(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Elkle nous vient de Roumanie, et joue en vedette d'un film coup de coeur, Gadjo Dilo, de Tony Gatlif. Rona Hartner, boule de feu déterminée à brûler tout sur son passage, sauf ses propres ailes, nous rencontre... |
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Ecran Noir : Comment vous est venue l'envie de faire du cinéma ?
Rona Hartner : “ J’ai commencé à 13 ans, j’avais choisi d’être actrice dès 9 ans. Ma première passion, c’était de devenir Présidente, et ma mère m’a dit que c’était impossible pour une femme, donc j’ai vite renoncé. A 9 ans, j’ai commencé à croire que je pouvais devenir une star de cinéma et de music-hall. A 13 ans, j’ai joué mon premier rôle, un garçon ne pouvait pas interpréter, donc j’ai été sélectionnée sur audition devant un professeur. C’était mon premier rôle dans un pièce tragi-comique. Au début de la pièce, je faisais pleurer tout le monde, et à la fin je les faisais tous rire. Au lycée, j’ai suivi une formation théâtrale. Puis, un metteur en scène est venu me proposer un rôle dans un film. Après une semaine de tournage, une fille de diplomate est venue pleurer auprès du metteur en scène. Et elle m’a piquée le rôle. J’étais très déçue, je ne voulais plus faire de théâtre et de cinéma. Et quand la Révolution roumaine s’est déclarée dans le pays, je me suis concentrée sur la musique. Après, cet événement, je me suis dis que tout allait changer. A 18 ans, j’ai fait l’université spécialisée dans le music-hall. Après, je me suis rendue à l’université d’Etat pour continuer la musique. J’ai eu la chance d’avoir un professeur de théâtre réputé en Roumanie, Olga Tudorache. Elle m’a donnée des rôles très forts. Elle m’a toujours laissée choisir les rôles que je préférai comme Antigone, Cléopâtre. Aussi, on m’appelait pour jouer les personnages expérimentaux.
Mon rêve était de jouer un jour une tzigane. Quand, j’étais enfant, j’aimais regarder les films indiens et je dansais sur ceux-ci. Je suis d’origine allemande, et pas tzigane Je sentais ce rôle très fort et très libre.”
EN : “Est-ce que vos parents ont été plutôt pour ou contre, pour faire cette carrière au théâtre et au cinéma ?”
RH : “Mes parents étaient peintres tous les deux. Ma mère était paysagiste et mon père était un artiste en plastique moderne. J’ai vécu dans un milieu très artistique, c’est-à-dire, chez moi on faisait des fêtes où on écoutait du jazz. J’étais imprégnée dans l’esprit de création. Sous l’ère du dictateur, ils ont abandonné leur métier car c’était devenu impossible. Ils m’ont donnée un prénom de vedette en Roumanie car ils souhaitaient un enfant de “l’art”.
A 10 ans, je prenais des cours de piano, violoncelle et guitare, je faisais de la sculpture. Ils m’ont donnée accès à tout pour que je fasse un métier artistique.”
EN : “Comment s’est passée cette première rencontre avec le réalisateur Tony Gatlif ?”
RH : “ La première rencontre c’était par l’intermédiaire d’une personne qui a organisé un casting en Roumanie sur cassette vidéo pour un autre tournage. Je suis venu en France, sans parler la langue, sans être tzigane. Cependant, je voulais jouer le rôle. Et surtout un an avant, on m’avait prédit dans une tasse de café le visage de Tony (Gatlif), mon voyage en France. Lors du casting en présence du réalisateur, je me suis mise à danser sur la table et il m’a dit "ok" pour le rôle. Tony Gatlif m’a beaucoup fait travailler en me permettant d'être plus naturelle et d’avoir moins peur de la caméra. J’ai appris le français et le roumain pendant le tournage. J’ai mangé avec les romanos, on était ensemble partout. Et petit à petit, je dansais comme eux”.
EN : “Vous n’avez pas eu peur d’interpréter ce rôle, où cette jeune femme a une réputation douteuse au sein du clan des tziganes ? Et si vous aviez eu de l’appréhension à l’interpréter ?”
RH : “Oh non, surtout pas ce rôle : c’est un rôle. Ce personnage me ressemble très bien parce qu’en Roumanie on me traitait de "barge", pas sérieuse. J’étais déjà proscrite dans mon pays. J’avais pas beaucoup de personne qui m’ait aimée parce quand tu te jettes dans un projet comme ça, où tu vas faire des spectacles de rue devant l’ambassade, les gens pensent que tu es "barge". C’est pour ça que j’aimais cette façon de me regarder dans ce film, car c’était un peu autobiographique.”
EN : ” Les personnes qui ont joué en figuration, ont -ils accepté facilement votre rôle ?”
RH : “ Oui. Au début, ils ont trouvé que j’étais "gadji". Ils m'ont dit "Tu parles pas Rome, tu danse pas comme nous". Donc, j’ai maigri de 10 kilos pour m’intégrer et pour ressentir la faim comme eux. Il fallait faire un sacrifice pour un rôle comme celui-là. Je me droguais avec la voix du metteur en scène.”
EN : “Avez-vous soumis quelques idées auprès du réalisateur pour votre personnage pendant le tournage, ou avez-vous respecté le script à la lettre ?”
RH : “Non, j’ai demandé c’était quoi le langage Rome. Il ne connaissait pas. On a fait venir un traducteur. J’ai demandé certains détails sur le rôle pendant les séquences, et il me disait comment les faire au mieux”.
EN : “Comment s’est passée votre entente avec Romain Duris ?”
RH : “ Oui. On a pas beaucoup parlé sur le tournage, parce que moi je ne parlais pas français. Avec lui, c’était un regard comme ça de temps en temps. Mais quand même on se respectait, on se regardait comme deux animaux qui ne se connaissaient pas. Après, à la fin du film, quand je parlais français, ça allait mieux”.
EN : “Avez-vous assisté au montage ?”
RH : “Oui... Je suis seulement venue pour la post-synchronisation. Quand je suis venue la première fois au labo, j’étais vraiment impressionnée. A la première projection du film, Tony et Romain avaient les larmes aux yeux, tout le monde applaudissait à la fin du film. Et moi, je me suis posée la question, qu’est-ce que c’était ma vie sans ce film ?”
EN : “En fait, ce film a changé votre vie ?”
RH : “Oui, vraiment. Dans tous les domaines. J’ai appris beaucoup de choses. Je peux pas dire qu’avant j’étais mauvaise actrice...”
EN : “Le fait de vous voir sur grand écran, ça vous fait quoi ?”
RH : “ J’adore, pour moi c’est ... Quand j’étais en Roumanie, le fait de faire un film c’était comme si tu allais sur la lune. Je suis amoureuse du film”.
EN : “Est-ce que vous souhaitez refaire du théâtre, en France, par exemple ?”
RH : “J’aimerais jouer des choses fortes comme Racine, Molière, Shakespeare”.
EN : “Quels sont vos projets ?”
RH : “J’ai un film en préparation... C’est un secret. C’est encore avec Romain Duris. C’est une comédie qui s’intitule Interdit, où je joue une autrichienne.
Et je vais faire un disque qui sera distribué par Virgin”.
EN : “Quelles sont vos actrices préfèrées ?”
RH : “Actuellement non. J’aimais l’époque de Judy Garland, Liza Minelli”.
EN : “Avec quel metteur en scène aimeriez-vous tourner ?”
RH : “Alain Resnais, j’aime beaucoup son dernier film On connaît la chanson.
Puis, j’ai regardé ses précédents films, récemment, que j’ai beaucoup aimés. Aussi, Thomas Giloux dans La Vérité si je mens : cet univers que j’aime bien”.
propos recueillis par bertrand et christophe
bertrand, chris
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