Sara Forestier
Sara Forestier. Elle trouve que son nom est passe-partout, alors elle emprunte celui de Bahia BenMahmoud pour Le nom des gens. Rencontre avec une actrice nature et généreuse.



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 (c) Ecran Noir 96 - 24



Sous-titreurs en colère : Ceux qui ont dit « non ».

Les adaptateurs sous-titreurs de la société SDI Media France (Subtitling and Dubbing International) en ont ras le bol. Leurs conditions de travail sont de plus en plus précaires et leur employeur s’obstine à baisser leurs tarifs sans écouter leurs demandes. Depuis le 24 mars, les 30 employés de cette société spécialisée dans l’adaptation et le sous-titrage de DVD ont décidé de stopper leur activité. Sylvestre Meininger, traducteur en grève, a rencontré Ecran Noir pour expliquer les aléas d’un métier dont nous, cinéphiles, avons tous besoin. Dans un petit café parisien, ce jeune homme au look décontracté ne mâche pas ses mots. Pour lui, le cinéma est victime de la mondialisation et les utilisateurs de DVD sont floués.

Ecran Noir : Concrètement, c’est quoi le métier de sous-titreur ?





Sylvestre Meininger : Le véritable nom de cette profession c’est «adaptateur sous-titreur ». C’est un métier différent du doublage par exemple. Il faut traduire un texte tout en faisant le repérage, c’est à dire choisir un point d’entrée et de sortie pour chaque sous-titre. Généralement, dans les grands labos de sous-titrage, c’est une personne différente qui fait le repérage. Mais dans mon cas je faisais les deux. Les traducteurs qui n’ont pas à faire le repérage travaillent sur des fichiers word. Il existe aussi des logiciels qui permettent de numériser un film et de faire le repérage et la traduction au fur et à mesure. Sinon on peut dire que c’est un métier exclusivement féminin. A SDI par exemple, il y avait 25 femmes sur la totalité des employés.

EN : Quel est le statut d’un adaptateur sous-titreur ?

SM : Les personnes chargées du repérage sont considérées comme des intermittents du spectacle, et les adaptateurs ont un statut d’auteur. De ce fait, un sous-titreur n’est pas un salarié. Il est payé au sous-titre et voit son contrat renouvelé à chaque nouvelle commande. Il n’a donc pas droit aux congés payés, ni aux allocations chômage. C’est un travail totalement indépendant.

EN : Comment en êtes vous arrivé à faire ce métier ?

SM : Je suis arrivé là un peu par hasard, après avoir fait une thèse d’histoire du cinéma. Je connais bien le cinéma américain, je parle anglais, et avec ce genre d’études on acquiert les qualités requises : un bon esprit de synthèse, l’habitude de la critique etc…Ensuite j’ai rencontré quelqu’un qui m’a fait rentrer à SDI, car ce métier fonctionne avant tout par relations. Mais la traduction audiovisuelle c’est une filière complètement saturée. En France il y a 5 DESS qui donnent la formation requise. Il y a donc plein de jeunes qui arrivent sur le terrain tous les ans, mais comme ça fonctionne surtout par copinage ce n’est pas facile de rentrer dans le métier.

EN : Est-ce qu’on apporte plus de soin pour traduire un chef d’œuvre qu’un navet ?

SM : On accorde autant de soin à sous titrer un bon film qu’un mauvais. Il faut être toujours rigoureux dans sa traduction. Parfois si les dialogues ne sont pas terribles on s’arrange pour les rendre un peu meilleurs dans la version traduite. Une société comme SDI a traduit les DVD de grands films américains, comme Gladiator ou Spiderman. Il faut donc que les sous titres soient bons. Cela exige de bien connaître la société américaine, les expressions idiomatiques, de bien savoir rendre les jeux de mots. Ce n’est pas dur de faire des sous-titres, mais faire une bonne traduction c’est ça qui est difficile.

EN : Pourquoi doit-on retraduire un film pour sa sortie en DVD ou son passage à la TV ? Ne peut-on pas garder la première traduction qui a servi à la sortie du film en salle ?

SM : Les sous-titreurs travaillent pour tellement peu que ça revient moins cher de refaire traduire tout le film plutôt que d’acheter les droits du fichier de sous-titres original. Parfois il arrive qu’on récupère la traduction ciné, dans ce cas on a juste à faire le repérage, mais généralement on refait tout. Le problème c’est que les gros labos qui traduisent les films pour leur sortie en salle (comme Eclair, LVT, Titra…) payent beaucoup mieux que les labos qui traduisent les DVD. Pour un film en salle ils sont payés 2 à 3 euros le sous titre, alors que pour un DVD on est payé 35 cents le sous titre. Et pour la télé c’est encore un tarif différent.

EN : Justement quels sont les problèmes que vous rencontrez en ce moment et qu’est ce qui vous a poussé à claquer la porte de SDI ?

SM : Le problème principal c’est la baisse des tarifs. Ça doit faire 5 ans que nos conditions de travail se détériorent, et pas seulement à SDI, c’est comme ça dans tout le marché du sous-titrage. C’est arrivé en partie à cause de l’avènement des bouquets satellites. L’offre a augmenté et donc les tarifs ont dégringolé. Les chaînes câblées ont fait pression sur les labos de sous-titrage pour baisser les prix. Depuis quelques temps à SDI on était payé 6 fois moins que le tarif syndical. Et le plus souvent avec trois mois de retard. Ce qui est illégal en France. Mais SDI s’en fiche, c’est une multinationale qui détient 60% du marché mondial du sous-titre. En plus, elle enfreint également la loi en considérant ses sous-titreurs comme des auteurs. Nous faisons aussi le repérage, nous avons donc droit à être payés comme des intermittents du spectacle. Mais comme il est plus cher de payer des intermittents SDI a choisi ce qui est le plus rentable.

EN : Est-il facile de vivre de ce métier ou doit-on avoir un autre travail à coté pour assurer ses arrières ?

SM : Je bosse pour une autre boite de sous titrage. Et la plupart des adaptateurs sous-titreurs font aussi des traductions papier à coté car les tarifs sont vraiment dérisoires. Si on veut vivre décemment de la traduction audiovisuelle, il faut faire au moins 500 sous-titres par jour alors que la moyenne tourne plutôt autour des 25O. On arrive vite à 50h de travail par semaine. A ce rythme ça devient difficile de faire de bons sous-titres. La baisse des tarifs influe énormément sur la qualité.

EN : Comment se débrouille SDI depuis que vous êtes partis ?

SM : Ils sont quand même mal barrés. Depuis qu’on est parti ils n’ont pu embaucher que 6 personnes pour nous remplacer. Des jeunes qui n’ont pas forcément une expérience dans le métier et qu’on paye encore moins que nous. Car depuis qu’on a quitté SDI ils ont encore baissé les tarifs. Du coup, les nouveaux doivent faire jusqu’à 700 sous titres par jour pour gagner leur vie. La qualité de la traduction s’en ressent. Ils doivent travailler plus vite, ont moins le temps de relire…Les utilisateurs de DVD sont trompés sur la marchandise. Ils croient acheter un produit de luxe, mais il est truffé d’erreurs dans la traduction car les sous-titreurs n’ont pas pu faire leur travail correctement.

EN : Qu’est ce que vous espérez obtenir en vous mobilisant comme ça ?

SM : On n’est pas vraiment en grève puisqu’on n’est pas salarié. On a juste arrêté de travailler pour la société qui nous employait. Mais on sait bien qu’on ne peut pas faire grand chose. SDI étant une multinationale elle se sent un peu au-dessus de la loi française. Et même si elle devait fermer, elle rouvrirait sous un nom différent. On veut surtout que les gens soient au courant des problèmes du métier d’adaptateur sous-titreur et des pratiques tarifaires. Les traducteurs sont isolés. L’idée principale c’est d’obtenir une convention collective, mais c’est difficile de fédérer des indépendants.

Propos recueillis par Dominique / avril 2003.


   Dominique