Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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Depuis son entrée par la petite porte de la chaîne cryptée et de ses sketches avec son ami Antoine de Caunes, José Garcia a creusé son sillon et imposé sa personnalité aux travers de grands succès populaires comme La vérité si je mens ! 1 et 2 ou encore Jet Set de Fabien Onteniente, tout en faisant preuve d’un grand talent avec des films plus personnels comme Extension du domaine de la lutte de Philippe Harel, où il apparaît méconnaissable. Après le Vélo de Ghislain Lambert, le sympathique José Garcia retrouve Benoit Poelvoorde dans le carton annoncé, Le Boulet. Souriant, énergique, courtois. Un vrai bonheur.
Ecran Noir: Votre formation de comédien demeure très diversifiée : Cours Florent, cirque … Quelle expérience vous a été le plus bénéfique ?





José Garcia: Chaque technique enseignée vous apporte quelque chose, à son échelle. J’ai appris beaucoup de choses au cirque, notamment le travail du corps, la discipline inhérente à cette vie particulière, qui vous oblige à démarrer chaque jour à sept heures du matin quel que soit votre condition physique. J’ai eu la chance de faire mes gammes au milieu d’artistes formidables, que ce soit au Cours Florent ou à la Commedia Del’Arte …J’entends bien me préparer comme un athlète, travailler toujours et régulièrement afin de donner le maximum attendu le jour J.

EN: Vous dégagez une certaine énergie à l’écran …

JG: Mon gros problème, c’est un trop-plein de vitalité ! La chaleur m’inspire.Ce qui n’est pas du goût de mes partenaires et des techniciens qui me trouvent fatiguant…Sur « le Boulet », j’arrivais le premier le matin sur le plateau pour raconter les pires conneries au chef électro… J’ai le même tonus à la première prise qu’à la quarantième, mais je peux tout donner dans les cinq premières.

La situation est totalement différente dans la vie quotidienne, je suis obligé de canaliser mon énergie en permanence. Après une journée de tournage, il faut que je me tue au sport pour me calmer ! Avec Gérard (Lanvin – NDLR) nous passions chaque soir deux heures dans une salle de sport. Benoit (Poelvoorde – NDLR) a pu ainsi se venger : après son entraînement physique intense dans « le Vélo de Ghislain Lambert », où je me suis contenté de me goinfrer, les rôles ont été inversés.

Le boulet est dirigé par deux réalisateurs. Comment avez-vous géré cette particularité ?

D’un côté il y avait Alain Berbérian, très axé sur la comédie, très pointu sur le genre. Et de l’autre, Frédéric Forestier, dont les connaissances techniques et la maîtrise m’ont bluffé, mais qui sait aussi que les mouvements de caméras sophistiqués ne font pas un film. La majorité des jeunes réalisateurs de sa génération sont les rois de la caméra, mais leurs films sont insipides. Dès qu’ils cantonnent leurs acteurs dans un cadre fixe, le résultat est décevant. Heureusement, Frédéric Forestier n’a pas ce travers et s’intéresse au travail des acteurs, en symbiose avec eux. L’association des deux talents a été une excellente idée, il y avait une très bonne entente entre nous. Au final, le tournage du Boulet a été une formidable récréation.

EN: Votre personnage semble tout droit sorti d’un dessin-animé …

JG: Pour ce rôle je me suis inspiré de dessins-animés et de caricatures, notamment du diable de Tazmanie. Je pense que ce côté ludique ce ressent à l’écran …Daumier avait inventé des personnages inoubliables pour dénoncer l’avarice ou le pouvoir à travers les traits d’un « simple » visage. Mon personnage n’est non plus sans rappeler Rackam le Rouge, en permanence en état d’ébullition. Cependant je ne travaille pas avec des références en tête comme beaucoup. Mon seul souci était d’éviter les archétypes américains dépassés et de faire du Turc un personnage basique, brutal et enragé.

EN: Le boulet vous permet d’incarner votre premier personnage de méchant …

JG: Je me suis amusé comme un fou à jouer ce personnage de méchant comme je les aime au cinéma, un salaud intégral prêt à tuer un enfant pour un rien. Un impulsif. J’adore ces types démesurés à l’instar d’Eli Wallach dans « Le bon, la brute et le truand », qui vont au bout de leur ignominie tout en procurant une jubilation intense au spectateur. Je trouvais intéressant d’incarner un méchant irrécupérable, sans une once d’humanité. Le turc cumule toutes les tares : il est sexiste, violent, raciste et infiniment solitaire. Un roquet déterminé. Il perd son self-control dès qu’il n’est plus dans son élément. Il se moque complètement des autres, à commencer par son acolyte qui ne lui sert qu’à faire de l’ombre en plein désert …(rires)

A contrario des méchants hollywoodiens qui font toujours attention à leur tenue vestimentaire, j’ai voulu donner au Turc un côté « bas de gamme » prononcé. Sorti de son élément, le Turc perd ses moyens et cède en permanence à une rage explosive. Bref, un sanguin qui fonctionne uniquement sur le mode action-réaction.

EN: Vous vous êtes également beaucoup entraîné physiquement ?

JG: Pour rattraper Gérard Lanvin en ce qui concerne la masse musculaire, j’ai dû faire deux heures de musculation par jour ! Pour la scène finale, dont le tournage a duré près de neuf jours, je me suis complètement lâché ! Je suis allé à l’encontre des scènes de combat chorégraphiées, qui sont tellement omniprésentes dans le cinéma contemporain qu’elles en deviennent lassantes. J’ai voulu revenir aux sources : une bonne baffe, une clé anglaise et une pieuvre, quand je me jette sur Gérard Lanvin de travers. Y’a rien de tel ! C’est jouissif ! E

N:Depuis le premier volet de La vérité si je mens !, vous n’avez guère tourné que deux films dramatiques. C’est un choix délibéré ?

JG: J’aime autant le cinéma dit « intimiste » que le cinéma qualifié de « divertissement ». J’ai la chance de pouvoir alterner tous les styles, passer de la comédie au drame. Après Extension du domaine de la lutte de Philippe Harel, j’ai reçu autant de propositions de films comiques que de scénarios intimistes. En ce moment j’ai vraiment envie de revenir à des rôles plus intimes. Il s’agit davantage d’une quête personnelle, d’un souci de perfectionnement que d’une réel plan de carrière. J’essaie tout. Après, çà passe ou çà casse …

EN: Quels sont projets ? La vérité si je mens ! 3 ?

JG: Je vais bientôt tourner avec mon ami Philippe Harel, avec qui j’avais déjà travaillé sur « Extension du domaine de la lutte » d’après le livre de Michel Houellebecq., sur l’adaptation des Particules élémentaires. J’adore naviguer d’un registre à l’autre. Mais je suis surtout essentiellement déterminé par la qualité du projet et dus script. Pour le rôle de Bruno dans Extension du domaine de la lutte, j’ai intérêt à trouver un bon chirurgien esthétique, car mon personnage a en permanence la zigounette à l’air ! (rires) Moi qui suit plutôt d’un naturel pudique…

En ce qui concerne La vérité si je mens ! 3, cela risque de prendre encore beaucoup de temps. Le scénario devra être à nouveau parfait et apporter quelque chose de nouveau. Nous avons demandé aux scénaristes à ce que le film soit davantage centré sur les femmes, suite aux remarques des spectateurs sur le machisme inhérent au second opus. Mais le projet risque de traîner encore longtemps : vous ne devriez pas voir La vérité si je mens ! 3 sur vos écrans avant cinq ans minimum …

Et puis j’aimerais bien m’occuper de mes deux enfants, çà me fait mal aux tripes de ne pas pouvoir m’en occuper davantage. Je ne fais pas de l’élevage non plus …(rires)

Propos recueillis par Hervé - Avril 2002


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