(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Ancienne élève du départemant image de la Fémis (2e promotion - 1991), Laetitia Masson s'est tournée vers la réalisation avec brio: après un court métrage Chant de guerre parisien, son moyen métrage Nulle Part obtient le Grand Prix du Festival de Pantin. Son premier long En avoir (ou pas) avec Sandrine Kiberlain, Arnaud Giovaninetti et Roschdy Zem obtient de nombreux prix: César 1996 Meilleur Espoir féminin pour Sandrine Kiberlain, Nomination pour la Meilleure Première oeuvre de Fiction aux César1996, Prix oecuménique au Festival de Berlin (96), Louve d'or du Festival de Montréal (96), etc. A vendre (98) avec Sandrine Kiberlain , Sergio Castellitto, Jean-François Stévenin et Chiara Mastrioanni confirme l'intérêt de la réalisatrice pour les histoires d'amour et de recherche d'identité.
Laetitia Masson a aussi réalisé un court métrage dans le cadre de l'opération "3000 scénarios contre un virus" avec Vertige de l'amour, ainsi que plusieurs clips musicaux, notamment pour France Gall et Patrick Bruel. Love me est son troisième long métrage avec dans les rôles principaux Sandrine Kiberlain, Johnny Hallyday, Jean-François Stévenin et Salomé Stévenin. |
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Ecran Noir: Vous étiez à la Fémis au département image. Qu'est-ce que cette école vous a apporté? Vous dédiez d'ailleurs votre film à son ancien directeur récemment disparu, Jack Gajos...
Laetitia Masson: Oui, Jack Gajos est la première personne en dehors du cercle familial à avoir cru en moi. Il m'a vraiment soutenue dans ma démarche individuelle alors que j'étais un peu contre les principes enseignés aux cours de réalisation. Je faisais mes films à moi un peu en parallèle et j'étais tout le temps en train de remettre en cause l'enseignement. Je pense que la réalisation ne s'apprend pas au sens scolaire du terme et lui l'acceptait. L'intérêt de cette école, c'était qu'on nous donnais les moyens d'apprendre avec une certaine liberté d'esprit. C'était génial.
EN : Avez-vous gardé contact avec les gens de votre promotion ?
L.M.: Non, parce que justement, j'étais un peu à part et je le reste. Je ne pense pas non plus qu'on s'entend forcément avec les groupes de gens qui sont sensé vous ressembler. Ce n'est pas parce qu'on fait la même école que l'on se ressemble. Je ressens plus d'affinités parfois avec des gens qui sont loin de moi.
EN : : C'est la troisième fois que vous travaillez avec l'actrice Sandrine Kiberlain...
L.M.: C'est rare de rencontrer quelqu'un avec qui on s'entend aussi bien, aussi profondément, qui donne envie de poursuivre le travail commencé. La richesse peut se retrouver dans une seule personne. Pour En avoir (ou pas), j'avais contacté beaucoup d'actrices. Puis par hasard, j'ai rencontré Sandrine Kiberlain. Elle a été une source d'inspiration: elle a accepté d'aller jusqu'où je voulais l'emmener.
EN : Qu'est-ce que cette relation réalisatrice/actrice vous a apporté ?
L.M.: Je n'emploierais pas le mot relation, mais plutôt échange. Comme dans un match de tennis, lorsque l'on tombe sur quelqu'un qui vous renvoie bien la balle. Ce qui n'est pas plus rassurant. C'est même plus inquiétant, car il n'y a pas le bénéfice de la surprise. On se connaît déjà.
EN : Pensez-vous mettre un jour fin à cet échange avec Sandrine Kiberlain ?
L.M.: Oui, pour des raisons d'envie d'explorer d'autres choses. On ne retravaillera pas tout de suite ensemble, peut-être plus tard.
EN : Sandrine Kiberlain, Anh Duong, ces actrices ont votre âge. Est-ce plus facile d'écrire pour elles ?
L.M.: Oui, mais pas uniquement. Je peux aussi écrire pour des personnages plus vieux, comme Jean-François Stévenin ou Johnny Hallyday. J'écris pour des gens qui m'inspirent, qui me bouleversent. Ce sont des gens que j'admire et pour qui j'ai eu la possibilité d'écrire quelque chose. Quand je les ai rencontrés, je leur ai plu, à la fois au niveau humain et professionnel. On a eu envie de travailler ensemble, de partager quelque chose.
EN : Travailler avec Johnny Hallyday, c'était un rêve de gamine ?
L.M.: Non, mais un rêve de mon âge. C'est quelque chose qui est né tard. J'ai de l'admiration pour lui. Si j'avais été une simple fan, je n'aurais pas pu travailler avec lui. Il fallait une envie plus profonde.
EN : Johnny Hallyday a-t-il accepté facilement le rôle ?
L.M.: Ca l'amusait de jouer un personnage qu'il n'était pas, un chanteur perdu. Le fait que ce soit un chanteur le gênait plus qu'autre chose, d'ailleurs. J'avais bien sûr pensé à lui en écrivant ce rôle. S'il avait refusé, j'aurais dû me libérer de ce personnage et recommencer en écrivant pour quelqu'un d'autre. Les films sont des projets vivants, faits pour s'adapter aux gens.
EN : A propos de l'héroïne du film, Gabrielle Rose. On a l'impression qu'elle vit toujours dans le rêve qui est plus fort que la réalité.
L.M.: L'héroïne rejoint le réel, le possible à la fin. Ce n'est pas moins fort que l'idéal. C'est plus difficile de s'y confronter. Il s'agit pour elle de rejoindre une vraie personne et non plus un rêve. Quand à savoir si elle a trouvé le vrai amour, c'est comme dans la vie. On ne peut jamais dire si la personne avec l'on vit est la bonne ou non.
EN : L'héroïne se pose beaucoup de questions sans vraiment trouver les réponses. Filmer vous aide-t-il à répondre aux vôtres ?
L.M.: Non, ça n'y répond pas. Ca m'aide à supporter de ne pas en avoir.
EN : Pourquoi n'avoir pas donné plus de clés au spectateur pour la compréhension de l'histoire ?
L.M.: Dans la vie, on ne comprend pas toujours tout, on n'a pas toutes les réponses. Le cinéma s'adresse à nos émotions, à notre imaginaire. C'est comme un jeu avec le spectateur. Celui-ci devient plus actif, en étant dans le mystère. Dans un téléfilm, par exemple, on a toutes les clés: c'est du déjà connu. Moi, je veux aller vers l'inconnu: c'est plus intéressant et moins confortable.
EN : Vous jouez beaucoup avec la couleur: rouge dans A vendre, rose dans Love me.
L.M.: la couleur est une façon d'exprimer un état intérieur du personnage. Le cinéma joue avec le visuel, les symboles. J'utilise la couleur comme signifiant.
EN : Vous écrivez toujours vos scénarios seule ?
L.M.: Pour l'instant, je ne peux faire que ça. Je n'arrive pas à échanger des idées avec quelqu'un d'autre.
EN : Vous avez aussi réalisé un clip entre autres pour Patrick Bruel.
L.M.: C'était un mélange d'amitié et d'intérêt pour lui. C'est Patrick Bruel qui me l'a proposé et j'ai accepté. Il y a une différence entre faire un film de commande et un film personnel. Le film de commande, c'est tout ce que je ne sais pas faire: il y a énormément de contraintes, d'intervenants. Il faut apprendre à résister à tout ça.
EN : Pour vous, doit-on toujours souffrir quand on aime ?
L.M.: Non. Parfois, on vous propose l'amour, donc on ne souffre pas. Mes personnages sont des gens qui cherchent une place dans la vie. Ils ne se battent pas qu'avec l'amour, mais aussi avec l'argent, le travail. Ce sont des personnages fragiles. L'amour est le thème principal de la vie, des films. Ce qui fait que l'on a envie. Il sera sans doute présent dans mes prochains films. Comment, sous quel angle, je ne le sais pas encore.
EN : Des projets ?
L.M.: Je n'ai pas de plans : je suis guidée par mon envie. Mais je ne peux pas faire autre chose tant que Love me n'est pas sorti.
Muriel Raymond / Ecran Noir / 17.02.2000
muriel
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