(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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La bouille imperturbable, Mike Leigh continue son bonhomme de chemin avec une certaine constance dans la qualité. Désormais habitué de la Croisette, le réalisateur anglais aura encore illuminé cette année le Festival de Cannes par la justesse et l'inspiration de sa dernière oeuvre "All or nothing". Puisant ses situations dans le quotidien, il n'a pas son pareil pour sonder la profondeur de la comédie humaine, oscillant entre gravité et dérision. Flirtant une fois de plus avec les fatalité de l'existence, son film n'en demeure pas moins porté par la force de l'amour. |
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Ecran Noir: Votre nouveau film, "All or Nothing", se penche une fois de plus sur les relations humaines et les problèmes de communication à travers trois familles défavorisées en Grande-Bretagne. Pensez-vous que tout aurait pu être différent dans un autre milieu social ?
Mike Leigh: Tout serait bien évidemment différent si mes protagonistes étaient de riches bourgeois n'ayant aucun souci d'argent et de travail. Mais il serait aussi stupide de penser que la classe ouvrière britannique a le monopole de la misère et des vies ratées. Ce n'est pas le sujet du film et cette histoire aurait très bien pu se dérouler dans un autre pays et sous un autre fond social. "All or Nothing" décrit des gens comme il en existe des milliers partout dans le monde avec leurs problèmes quotidiens. Le fait de dépeindre le milieu ouvrier ne veut absolument pas dire que c'est un film sur cette couche sociale.
EN: Depuis le début de votre carrière, vous avez choisi de réaliser vos films avec une méthode de travail très particulière - sur laquelle nous reviendrons plus tard- Le processus est-il devenu plus simple aujourd'hui après tant de films ?
ML: Malheureusement, l'expérience des années ne rend pas le processus plus simple. Bien au contraire, plus vous réalisez de films, plus il faut faire attention à ne pas se répéter. En revanche, mon esprit est sans cesse en ébullition et j'ai des centaines d'idées qui pourraient devenir des films. Mais j'essaie de me concentrer sur un projet après l'autre afin de les aboutir au mieux. Je pense avoir réussi cette fois-ci à articuler une série de portraits de personnages qui s'entrechoquent pour ne faire plus qu'au final une entité basée sur l'amour.
EN: Comment avez-vous trouvé les deux jeunes comédiens qui interprètent les enfants de Phil et Penny ?
ML: Ils sont incroyables, n'est-ce pas... Et bien, je les ai dénichés de la manière la plus conventionnelle en faisant des auditions, en regardant des films, en allant voir des shows. J'en ai vu des centaines, de toutes les tailles et de tous les styles et parmi eux se trouvaient Alison Garland et James Corden. Leur ressemblance physique m'a soudainement donné l'idée du frère et de la soeur.
EN: n'aviez aucune vison des personnages et de l'histoire avant de les engager ?
ML: Tout à fait. J'invente les personnages au fur et à mesure avec les comédiens. Mais attention, cet exercice de style est extrêmement périlleux et il faut que les acteurs soient donc extrêmement doués pour s'embarquer avec moi dans cette galère! Et j'ai vu juste car ils ont tous collaboré avec beaucoup de talent.
EN: Vos personnages sont dans tous vos films criants de vérité. Comment arrivez-vous à un tel résultat ?
Mike Leigh: Avant toute chose, il ne faut pas oublier que ce sont des personnages fictifs, des portraits de gens créés de toute pièce. Mais je n'invente rien. J'essaie seulement de raconter des histoires à partir d'observations. Je construis un puzzle qui peu à peu se transforme en un film. Et c'est il faut le rappeler le seul et unique but d'un réalisateur.
EN: Pour revenir à votre méthode de travail si particulière, de quoi s'agit-il exactement ?
ML: Avant de commencer un projet, je pose toujours la même question aux comédiens: "Etes-vous prêts à faire partie d'un film en acceptant mes règles du jeu ?
1ère règle: Vous ne saurez rien de l'histoire.
2ème règle: vous ne saurez rien sur vos personnages.
3ème règle: A aucun moment du tournage, vous n'en saurez plus.
S'ils acceptent, nous commençons alors à travailler sur chaque base de personnage pour leur construire une vie. Ma responsabilité en tant que metteur en scène est de relier toutes ces différentes entités pour en faire une histoire. L'improvisation tient une part immense dans cette forme de travail. C'est un challenge mais le résultat est toujours au-dessus de mes espérances.
Propos recueillis par Karine octobre 2002.
karine
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