(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Le père Noêl est une ordure, Les Bronzés, Tandem, sans omettre Une époque formidable, Casque bleu ,Fallait pas ! ou plus récemment Meilleur espoir féminin. Que ce soit devant ou derrière la caméra, avec ou sans moustache, Gérard Jugnot est un comédien et un cinéaste populaire (dans le bon sens du terme).
Son dernier film, Monsieur Batignole, raconte l'histoire d'un charcutier ordinaire qui tente de survivre comme tant d'autres durant la seconde guerre mondiale. Il compose ainsi avec sa mauvaise conscience, conforté dans ses principes par son entourage, jusqu'à ce que la réalité le rattrape sous les traits de Simon, un petit enfant juif persécuté...
Rencontre avec un homme généreux et humble. |
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Ecran Noir : Comment vous est venue l'idée de tourner " Monsieur Batignole ?
Gérard Jugnot : " A l'instar de mes autres films comme " Une époque formidable ", je me suis projeté dans un contexte, ou une histoire précise. Je me demande toujours ce que ça fait que d'être dans la peau d'un autre et comment je réagirais si je n'étais pas Gérard Jugnot mais un Sans Domicile Fixe ou, dans le cas présent, un petit commerçant pendant la seconde guerre mondiale. Passionné par l'histoire en général et par cette période en particulier, j'ai été fasciné durant mon enfance par " La traversée de Paris " et " L'armée des ombres " avec Signoret et Ventura.
C'est un fait : la majorité des cinéastes français ont réalisé un jour ou l'autre, un film sur cette période. C'est une époque qui a profondément marqué ceux qui l'ont vécue aussi bien dans la réalité qu' aux travers des documentaires et autres fictions. Lorsque nous avons tourné à Paris, les gens étaient bouleversés de voir des drapeaux nazis, des acteurs en uniforme allemand. Pourtant il y a eu d'autres guerres, tout aussi meurtrières. On peut expliquer ce malaise dans la déportation massive des juifs et aussi dans le fait que, pour la première fois, la France a été occupée par une armée étrangère avec qui bon nombre de français ont collaboré. "
E.N : " Monsieur Batignole " est votre huitième film derrière la caméra. Avez-vous le sentiment d'avoir évolué dans votre manière de réaliser ?
G.J : " Monsieur Batignole " est, je l'espère, mon film le plus abouti. Une telle reconstitution nécessite une grande exigence. Tout doit être contrôlé de A à Z : les costumes, les décors, le plus petit accessoire, le figurant le plus éloigné… Une direction artistique d'autant plus importante que je suis revenu au format scope que j'avais abandonné à cause de la lourdeur des anciens objectifs. La forme reste néo-classique : je revendique l'héritage de ce cinéma, qui m'a fait aimer ce métier, les films de Becker, Clouzot, Julien Duvivier, Jean-Pierre Melville. Un cinéma qui n'a finalement pas pris une ride. "
E.N : Le film devait s'appeler initialement " On ne pouvait pas savoir... "
G.J : " D'une part c'était un titre qui ne se retenait pas et puis, il était dangereux. Je n'aime pas m'imposer en donneur de leçons. Je ne généralise pas en racontant l'histoire d'un français ordinaire. Les points de suspension sont très importants et on ne pouvait pas prendre le risque qu'ils soient supprimés, ce qui donnait un tout autre sens à la phrase. " Batignole " c'est surtout et avant tout l'histoire de sa dignité retrouvée.
Dans mon précédent film (" Meilleur espoir féminin " - NDLR) Ticky Holgado déclamait : "Monsieur " Batignole... Le titre était tout trouvé … "
E.N : Un tel film nécessite une documentation conséquente …
G.J : " J'avais déjà effectué beaucoup de recherches en amont. Avec Philippe Lopes Curval, nous avons beaucoup lu d'ouvra-ges historiques, des films pris à l'époque et réunit un gros dossier de photos. Une excellente idée de mon assistant, Hervé Ruet, passionné par cette époque. Cette " boîte à chaussures " comme on la surnommait, "était une sorte de bible à laquelle nous avions souvent recours afin d'éviter de s'inspirer de toutes les fictions que tout le monde a en mémoire. Mon but : revenir aux sources. "
E.N : Considérez-vous " Monsieur Batignole comme un film pédagogique ?
G.J : " Pour moi, les films réussis captivent les gens de toutes les classes sociales, de toutes les cultures. On peut tout à fait parler de choses ardues simplement.
Je prend souvent un exemple pour illustrer mon point de vue : n'avez-vous pas remarqué que dans vos études ce n'était pas obligatoirement les professeurs des matières dites " faciles " qui sont les plus passionnants ? On a tous en mémoire un professeur de maths qu'on adorait qui faisait de l'ombre à un prof de dessin profondément ennuyeux. Selon moi, plus l'histoire est compliquée, plus il faut clarifier et passionner. L''émotion que suscite un film peut permettre de réfléchir.
En ce sens, j'aime la démarche du film de Roberto Benigni, " La vie est belle ". J'ai eu la chance de voir " La liste de Schindler " (de Steven Spielberg - NDLR) avec des enfants. Au début, ils ont commencé à rigoler pour être finalement cloués dans leur fauteuil, sans aucun doute plus scotchés que s'ils avaient lu un article sur le même sujet dans un livre. Je ne suis pas sûr qu'on les retrouve tout de suite au Parc des Princes en train de faire le salut nazi dans les tribunes…Aussi modeste que soit l'histoire de " Monsieur Batignole ", elle sert à une vision de la grande. "
E.N : " Monsieur Batignole " est votre deuxième film après " Meilleur espoir féminin " où vous dirigez des enfants …
G.J : " Il était important pour moi qu'ils soient d'instinct de bons acteurs. J'avais repéré depuis longtemps Jules Sitruk qui incarne Simon. Un véritable professionnel, à son âge ! Sa mobilité de jeu est stupéfiante. J'ai simplement travaillé avec lui l'écoute et les regards.
Quant aux deux petites filles, je les ai trouvées par auditions. Enfin, Martin, je l'ai rencontré par hasard dans le Haut Doubs. Alors qu'il était venu nous demander des autographes, il a demandé à faire un essai. Sa prestation m'a tellement convaincu que je l'ai engagé sur la champ. Ce qui est merveilleux avec les enfants, c'est qu'on retrouve le plaisir intrinsèque de notre métier : on joue. "
Propos recueillis par Hervé - Mars 2002
hervé
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