donc je choisis Clément.

EN: J'ai vu que vous avez travaillé sur des opéras, ce qui est différent des films, qu'est-ce que vous avez préféré?

AS:
Je préfère les films parce que nous pouvons créer et contrôler tout: le scénario, les dialogues, les images, tout. Avec l'opéra on a la musique et les dialogues, nous ne faisons que diriger. Après c'est une expérience énorme car ce n'est pas la même chose d'être spectateur et d'être en face d'un chanteur d'opéra qui répète devant vous. C'est incroyable et j'adore ça.

EN: Du coup est-ce que vous avez envie de monter une comédie musicale?

AS:
(Rires) haha...oui j'ai une idée...(réfléchis) je déteste La La Land! J'ai une idée musicale et je voudrais adapter un opéra que j'ai déjà mis en scène.

EN: Qu'est-ce qu'un bon film pour vous?

AS: Ce que j'aime dans un film c'est l'ambiguïté. J'aime quand la fin du film n'est pas claire. Quelque chose de spirituel, des idées floues.

EN: Avec quels acteurs ou actrices souhaiteriez-vous travailler?

AS:
Pierre Niney, Ben Whishaw, July Dench, Juliette Binoche, Jeremy Irons et Jayne Houdyshell qui est une actrice américaine de théâtre.

EN: En ce moment, les séries TV sont à la mode, êtes-vous intéressé par le petit écran?

AS:
Je n'ai pas de télévision mais j'adore les séries et je dois avouer que j'ai une idée mais pas pour le moment.


   Cynthia