(c) Ecran Noir 96 - 24 |
|
|
|
|
|
|
|
|
Présenté en clôture de la Quinzaine des Réalisateurs, après avoir fait sensation à Sundance en janvier 2017, Patti cake$ est le feel good movie par excellence, servi par un quatuor de personnages ultra attachants et un style visuel riche et varié. On se laisse entraîner avec bonheur dans ce mélange de récit d'apprentissage et de conte moderne qui voit l’ascension d'une jeune femme du New Jersey rêvant de devenir une star du hip-hop. Si le scénario ne brille pas spécialement par son originalité, l'actrice Danielle MacDonald insuffle suffisamment de force et de singularité à son extraordinaire personnage qu'il suffit très largement à faire oublier les facilités et maladresses.
C'est en toute décontraction, sur la plage de la Quinzaine des Réalisateurs, à la fin de la 70e édition du festival de Cannes, que nous avons rencontré Geremy Jasper, l'heureux réalisateur du film, dont c'est le premier long métrage. L'occasion de parler de la naissance de Patti et du long travail d'écriture et de recherches esthétiques qui a présidé au film. Mais aussi de 8 mile, auquel le film a beaucoup été comparé... |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Ecran Noir : Comment est né le film ? Quelle est la toute première idée que vous ayez eue ?
Geremy Jasper : La première idée, c’est le personnage. Patti. Juste l’idée de Patti. Il y a des années, je vivais chez mes parents dans le New Jersey. Je me sentais un peu pris au piège. Je voulais être musicien. J’étais avec un ami qui travaillait dans une pharmacie, et on écoutait la meilleure radio spécialisée dans le hip-hop de la région. Je lui ai dit « la prochaine grande star hip-hop sera une fille blanche du New Jersey. Une Tony Soprano dure et sexy. ». Il s’est moqué de moi. D’une certaine manière, j’ai commencé à documenter ce personnage dans un petit coin de mon cerveau. Des années plus tard, j’avais commencé à faire des films, je me demandais quel serait mon premier long métrage, je me débattais, je n’arrivais pas à connecter les idées que j’avais, j’avais le sentiment qu’elles ne venaient pas du bon endroit. Et puis tout à coup, Patti est sortie de mon cerveau, et je me suis dit : « tu vas faire ce film sur cette fille. Tu n’as jamais lu de scénario, tu ne sais même pas trop à quoi ça ressemble, tu ne connais pas la syntaxe et le vocabulaire… mais tu vas écrire l’histoire de cette fille. » Alors j’ai passé les 4 années suivantes à apprendre comment faire. Ce fut un très long voyage. Le film parle de là où j’ai grandi. De moi lorsque j’avais cet âge, voulant devenir un musicien. De ces banlieues résidentielles dans lesquelles il n’y a rien à faire. Et d’ailleurs personne ne fait rien.
EN : Vous avez donc gardé des éléments autobiographiques dans le scénario ?
GJ : Oh oui, bien sûr. J’ai pu utiliser des expériences que j’avais eues. C’est un peu comme si tout était mélangé. Comme si on prenait des pages de son journal intime et qu’on les passait au Blender. Tout est mélangé, modifié, trituré dans tous les sens, mais au niveau du noyau, toutes les histoires réelles et tous les gens sont encore là.
EN : Pourtant, le personnage principal est une fille. Vous avez décidé de garder l’idée du personnage féminin.
GJ : Je ne sais pas pourquoi. Elle est juste sortie comme ça de mon cerveau… J’ai été élevées avec des femmes de caractère, des femmes très fortes, et ça m’a semblé tout à fait naturel. En plus, j’étais enthousiaste, je trouvais l’idée bien plus intéressante de faire le film du point de vue d’une fille. En réalité, je n’y ai pas tant pensé que ça. Ce n’était pas si important. C’était un personnage que j’aimais et dont je sentais que je pouvais raconter l’histoire, tout en parlant de mes propres problèmes. Cela n’avait pas besoin d’être vraiment moi. Et puis elle me semblait tellement cool ! Quelqu’un que j’aimais bien et qui reflétait les personnes que je connais.
EN : C’est assez rare d’avoir des personnages de ce type. Et pour elle, c’est comme si tout était deux fois plus dur : parce qu’elle est blanche, et parce que c’est une femme.
GJ : Oui, et on a l’impression qu’elle n’est à sa place nulle part ! C’est un sentiment bizarre et courant quand on a cet âge-là. On ne se sent relié à rien.
EN : Comment l’aviez-vous imaginée physiquement, au début ?
GJ : Dans mon esprit, elle ressemblait exactement à Danielle [Macdonald] ! C’est assez fou, c’est pour ça que je raconte l’histoire. Ca nous a pris quelques mois de préparatifs pour les castings et tout. Et puis l’un des producteurs s’est souvenu de Danielle dans The east. Et il m’a montré une photo. J’étais là « mais c’est elle, c’est elle ! » C’est exactement comme si un dessinateur était entré dans ma tête, y avait vu l’image de Patti, puis l’avait dessinée. Le fait qu’en plus ce soit une actrice talentueuse et brillante, c’était comme gagner à la loterie. C’était le destin ! J’ai rêvé d’elle pendant des années, vous vous rendez compte ?
EN : Vous disiez tout à l’heure que vous aviez passé beaucoup de temps à apprendre comment faire un scénario et un film. Qu’est-ce qui a été le plus difficile, finalement ?
GJ : Je pense que le plus dur, ça a été d’écrire le scénario. C’est ce qui a pris le plus de temps. Ca fait partie du processus. On passe beaucoup de temps à écrire, seul. On finit par devenir un peu dingue… Je pense que j’ai écrit au moins dix brouillons. Ca changeait tout le temps… j’ajoutais des trucs… C’était comme une aventure quasi psychédélique ! Vous savez, j’ai travaillé sur des clips. Là, on se concentre sur le style, sur le rendu visuel, on essaye de rendre les choses bigger than life… et le film, ça allait être exactement le contraire !
|
|
|
|
|
|
|
|